Trois pistes pour une réforme
Le Premier ministre va demander aux partenaires sociaux d'ouvrir de nouvelles négociations sur l'assurance chômage, autour de trois pistes.
D'abord la réduction de "plusieurs mois" de la durée d'indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois pour les moins de 53 ans, sans aller en-dessous de 12 mois. Ensuite une possible augmentation de la durée d'affiliation, soit le temps qu'il faut avoir travaillé pour avoir droit à des indemnités. Et enfin une modification du "niveau d'indemnisation du chômage" et de sa dégressivité pour les revenus élevés – cette dernière piste a toutefois moins la "préférence" du Premier ministre.
Gabriel Attal attend "les paramètres de cette réforme à l'été pour qu'elle puisse entrer en vigueur d'ici à l'automne".
Il est en revanche resté ouvert au sujet de la durée de l'indemnisation des seniors, qui devrait faire l'objet d'un accord entre patronat et syndicats le 10 avril.
Cette nouvelle réforme de l'assurance chômage, visant à atteindre un taux de chômage de l'ordre de 5%, dit de "plein emploi", alors qu'il était de 7,5% fin 2023, suivra de peu celles, contestées par les syndicats, de 2019 et de 2023. La réforme devrait rapporter "quelques milliards" d'euros par an, selon Matignon.
Voulant laisser la place à la négociation, la ministre du Travail Catherine Vautrin a précisé jeudi que les annonces du chef du gouvernement constituaient "une position de négociation".
Les économistes sceptiques
"Face à la conjoncture actuelle, où le chômage augmente depuis deux trimestres, il ne faut pas s'attendre à court terme à une efficacité de ces mesures", juge Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE.
D'autres pistes, notamment "un nouveau calcul des droits pour les chômeurs" serait plus efficace selon lui. Mais "penser que réduire les droits favorise le retour à l'emploi, c'est se tromper", affirme-t-il.
M. Heyer reconnaît qu'un durcissement peut permettre "d'économiser" – "le ministère du Travail évoque entre un et trois milliards d'euros d'économies", selon lui - et de "rassurer les partenaires européens et les marchés financiers".
"Surtout, c'est assez populaire de taper sur les chômeurs", pointe-t-il.
Les mesures de durcissement peuvent "être efficaces pour favoriser un retour à l'emploi", nuance Yannick L'Horty, professeur d'économie à l'université Gustave-Eiffel.
Pour autant, il considère que "cela fragilise la relation du salarié à son emploi": "Les salariés restent souvent moins longtemps sur des postes qui ne correspondaient peut-être pas totalement à leurs envies mais qu'ils ont été poussés d'accepter", indique-t-il.
Réduire les allocations peut "améliorer à court terme l'équilibre financier de l'assurance chômage en changeant les comportements des demandeurs d'emploi", selon l'économiste.
"Ce sont plutôt les créations d'activité qui permettent un retour à l'emploi", relève de son côté Annie Jolivet, du Centre d'études de l'emploi et du travail du Cnam. Pour cette experte, "ça n'a pas de sens de jouer" sur les paramètres d'indemnisation des chômeurs si l'objectif est d'abord de répondre aux emplois vacants.
Rejet syndical, le Medef réservé
L'efficacité économique d'un durcissement des règles de l'assurance chômage est aussi mise en doute par les syndicats et le patronat.
"Ça vire au trouble obsessionnel compulsif, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun rationnel économique", affirme la numéro un de la CGT Sophie Binet. "Supprimer les droits des chômeurs (...), ça entraîne un pays de mini-jobs à l'image de ce qui se passe en Angleterre ou en Allemagne."
"Rendre plus difficile l'accès au chômage ou baisser l'indemnisation, c'est quelque chose qui ne fonctionne pas, ça n'a jamais fonctionné", abonde le leader de la CFTC Cyril Chabanier.
Pour le président du Medef Patrick Martin, c'est surtout la conjoncture économique qui permettra un retour à l'emploi efficace. "Cette réforme est envisageable mais l'objectif de plein-emploi que nous partageons ne sera principalement atteint que si l'activité économique retrouve un niveau satisfaisant", a-t-il indiqué dans une déclaration transmise à la presse.