"Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes dirigées contre les dispositions du décret du 30 mars 2021" qui modifiait le calcul de l'allocation, conclut le Conseil d'Etat dans sa décision.
C'est la fin d'une longue bataille menée par les syndicats contre cette réforme présentée en juillet 2019 par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, dont l'application avait été reportée plusieurs fois du fait de la crise du Covid et de rebondissements judiciaires.
Pour Michel Beaugas (FO), ce rejet est "une déception car la réforme est mauvaise et, contrairement à ce que dit le gouvernement, ne favorisera pas le recours à moins de contrats courts".
L'Unsa y voit "un coup dur pour les demandeurs d'emploi", dans un communiqué.
Les juges ont suivi l'avis de la rapporteure publique Marie Sirinelli qui avait rejeté un à un lors de l'audience les arguments des syndicats.
Au centre du contentieux, le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l'allocation chômage, qui va pénaliser l'indemnisation des demandeurs d'emploi alternant périodes de travail et d'inactivité.
Dans un contexte de baisse du chômage et de difficultés de recrutement, Emmanuel Macron a répété que cette réforme était "indispensable (...) pour rendre la reprise du travail plus attractive dans tous les cas", les règles précédentes pouvant rendre parfois plus rémunératrice cette "permittence" qu'une activité continue à mi-temps par exemple.
Pour y remédier, la réforme de 2019 prévoyait que le SJR soit calculé en divisant les salaires perçus au cours des 24 mois avant le chômage par l'ensemble des jours - et non plus les seuls jours travaillés - entre le premier et le dernier jour d'emploi.
Mécaniquement, cela baisse fortement le montant de l'allocation (puisqu'on divise le même salaire par plus de jours) de ceux qui ne travaillent pas en continu.
"Revirement"
Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs invalidé en novembre 2020 cette mesure au motif qu'elle entraînait "une différence de traitement manifestement disproportionnée" entre chômeurs.
Au terme d'une concertation avec les partenaires sociaux, l'exécutif avait pris un nouveau décret fin mars - celui sur lequel le Conseil d'Etat s'est prononcé mercredi - qui plafonne le nombre de jours non travaillés pris en compte dans le calcul.
Selon l'Unédic, plusieurs centaines de milliers de demandeurs ouvrant des droits dans l'année suivant l'application de la réforme toucheront cependant une allocation mensuelle plus faible (de 17% en moyenne).
Mais pour les juges, ces différences de traitement relevées par l'Unédic "bénéficient aux personnes dont les périodes d'emploi sont les plus rapprochées" et ne sont pas "manifestement disproportionnées" grâce au plafonnement.
Dans un communiqué, la CGT s'interroge sur ce "revirement du Conseil d'Etat". "La campagne présidentielle a-t-elle impliqué des pressions sur la plus haute juridiction administrative ?", se demande-t-elle.
Les syndicats déploraient aussi le décalage entre l'entrée en vigueur du nouveau mode de calcul le 1er octobre et celle du bonus-malus sur les entreprises (dans sept grands secteurs consommateurs de contrats courts) qui n'aura d'effet sur les cotisations chômage qu'en septembre 2022 et que pour deux mois... les règles devant déjà être renégociées pour novembre 2022.
L'exécutif, qui compte sur cette mesure pour lutter contre l'abus de contrats précaires, répond que la période d'observation des entreprises pour calculer cette modulation a démarré dès juillet 2021.
Les économies attendues par la réforme (1,9 milliard en 2022 dont 800 millions liés au SJR, selon l'Unédic) vont au-delà de celles fixées initialement par le gouvernement (entre 1 et 1,3 milliard).
Le reste de la réforme contestée est aussi appliqué depuis le 1er décembre.
Il faut désormais avoir travaillé six mois au lieu de quatre pour bénéficier d'une allocation chômage.
La dégressivité de 30% (pour les chômeurs de moins de 57 ans ayant perdu une rémunération supérieure à 4.500 euros brut) s'applique au 7e mois et non plus au 9e.
Une commission de suivi des effets de la réforme, associant les partenaires sociaux, doit être instaurée début 2022.