Dans un avis publié mardi, le Conseil économique, social et environnemental estime que l'autonomie énergétique des territoires ultramarins en 2030, objectif fixé par la loi, sera "difficilement atteignable", saluant toutefois les progrès effectués et jugeant "réalistes" les objectifs affichés de décarbonation de l'énergie.
La Guadeloupe, elle, partait de loin avec moins de 20% d'énergies renouvelables en 2015, lors du vote de la loi de transition énergétique.
De mauvais élève, l'île papillon compte pourtant devenir première de la classe alors qu'une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), approuvée en octobre par la région Guadeloupe, fixe un "nouveau cadre et donne des objectifs par filière", selon Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l'Energie.
Selon ce projet, salué en juillet comme "ambitieux" dans un rapport parlementaire, "la production d'origine éolienne devra tripler" d'ici 2032, passant de 60 MW à 180 MW. Tout comme la production d'origine solaire, de 90 à 270 MW, tandis que la production géothermique devrait être multipliée par cinq pour atteindre 75 MW.
Et le renforcement d'autres énergies est prévu pour atteindre les 100% d'électricité renouvelables dès 2028.
"Nous avons environ 10 MW supplémentaires à venir", détaille à l'AFP Pierre Héreil, chef de projet hydroélectricité chez Valorem, l'un des pionniers français des renouvelables qui exploite 16 micro-centrales hydroélectriques en Guadeloupe.
"Je suis venue rencontrer tous les acteurs, faire le chiffrage" et "avoir des discussions face-à-face sur des projets sensibles", précisait Emmanuelle Wargon, de passage en Guadeloupe fin février.
Au rang de ces projets, la décarbonation de la centrale thermique d'EDF en Guadeloupe, qui doit remplacer le fioul par de la biomasse liquide essentiellement importée, ou le projet de valorisation des combustibles solides de récupération, issus des déchets ménagers, mis en œuvre par Albioma, second producteur d'électricité d'outre-mer.
Projets au ralenti
Pour autant, les projets guadeloupéens mettent du temps à sortir de terre et pourraient ralentir ces grandes ambitions. Pour la géothermie, dont l'industrie dépend du code minier, le temps de gestation peut monter à 10 ans, selon les spécialistes.
"Côté éolien et solaire, on est confronté à la question de l'absence de spatialisation des projets par la PPE", explique Laurent Pflumio, représentant local du Syndicat des Energies renouvelables.
Comme sur la majorité des territoires ultramarins, où le foncier représente un enjeu important, la Guadeloupe manque de place: éolien et photovoltaïque ne sont pas pertinents partout et nécessitent des permis de construire, mais aussi la possibilité d'être raccordés au réseau électrique. Or, ajoute Laurent Pflumio, "les boîtiers EDF de raccordement sont saturés".
Il faut, aussi, que la Commission de régulation de l'Energie détermine le prix d'achat de l'électricité, un tarif également à renégocier du côté des particuliers qui voudraient installer des panneaux photovoltaïques.
"L'électricité produite par les particuliers est - pour l'instant – moins bien rémunérée que celle produite dans le reste du pays", écrivent les parlementaires dans leur rapport, exhortant le gouvernement à appliquer un tarif plus incitatif sur ces territoires qui font face à "une inflation galopante depuis deux ans".
Mais au-delà du verdissement de l'électricité, l'autonomie énergétique est encore loin d'être atteinte.
D'ici 2033, selon la nouvelle PPE, la part locale de la production d'électricité devrait atteindre 50 à 75%, laissant la Guadeloupe toujours dépendante d'énergies importées, notamment les biomasses liquides et solides. Une proportion qui augmente mathématiquement en incluant les émissions de gaz à effet de serre liées au transport par bateaux de ces biomasses.
Et la transition énergétique posera un nouveau problème aux collectivités d'outre-mer, financier celui-là: comment remplacer les énergies fossiles dont la taxation, via la taxe spéciale de consommation, finance environ 50% du budget des collectivités territoriales, selon le Conseil économique, social et environnemental ?