Une réforme impossible ? "Les Anglais ont l'Irlande, les Américains les armes. Nous, on a les retraites", glissait récemment à l'AFP, fataliste, Edouard Philippe. L'ancien Premier ministre a lui-même essuyé des manifestations contre son projet à points, finalement abandonné pour cause de Covid.
Une majorité de Français s'oppose à cette réforme, dans le contexte inflammable d'un pouvoir d'achat rogné par l'inflation. Mais Emmanuel Macron reste déterminé: "cette année sera celle d'une réforme des retraites" appliquée "dès la fin de l'été", a-t-il martelé samedi lors de ses vœux aux Français.
Le report de sa présentation du 15 décembre au 10 janvier a permis à la cheffe du gouvernement d'entendre à nouveau, avant Noël, les groupes politiques puis, cette semaine, les partenaires sociaux, avant la présentation en conseil des ministres le 23 janvier.
Or l'ensemble des syndicats et l'essentiel des oppositions contestent le projet de l'exécutif de reporter progressivement l'âge de départ de 62 à 65 ans, ou à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation.
La Première ministre a semblé tempérer mardi la position du gouvernement sur la mesure d'âge. "On a porté les 65 ans" mais "ce n'est pas un totem", a déclaré Elisabeth Borne sur franceinfo, ajoutant étudier "d'autres solutions qui permettent d'atteindre notre objectif", à savoir "l'équilibre du système de retraite à l'horizon 2030".
La réforme tiendra compte "des carrières longues, des carrières hachées, de la difficulté de certaines tâches", elle permettra "d'équilibrer le financement" du système et "d'améliorer la retraite minimale", avait fait valoir Emmanuel Macron.
Français défavorables
L'exécutif espère au moins, grâce aux mesures sur la pénibilité, une "absence d'opposition frontale" de la CFDT, souligne un conseiller.
Mais quelque 54% des Français sont défavorables à cette réforme, selon un sondage Harris-Interactive réalisé fin décembre et publié lundi. "Il n'y a que les retraités, les 65 ans et plus, qui se déclarent favorables", note Frédéric Dabi, directeur de l'institut Ifop.
Elisabeth Borne espère néanmoins rallier Les Républicains, favorables à un report de l'âge. Elle doit à cet effet échanger leur président Eric Ciotti, ainsi qu'avec les chefs de groupes à l'Assemblée Olivier Marleix et au Sénat Bruno Retailleau.
Sans LR, le gouvernement, qui ne dispose que d'une majorité relative, serait obligé d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote.
Pour la première fois depuis 12 ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l'âge légal de 60 à 62 ans) tous les syndicats sont prêts à se mobiliser ensemble contre la réforme annoncée. Y compris la CFDT, sur une ligne plus ferme depuis son dernier congrès. Toute "mesure d'âge" sera une "ligne rouge", a redit son patron Laurent Berger dans la Dépêche du Midi, qui plaide pour un relèvement de dix points du taux d'emploi des seniors pour combler le déficit.