Si le bâtiment se maintient encore sous les seuils d’avant Covid, d’autres activités sont à l’inverse très durement impactées, en particulier celles en lien direct avec les consommateurs (habillement, soins, coiffure, etc.) L’Ile-de-France, qui résistait encore à l’issue du premier trimestre, enregistre désormais des niveaux de défaillances plus jamais observés depuis 2016.
Pour Thierry Millon, directeur des études Altares : « Au terme de ce 2e trimestre 2023, le référentiel d’avant Covid vole en éclat. Le cap des 13.000 défaillances est nettement franchi et nous ramène à des seuils similaires à 2016, période marquée par les crises financières et européennes. Les activités à destination des consommateurs sont les plus durement sinistrées : restauration rapide, alimentation générale, coiffure, réparation & vente de véhicules. Plus de 9 procédures sur 10 concernent des TPE, dont les ¾ sont immédiatement liquidées. Plus de 1.100 PME et ETI ont aussi fait défaut, du jamais vu depuis plus de 10 ans. »
En hausse de 35% au 2e trimestre 2023, le nombre de défaillances d’entreprises est au plus haut depuis 2016
13.266 entreprises sont tombées en défaillance entre le 1er avril et le 30 juin 2023, soit une hausse de 35% par rapport à la même période de 2022. Ce nombre est désormais supérieur à celui constaté au printemps 2017 (13.000) mais encore inférieur à celui de 2016 (14.000). Sur 12 mois glissés, le cap des 50.000 entreprises défaillantes est dépassé. Un seuil cette fois similaire à février 2020, juste avant la crise Covid.
Autre signal d’un 2e trimestre particulièrement difficile, le nombre de procédures de sauvegarde (431) est quasiment à son plus haut niveau historique. Les liquidations judiciaires (LJ) accusent elles aussi une forte accélération. Près de 9.400 liquidations ont été prononcées, un nombre proche de celui du T2 2016 (9.700).
Les procédures de redressement judiciaire (RJ) n’ont, en revanche, pas encore retrouvé les valeurs de 2019. Moins de 3.500 redressements ont été ouverts contre plus de 3.700 lors du 2e trimestre 2019.
Pour Thierry Millon : « Des redressements judiciaires moins nombreux qu’avant Covid mais des liquidations judiciaires bien plus fréquentes illustrent la profonde détresse financière des entreprises qui font défaut actuellement. »
Nombre de défaillances d’entreprises par type de procédure par trimestre (Données arrêtées au 1er juillet de chaque année)
Focus : La procédure éphémère de traitement de sortie de crise a pris fin en juin 2023, quel bilan ?
La procédure temporaire de traitement de sortie de crise (PTSC) entrée en vigueur en octobre 2021 pour permettre aux petites entreprises connaissant des difficultés liées à la crise sanitaire de rebondir rapidement, a pris fin en juin 2023. Cette procédure collective simplifiée aura finalement convaincu 155 entrepreneurs dont 68 sur le seul premier semestre 2023 contre 72 sur l’ensemble de l’année 2022.
Pour près des trois quarts (72%) des PTSC ayant à date bénéficié d’une suite de jugement, un plan de redressement a pu être adopté. Pour 28% en revanche, une conversion de la PTSC en redressement voire liquidation judiciaire a été nécessaire. Pour l’instant, près de 9 plans sur 10 sont respectés.
Conséquence de la très forte hausse des défauts de PME et ETI, le nombre d’emplois menacés dépasse les 55.000, du jamais vu depuis 2014
Les TPE constituent historiquement le plus gros des entreprises tombées en défaillances : en ce 2e trimestre, 12.130 entreprises défaillantes comptent moins de 10 salariés, soit 91% du total des procédures.
Le rythme d’augmentation est cependant bien plus marqué chez les PME ETI. Alors que les défauts de TPE sont en hausse de 33% par rapport au T2 2022 (9.095), les PME ETI enregistrent une hausse de 55% du nombre de procédures.
1.136 PME et ETI ont fait défaut au cours du 2e trimestre contre 731 il y a un an. Le nombre de sinistres de sociétés de plus de 10 salariés est au plus haut depuis plus de dix ans. Au printemps 2013 nous comptions 1.289 défauts.
Dans ces conditions le nombre d’emplois menacés repasse pour la première fois au-dessus de la barre des 55.000, un seuil qui n’avait plus été approché depuis le 2e trimestre 2014.
Les très jeunes entreprises résistent avec un recul de 5% des défaillances
Les très jeunes entreprises de moins de 3 ans, lancées au sortir de la crise sanitaire, dans un contexte de reprise économique se sont avérées plus résilientes. Le nombre de défaillances sur cette catégorie recule de plus de 5%.
