Le 1er avril, il sera à nouveau possible d'expulser des locataires de leur logement, à l'issue des cinq mois légaux de trêve hivernale où c'est impossible sauf exceptions.
C'est la première fois depuis que le Covid-19 circule en France qu'elle n'est pas prolongée. En 2020, elle l'avait été jusqu'en juillet et en 2021 jusqu'à fin mai.
Le nombre d'expulsions, après un record en 2019, avait ainsi nettement diminué. Faute de temps pour les pratiquer, mais aussi parce que la ministre Emmanuelle Wargon avait donné consigne aux préfets d'éviter les expulsions sans solution, l'État indemnisant les bailleurs.
Mais cette année, fait-on savoir au ministère, "il n'y a pas de circonstances qui obligeraient à prolonger la trêve hivernale. (...) La consigne reste quand même d'une application avec beaucoup de discernement, notamment concernant des familles ou des gens de bonne foi", ajoute-t-on.
"Retour à la normale"
La consigne aux préfets sera "dans la continuité de l'année dernière", promet-on au ministère.
Pas de quoi éteindre les préoccupations des associations de lutte contre le mal-logement.
"Ce qu'il a été possible de faire pendant la crise, ce serait des choses qu'il faudrait absolument maintenir en 2022, pour faire en sorte qu'on ne se retrouve pas avec plein de familles expulsées derrière", souhaite Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) qui regroupe des centaines d'associations contre l'exclusion.
Selon une étude de la fondation Abbé-Pierre sur 66 ménages expulsés, publiée mercredi, 32% d'entre eux n'ont pas retrouvé de logement fixe un à trois ans après.
L'expulsion, note la fondation, a un impact sur la santé physique et psychologique, 71% des ménages faisant état de problèmes de santé ou de difficultés psychologiques. Les enfants en souffrent aussi : quatre familles sur cinq constatent une dégradation de leur bien-être et deux sur cinq un impact sur leur parcours scolaire.
"Notre crainte, c'est qu'en 2022, où il y a une sorte de retour à la normale dans les politiques et dans l'attitude générale, on reprenne le rythme habituel de 18.000 expulsions, plus tous ceux qui étaient en sursis", dit également Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre.
Il redoute également qu'un éventuel changement de ministre, après les élections présidentielle et législatives, ne laisse davantage les mains libres aux préfets pour expulser.
"Nous estimons que le nombre de situations conduisant à des expulsions va en se réduisant grâce à une politique active de prévention", a réagi la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, s'attendant à "entre 10.000 et 15.000 expulsions sur l'année".
Coupures
D'autant que le contexte social est défavorable : la flambée des prix de l'énergie pourrait grever le budget de ménages précaires et augmenter le nombre d'impayés de factures et de loyer.
Car la fin de la trêve hivernale permet aussi aux fournisseurs de couper l'électricité et le gaz aux mauvais payeurs.
Si l'opérateur historique EDF a promis de ne pas procéder à de telles coupures, leur préférant une réduction de puissance pour assurer un "service minimum" (lumière, réfrigérateur, recharge de téléphone), il n'a pas été suivi par ses concurrents.
L'autre source d'inquiétude pour les associations concerne l'hébergement d'urgence, qui permet aux personnes sans domicile d'éviter de se retrouver à la rue.
Cette année, les places créées pour l'hiver ne sont pas supprimées, comme c'était le cas auparavant. Mais malgré la fin de cette "gestion au thermomètre", réclamée de longue date par les associations, le nombre de places, d'environ 200.000 actuellement, doit passer à 190.000 d'ici à la fin de l'année.
Cette réduction se fera une fois que les besoins par département auront été évalués par les préfectures avec les associations, promet-on au ministère. Un travail encore en cours.