La validité de ce projet était déjà mise en doute à l'heure de la lutte contre le réchauffement climatique et au moment où les perspectives de croissance sans relâche du trafic de passagers ont volé en éclats sous l'effet de la pandémie. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a officialisé sa fin dans un entretien au journal Le Monde.
Le gouvernement a demandé au gestionnaire des aéroports de Paris, Groupe ADP, dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire, "d'abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l'environnement", a déclaré Mme Pompili au quotidien.
"Le Groupe ADP prend acte de cette demande qui est l'une des conséquences de la crise du Covid-19", a indiqué le gestionnaire. L'entreprise "engage un temps de réflexion sur les enjeux d'avenir de l'aéroport", selon son PDG Augustin de Romanet.
Ce projet de 7 à 9 milliards d'euros passait par la construction à l'horizon 2037 d'un quatrième terminal à l'aéroport Charles de Gaulle afin d'augmenter la capacité d'accueil de 40 millions de passagers par an.
"C'est un projet obsolète, qui ne correspondait plus à la politique environnementale du gouvernement et aux exigences d'un secteur en pleine mutation, tourné vers l'avion vert de demain", a estimé Mme Pompili.
Selon Le Monde, "le gouvernement demande désormais à Groupe ADP de proposer un tout autre projet, qui ne sera pas centré sur l'accroissement des capacités de Roissy", deuxième aéroport d'Europe derrière Londres-Heathrow avant la crise.
"Nous aurons toujours besoin des avions, mais il s'agit d'être dans une utilisation plus raisonnée de l'aérien, et d'atteindre une baisse des émissions de gaz à effet de serre du secteur", selon Mme Pompili.
Cette annonce intervient au lendemain de la présentation par le gouvernement de son projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, un texte vivement critiqué pour son "manque de muscle" par une partie de la gauche et des ONG.
"Victoire écologiste"
Ce texte "encadre le développement des capacités aéroportuaires pour les rendre compatibles avec nos objectifs de lutte contre le changement climatique" mais souligne que "les adaptations et aménagements nécessaires aux aéroports à l'intérieur de leurs emprises restent possibles".
L'association de défense de l'environnement Greenpeace a jugé ambiguë l'annonce de jeudi et souligné sur Twitter que "quel que soit le projet, il n'est pas acceptable d'augmenter encore le trafic aérien".
Les élus du Groupe alternative écologiste et sociale de la Région, tout en disant rester "vigilant(s)", ont estimé que l'abandon du projet actuel constituait "une victoire écologiste pour l'Ile-de-France. Il aura fallu une pandémie pour faire tomber un projet qui n'a pourtant jamais été soutenable, ni compatible avec les engagements de la France sur le climat".
Le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a estimé "un peu prématuré" d'avoir décidé de tirer un trait sur un terminal supplémentaire. "J'aurais compris la suspension. Parce que objectivement, le trafic aérien, on le voit tous (...) ce n'est plus les croissances qu'on imaginait il y a encore deux ans ou quelques années", a-t-il déclaré sur France Inter.
La crise sanitaire mondiale, qui a réduit le trafic aérien à la portion congrue, en particulier les déplacements en long-courrier, a en effet jeté le doute sur un l'accroissement continu des flux de voyageurs et donc la nécessité d'adapter les infrastructures.
Le projet du nouveau terminal "T4" avait déjà subi un revers en juillet 2020 lorsque l'Autorité environnementale avait constaté que "l'équation à résoudre" entre l'augmentation des vols, de la circulation routière et le respect des objectifs internationaux de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre n'était "pas décrite ni posée de manière complète".
En janvier 2020, 62 maires d'Ile-de-France avaient pris position contre l'extension de Roissy.
Les ONG dubitatives
Un collectif d'ONG opposées à la construction d'un quatrième terminal à l'aéroport de Roissy a réclamé jeudi des "garanties" au gouvernement après l'annonce de l'abandon du projet, s'inquiétant d'une augmentation possible malgré tout des capacités de l'aéroport.
Dans un entretien au journal Le Monde jeudi, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a annoncé que le gouvernement a demandé au gestionnaire des aéroports de Paris, ADP Groupe, dont l'Etat est actionnaire majoritaire, "d'abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l'environnement".
"Les associations prennent acte de cette déclaration, mais s'inquiètent de l'effet d'annonce et s'interrogent sur la teneur du +nouveau projet+, ainsi que sur les garanties juridiques apportées pour qu'il n'y ait pas d'augmentation des capacités d'accueil de Roissy, alors que le gouvernement se déclare ouvert à cette possibilité", ont réagi dans un communiqué le collectif Non au Terminal 4, Greenpeace France, Notre affaire à tous, Alternatiba Paris ou encore le Réseau Action Climat.
"La question de l'extension des capacités de l'aéroport de Roissy reste posée", poursuivent les organisations, qui estiment que le nouveau projet de loi Climat jugé pas assez ambitieux par les ONG n'apporte pas de garanties suffisantes pour empêcher les extensions d'aéroports de manière générale.
Dans une réaction séparée sur Twitter, Greenpeace va plus loin. "Cette fausse annonce sur Roissy orchestrée par le gouvernement, au moment où le texte au rabais de la Loi Climat est présenté, est scandaleuse !", a estimé l'ONG, dénonçant un ""chiffon vert" agité par Barbara Pompili "pour nous forcer à regarder ailleurs et tenter de muscler un texte ras les pâquerettes".
ANV-COP 21 s'est de son côté félicité d'une "victoire". Mais "la bataille contre les grands projets aéroportuaires, y compris à Roissy, n'est pas terminée", a ajouté l'ONG sur Twitter.