A savoir, les défaillances sur cette même catégorie s’envolaient de plus de 130% il y a un an. Ici, il s’agissait des sociétés lancées dans l’œil du cyclone, en pleine période de crise et de confinements répétés. En comparaison, les chiffres de ce 2e trimestre 2023 étaient donc attendus moins sévères. 1.657 entreprises de moins de trois ans ont fait défaut, c’est également très en-dessous des 2.000 procédures ouvertes au cours du 2e trimestre 2019.
Pour Thierry Millon : « Les entreprises lancées à l’issue de la crise ont éclos dans l’adversité, avec des projets très préparés, solidement financés, et une appréhension de la crise passée. »
La construction tente de résister, le commerce en souffrance
Commerce
La situation se dégrade très nettement dans les activités de détail (1805 ; +35%), un plus haut depuis le T2 2016 (1876).
Le commerce et réparation de véhicules (546 ; +33%) n’a pas connu de 2e trimestre plus sinistré sur la décennie, qu’il s’agisse des garagistes (234 ; +24%) ou du commerce de véhicules (231 ; + 52%).
Le commerce d'habillement affiche la hausse la plus sévère (308 ; +72%), un nombre qui n’avait plus été atteint depuis plus de cinq ans (340 en 2017 T2).
Les supérettes et supermarchés connaissent des tendances plus lourdes encore. Le commerce multi-rayons (269 ; + 33%) enregistre son plus mauvais chiffre de la décennie. Parmi les autres activités de commerce au plus haut sur dix ans, nous trouvons la poissonnerie, la parfumerie ou le e-commerce.
Le commerce interentreprises tente de résister mais reste à la peine dans l’alimentaire (93; +39%).
Les activités B2B sont également rattrapées par la hausse des procédures
Construction
La construction (3084 ; +35%) s’inscrit elle aussi désormais sur une tendance de hausse rapide, mais sans renouer pour autant avec les seuils d’avant crise.
Le gros œuvre (885 ; +37%) tient encore (1039 au T2 2019) en dépit d’une hausse très rapide en maçonnerie générale (616 ; +54%). La construction de maisons individuelles (117 ; +18%) résiste malgré un contexte très difficile.
Le second œuvre (1522, +33%) est en revanche plus à la peine, désormais tout proche du T2 2019 (1575). Quelques activités ont dépassé le référentiel 2019 ; il s’agit des travaux d'installation électrique, d'isolation ou d'étanchéification qui retrouvent les valeurs du T2 2016.
Dans les travaux publics (170 ; +24%) la dégradation est tirée par les travaux de terrassement qui remontent au niveau du T2 2014.
L’immobilier est sévèrement orienté pour les agences immobilières (190 ; + 104%), les plus mauvais chiffres depuis le T2 2014.
Industrie manufacturière
Dans l’industrie manufacturière (515 ; +19%), le nombre des défaillances est au plus haut depuis cinq ans (576 au T2 2017). C’est notamment le cas dans les activités de fabrication de vêtements de dessus, de charpentes, de prépresse ou de mécanique industrielle.
Services aux entreprises
Le secteur des services aux entreprises (1.750 ; +30%) affiche un nombre de défauts comparable à celui du T2 2013.
Les activités scientifiques et techniques (834 ; +29%) résistent à peine mieux, leur permettant de se situer sur les niveaux de défauts du T2 2016, voire du T2 2018 pour la publicité.
Dans les services administratifs aux entreprises (916 ; +31%), les services d'aménagement paysager, les foires et les salons ou agences de voyage sont au plus haut sur la décennie.
Transports
Le transport routier de marchandises (328 ; +25%) enregistre une sinistralité jamais atteinte depuis plus de dix ans (359 en 2013 T2). Si le fret de proximité (182 ; +23%) revient à sa situation du T2 2016, en revanche, le niveau de défauts de l’interurbain (132 ; +31%) est sans égal sur dix ans.
A l’issue de 2023, le prévisionnel de 55.000 défauts est encore envisageable
Pour Thierry Millon : « Depuis février 2022, le nombre de défaillances d’entreprises augmentait en moyenne de 50% chaque mois. Ce mois de juin 2023 nous donne un signal plus encourageant, en dépit du défaut de grands acteurs. Le bilan des trois mois d’été est traditionnellement moins lourd du fait notamment des vacations judiciaires d’août. C’est pourquoi, sauf à ce que les assignations Urssaf accélèrent fortement à la rentrée, le prévisionnel de 55.000 défauts en 2023 reste envisageable. Après 28.500 défaillances à mi-année, le second semestre pourrait alors compter environ 26.000 défaillances. »
L’étude complète « Défaillances et sauvegardes d’entreprises – 2ème trimestre 2023 » est disponible en téléchargement
Méthodologie : Les statistiques Altares de défaillances d’entreprises comptabilisent l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou Judiciaire (ex TGI - TI).