Quelques mois après sa promulgation, l’ARI dresse un constat alarmant affectant directement l’économie de la filière dans les territoires.
Des impacts lourds de la filière REP sur l’activité de ses adhérents
L’entrée en vigueur de la REP des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), issue de la loi AGEC, en début d’année a marqué un tournant pour l’activité de recyclage des déchets du bâtiment. Quelques mois suffissent pour constater que les recycleurs indépendants sont largement exclus de la nouvelle organisation de la filière. L’organisation de la collecte et du traitement des déchets inertes (minéraux) et non inertes (autres matériaux, métaux, bois, isolants…) est désormais confiée aux 4 éco-organismes, qui ont mis en place des contrats de sous-traitance auxquels les recycleurs indépendants ne peuvent pas répondre : manque de transparence des critères d’attribution, barèmes sous-évalués. Toutes ces nouvelles contraintes entravent le principe de libre concurrence, pourtant essentiel dans les négociations commerciales.
Ces difficultés impacteraient nécessairement économiquement les recycleurs indépendants, qui pourraient accuser, pour un grand nombre d’entre-eux, une perte de leur activité entre 2022 et le prévisionnel 2023. A terme, il y a donc un risque de fermeture de leurs structures, faute de pouvoir rentabiliser leurs investissements dans des outils de recyclage, et la disparition d’exutoires locaux des matières recyclés.
Les grandes enseignes de distribution de matériaux de construction, estampillées désormais « points de collecte » par les éco-organismes, se sont improvisées « acteurs incontournables du recyclage », alors que les conditions d’adoption des bons gestes de tri ne sont pour autant garanties, faute d’agents suffisants sur les quais d’apports.
Pour Samuel Lostis, président de l’Association des Recycleurs Indépendants : «Cette nouvelle réglementation a des conséquences préjudiciables pour les 2.000 indépendants que nous représentons, mais elle va impacter, à terme, la gestion des déchets sur tout le territoire national, alors que nous sommes acteurs indispensables de la protection de l’environnement. Grâce aux recycleurs indépendants, c’est 5 millions de tonnes de déchets traités par an. Il est également urgent de travailler de concert avec les éco-organismes pour définir des règles vertueuses de sous-traitance, en vue de l’ouverture prochaine d’autres REP.»
Des évolutions nécessaires pour soutenir la filière des recycleurs indépendants
Face à ces constats, des solutions sont possibles pour rétablir l’équilibre économique et l’efficience de la filière.
Pour des questions de transparence, l’ARI propose d’opérer un contrôle sur l’attribution des marchés de sous-traitance, et la publication de l’ensemble des acteurs du recyclage, y compris ceux qui ne sont pas conventionnés sur leurs sites, afin de permettre aux « consom’acteurs » de faire le bon choix pour la collecte et la valorisation de leurs déchets.
Par ailleurs, pour éviter cette concurrence déloyale, et retrouver un équilibre économique, les recycleurs indépendants demandent de fixer des barèmes de rémunération, après concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière du secteur du bâtiment et de favoriser la valorisation les déchets collectés par les sous-traitants, dans des exutoires de proximité. Car dans le contexte de pénurie de matières premières, et de disponibilité des matériaux, les matériaux usagers ne constituent pas tant une charge pour son élimination, qu’une opportunité pour une valorisation économique.
Enfin, pour réduire l’impact environnemental, la filière propose de préciser à l’article L.541-10-6 du code de l’environnement que les marchés portant sur la collecte, le recyclage ou le traitement des déchets doivent être conclus avec des opérateurs justifiants d’une installation conforme à la réglementation sur les ICPE.
La capacité des acteurs de la filière REP et des décideurs publics à répondre à ces demandes sera déterminante pour la qualité de la mise en place aujourd’hui de la filière REP des déchets du bâtiment, et demain, celles de nouvelles filières, telles que les véhicules hors d’usage (VHU).
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