Une reconversion qui s'annonce comme l'une des plus grandes opérations en France de réemploi de matériaux de construction.
Construite sous l'annexion allemande au début du XXe siècle, la Caserne Lyautey, devenue hôpital militaire, était à l'abandon depuis 2008 dans le quartier populaire du Neuhof, dans le sud de la capitale alsacienne.
Cet ancien site de 2,3 hectares fermé sur lui-même doit se transformer à partir de l'an prochain en un mini-quartier accueillant un collège et 90 logements, sur les ruines des anciens bâtiments, à l'exception de quelques-uns qui seront réhabilités, comme le mess des officiers.
La filière du BTP voit dans la réutilisation des matériaux une solution majeure pour la réduction de ses déchets.
"Nous avons mesuré à 11.900 tonnes le volume issu des démolitions pouvant être réemployé", explique Benoît Gaugler, directeur de l'Etablissement public foncier d'Alsace, propriétaire du site qu'il a racheté au ministère des Armées.
Sur ce volume, on dénombre pas moins de "925.000 briques, 35.000 tuiles, 3,5 kilomètres linéaires de fenêtres en bois, 100 m3 de pierres de taille en grès, quelque 80 m3 de bois de charpente, cinq candélabres...", détaille-t-il.
Queue de castor
L'état plus ou moins bon de chaque matériau en détermine le destin. "Tous ont été passés au peigne fin, élément par élément, de façon à ne manquer aucune opportunité d'une nouvelle vie", pointe M. Gaugler.
Si la majeure partie des briques a dû être concassée, pour former notamment les futurs revêtements extérieurs, 109.000 d'entre elles retrouveront exactement leur fonction précédente dans les murs des nouveaux bâtiments.
"Pour l'une des premières fois en France, des briques seront réemployées pour la structure d'un bâtiment neuf, ce qui nécessite une validation technique spécifique par le bureau de contrôle du chantier", souligne Louis Piccon, l'architecte du projet.
Les tuiles typiques des toits alsaciens, en queue de castor, changeront quant à elles en partie de destination, le long d'un nouvel immeuble d'habitation.
"Elles ne feront pas que le couvrir, elles en habilleront aussi la façade", annonce Nicolas Jeandel, directeur général du promoteur immobilier Pierre & Territoires de France – Alsace.
Modèle d'économie circulaire
"La construction sera ainsi en harmonie avec la physionomie des deux immeubles conservés qu'elle prolongera, et que nous transformons aussi en logements. Du neuf qui se nourrit de l'ancien et de l'ancien qui redevient neuf grâce à des travaux de réhabilitation: ce projet bouscule les frontières entre les deux notions", poursuit-il.
Lorsque le réemploi à l'identique s'avère impossible, une autre réaffectation sur place est recherchée. Ainsi, les encadrements des anciennes fenêtres en bois deviendront des morceaux de mobilier dans le nouveau collège. Quant aux éléments les plus vétustes, comme la quasi-totalité des radiateurs et des éviers, ils partiront en filière de recyclage.
"Ce projet est un modèle d'économie circulaire : on récupère au maximum, on utilise les ressources sur place au lieu de les faire venir d'ailleurs, et l'on réduit ainsi l'empreinte carbone", se félicite Danielle Dambach, vice-présidente à la transition écologique de l'Eurométropole de Strasbourg, qui orchestre la reconversion du site.
Selon les calculs de Benoît Gaugler, l'ensemble des efforts entrepris "aboutira à économiser l'émission de 1.180 tonnes de C02", soit l'équivalent des rejets d'environ 4,7 millions de kilomètres parcourus en voiture. "Et leur surcoût de 113.450 euros par rapport à une gestion classique des déchets est minime au regard des volumes en jeu".