Au téléphone avec une bénévole de la plateforme "prévention expulsion" de la Fondation Abbé Pierre, ce Francilien explique s'être "écroulé" après la mort de sa mère au début de l'épidémie de Covid-19.
Très éprouvé par ce décès, le salarié raconte s'être "enfoncé dans une spirale de loyers impayés qui dure depuis 17 mois", chiffrant à 6.000 euros le montant de sa dette. "Je viens de prendre conscience de ma connerie, de ma situation problématique".
A l'autre bout du fil, Stéphanie Morel, bénévole, prend des notes et tente d'en savoir plus: le bail a-t-il été résilié ou est-ce que la justice lui a accordé un délai pour régler sa dette? A-t-il repris le versement de son loyer?
Sur les 1.350 appels reçus en moyenne chaque année depuis le lancement de la plateforme téléphonique (0810 001 505) en 2000, 70% ont concerné l'année dernière des loyers impayés, loin devant les congés (13%), les occupations sans toit ni titre (5%), les troubles de voisinage (2%). Le reste a trait à des demandes liées plus largement à l'accès au logement.
C'est le cas de cet homme qui explique, par mail, avoir perdu son emploi, être "dans un gouffre" et devoir quitter son appartement à la fin du mois en raison "de loyers en retard".
"Je ne sais pas comment faire: soit je mets fin à ma vie soit je suis dehors avec mes filles", qui sont en garde partagée, s'inquiète cet habitant de l'est de la France, au RSA. "Aidez-moi à trouver un logement".
Après avoir tenté de le joindre par téléphone, Stéphanie Morel le mettra en lien, par retour de mail, avec des associations locales à même de pouvoir mieux l'aider dans sa recherche de logement.
"L'idée est vraiment de pouvoir capter les personnes qui ne savent pas vers qui se tourner et de les orienter vers des associations qui pourront les accompagner tout au long de leurs démarches", explique Marie Rothhahn, chargée de mission accès aux droits à la Fondation Abbé Pierre, et responsable de la plateforme.
"On rationalise, on explique, on rassure, on explique la procédure", ajoute-t-elle. "On reproche à certaines personnes de faire l'autruche mais si on regarde les choses en face c'est terrifiant la perspective de perdre son logement. Ce qui est pris pour de la mauvaise foi, c'est souvent du découragement et de la honte".
"Sortie par les gendarmes"
Au bout du fil, les interlocuteurs sont souvent "à bout", "en détresse". Les bénévoles se souviennent encore de cette personne acculée par les dettes de ses loyers impayés et par les impôts et qui avait menacé de se rendre au Trésor public avec un fusil.
"On était déjà dans une situation dramatique avant la crise du Covid, et depuis beaucoup de situations se sont dégradées. Or, deux ou trois mois sans ressources, ça créé un déséquilibre budgétaire qui peut entraîner une fragilité dans le logement", souligne Marie Rothhahn.
"Tout ceci ne se verra pas forcément sur 2020/2021", ajoute-t-elle. "Mais les aides de l'Etat vont s'arrêter et il y a des entreprises qui ont jusque-là tenu le coup mais qui risquent de licencier."
Le téléphone sonne à nouveau. Une jeune femme de 30 ans explique qu'elle va être expulsée de chez elle le 31 mai en raison d'impayés de loyers et qu'elle n'a trouvé aucun logement.
"Je suis dans mes torts donc je vais partir, je n'ai pas envie d'être sortie de chez moi par les gendarmes", ajoute-t-elle.
"Ça va être compliqué d'être relogé avec une dette comme ça", la prépare Stéphanie Morel, qui prévient que la seule solution temporaire dans ce délai serait d'être hébergée par des proches ou d'appeler le 115.
Au total, la reprise des expulsions locatives programmée pour le 1er juin menacerait plus de 30.000 ménages, selon la Fondation Abbé Pierre.