La loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) de 2000 a fixé à 20 ou 25% l'objectif de logements sociaux à atteindre selon les territoires d'ici au 31 décembre 2025.
Le projet de loi 3Ds (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), examiné en première lecture par les sénateurs depuis mercredi dernier, fait disparaître cette date butoir pour permettre un "rattrapage glissant" du déficit de logements sociaux.
Il crée un "contrat de mixité sociale" entre le préfet, le maire et le président de l'intercommunalité, dans lequel pourra être adapté le rythme de rattrapage du déficit.
La ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon a salué lundi soir dans la loi SRU du ministre communiste Jean-Claude Gayssot un texte "très fort de solidarité" et s'est félicitée que "la mécanique continue".
"Il faut fixer aux maires des rendez-vous réalistes", sans date butoir ni objectifs "incantatoires", a appuyé la rapporteure pour avis Dominique Estrosi Sassone (LR), assurant qu'il ne s'agit pas de "dénaturer" la loi SRU.
Mais "il y a la volonté de certaines communes de ne pas accueillir de logements sociaux", a rappelé Sophie Taillé-Polian (groupe écologiste), tandis que le communiste Pierre Laurent réclamait "une pérennisation ambitieuse".
Au 1er janvier 2019, sur 2.091 communes concernées par la loi SRU, 767 avaient atteint l'objectif, 1.100 étaient déficitaires et 224 exemptées.
Le texte revoit d'ailleurs les critères d'exemption, remplaçant notamment le critère de desserte insuffisante par les transports en commun par un critère d'isolement.
Sur les 224 communes exemptées, 24 le sont au titre de l'inconstructibilité, 50 au titre de la "faible tension" sur la demande de logements sociaux et 150 pour insuffisance de desserte.
"Gosplan"
Plusieurs sénateurs, de droite mais aussi Alain Richard (groupe RDPI à majorité En Marche), ont souligné "l'impossibilité physique de réaliser les objectifs" pour certaines communes non exemptées quand les terrains manquent, ce que le projet de loi n'anticipe pas selon eux. "On est dans des objectifs qui s'apparenteraient au Gosplan" soviétique, a lancé Max Brisson (LR).
Les sénateurs ont adopté plusieurs dispositions visant soit à assouplir les obligations, soit à supprimer les sanctions applicables aux communes n'ayant pas atteint l'objectif.
"Un grand nombre de sanctions sont inefficaces, voire contreproductives", selon la rapporteure, rejointe par nombre d'élus qui se sont fait les porte-voix des maires.
Les sénateurs ont supprimé la reprise automatique par le préfet du droit de préemption urbain lorsqu'il a constaté la "carence" d'une commune aux regards de ses obligations de construction de logements sociaux.
Ils ont inscrit le principe de l'interdiction de réaliser des logements locatifs très sociaux dans les communes dotées de plus de 40% de logement social, afin de favoriser "la mixité sociale". C'est "une règle anti-ghetto", a fait valoir Mme Estrosi Sassone, cependant que le gouvernement a dit "partager l'objectif mais pas les moyens".
Les députés pourront revenir sur ces dispositions lorsqu'ils seront à leur tour saisis du texte.
Parmi les autres assouplissements, les sénateurs ont prévu d'exclure du décompte des résidences principales les logements en caserne des gendarmes et des militaires des armées. Pour la présidente LR de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas, ces logements "aggravent le déficit des communes qui ont d'importantes implantations militaires sur leur territoire".
Ont en revanche été repoussés toute une série d'amendements visant à comptabiliser comme logements sociaux les prisons, aires d'accueil des gens du voyage ou structures sociales et hébergements d'urgence.
Celui sur les prisons a fait bondir Emmanuelle Wargon, "fondamentalement hostile à l'assimilation du logement social et des prisons".
A gauche, l'écologiste Guy Benarroche s'est dit "atterré par ce genre d'amendement qui tend à tout considérer comme un logement social". "Si Prévert était encore vivant, il en ferait un inventaire poétique et si Boris Vian était encore vivant, il en ferait une complainte !", a-t-il déclaré, avant de lancer: "Et pourquoi pas les niches des chiens ?"