Quelques heures après les 63 et 65 de la rue d'Aubagne, le 67 était tombé à son tour, comme un domino. Plus haut, du 69 au 83, tous les immeubles avaient été évacués en urgence. Ils sont restés vides depuis, leurs habitants n'ayant jamais été autorisés à y retourner, face au danger persistant.
"Au bout de deux ans de procédures, l'Etablissement public foncier (EPF) a finalisé le 3 octobre l'acquisition de la totalité des 85 logements et des neuf commerces composant ce linéaire", a annoncé mardi la ville de Marseille.
D'ici à la fin de l'année, ces bâtiments vont être cédés à la SPLA-IN, la société publique locale d'aménagement d'intérêt national créée pour mettre en œuvre le projet Marseille Horizon, une stratégie à 15 ans échafaudée après ce drame pour les 1.000 hectares du centre-ville gangrenés par l'habitat indigne.
Sur les lieux du drame, dans la dent creuse laissée par les trois bâtiments disparus, c'est un "lieu ressources, ouvert à tous" qui fera son apparition, selon la ville. Cinq équipes d'architectes et paysagistes vont concourir, pour un projet qui sera dévoilé au premier trimestre 2024.
Pour les autres immeubles entre les mains de la SPLA-IN, l'avenir est plus flou. Seront-ils démolis, réhabilités ?
Au sein de la municipalité, on espère éviter deux écueils : transformer ce cœur populaire de la ville en "boboland", ou répliquer Euroméditerranée, quartier ultramoderne bâti à la place d'anciens docks. "On veut faire de la haute couture, mais ça va prendre plus de temps", expliquait Patrick Amico, adjoint au Logement à la ville de Marseille, à l'AFP.
"Et la fête continue !"
Les acteurs publics se sont engagés à ce que 70% des futurs appartements du 69 au 83 soient des logements sociaux, a affirmé Mathilde Chaboche, alors adjointe à l'Urbanisme, en octobre 2022.
Car le manque de logements accessibles est patent au coeur de la deuxième ville de France. "Si on parle (du quartier) de la rue d'Aubagne, on a à peu près 95% de la population éligible au logement social et seulement 8% de logements sociaux", soulignait en novembre 2022 le maire de Marseille, Benoît Payan, élu à la tête d'une large union de la gauche en juin 2020, après 25 ans de règne de Jean-Claude Gaudin (LR).
"Je veux que les marchands de sommeil ne dorment plus", avait alors insisté l'élu, auprès de l'AFP. Samedi, dans une tribune au quotidien Le Monde, il a relancé ce dossier, appelant à légiférer pour reconnaître le délit de "marchand de sommeil" et renforcer les sanctions pénales à leur encontre.
Du côté de l'enquête judiciaire, les choses ont également progressé. Comme révélé par le site d'investigation local Marsactu, les trois juges chargés de ce dossier ont officiellement bouclé leur instruction le 18 octobre. Un procès pourrait avoir lieu dès 2024, une fois le réquisitoire définitif pris par le parquet.
Si l'ancien maire, seulement entendu comme témoin, ne sera pas sur le banc des prévenus, un de ses anciens adjoints, Julien Ruas, chargé de la prévention et de la gestion des risques, devrait, lui, être jugé. Il a été mis en examen pour homicides involontaires par violation délibérée, blessures involontaires par violation délibérée et mise en danger délibérée d'autrui.
Les trois autres mis en examen sont Marseille Habitat, la société d'économie mixte de la ville de Marseille propriétaire du 63, vide au moment des faits, le cabinet Liautard, gestionnaire de la copropriété du 65, où habitaient les huit victimes, et enfin Richard Carta, un expert judiciaire qui avait inspecté le 65 peu avant le drame.
En attendant le procès, la rue d'Aubagne sera d'abord une héroïne de cinéma, à partir du 15 novembre, filmée par la caméra du réalisateur marseillais Robert Guédiguian. Le titre du film ? "Et la fête continue !"