Conçues en France et assemblées en Allemagne, les deux premières rames ont accueilli leurs premiers passagers lundi, sur une ligne secondaire longue de 100 km en Basse-Saxe, dans le nord de l'Allemagne. Elles vont désormais parcourir tous les jours, et pendant deux ans, un aller-retour chacune entre Cuxhaven, Bremerhaven, Bremervörde et Buxtehude.
Les trains sont équipés de piles à combustible qui transforment en électricité l'hydrogène stocké sur le toit et l'oxygène ambiant. Des batteries ion-lithium permettent en outre de stocker l'énergie récupérée pendant le freinage, qui est réutilisée dans les phases d'accélération.
Le passager a donc l'impression de voyager dans un train électrique, bien plus silencieux que son comparse diesel.
Garantis "à zéro émission", les trains à hydrogène émettent uniquement de la vapeur d'eau et de l'eau condensée. C'est parfait pour rouler dans des métropoles ou à travers des zones protégées.
Ils ont, selon Alstom, une autonomie de 1.000 km entre deux pleins, soit à peu près autant qu'un train diesel, ce qui est suffisant pour une liaison régionale. Les deux trains, baptisés Coradia iLint par le constructeur, mis sur les rails lundi sont encore des prototypes, mais le groupe français a déjà signé des lettres d'intention avec quatre Länder (régions) allemands.
Il doit fournir dans trois ans 14 rames à l'autorité régionale des transports de Basse-Saxe, pour remplacer tout le parc diesel de la ligne pilote de Cuxhaven à Buxtehude.
D'autres pays ont montré leur intérêt, à la plus grande joie d'Alstom, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, l'Italie ou le Canada.
En France, le gouvernement veut qu'un train à hydrogène soit homologué d'ici 2022. On pourrait y adapter la chaîne de traction, "Made in France", puisque fabriquée à Tarbes, du train allemand à du matériel TER existant déjà ou à un tram-train plus léger pour les petites lignes.
Vert et gris
"On ne peut pas imposer aux véhicules automobiles la sortie du diesel et en même temps ne rien faire pour le train", plaide le député (LREM) Benoît Simian, à qui le gouvernement a confié une mission sur le verdissement du parc ferroviaire.
Le train à hydrogène serait donc une bonne alternative aux diesel sur les lignes non-électrifiées, ou pour s'éviter la coûteuse rénovation d'équipements électriques tombant en ruine.
Côté prix, Alstom préfère rester discret.
"Un train à hydrogène est un peu plus cher à l'achat qu'un train diesel, mais l'exploitation est moins coûteuse" et l'opération devient financièrement rentable au bout d'environ dix ans, explique Stefan Schrank, le chef de projet chez Alstom. A fortiori si les prix des hydrocarbures augmentent...
Mais si son utilisation est vertueuse, la source de l'hydrogène peut poser problème.
Car 95% de l'hydrogène consommé en France sont issus des énergies fossiles. Cet "hydrogène gris" est certes moins polluant que le diesel, mais pas complètement écolo non plus.
Quant à l'"hydrogène vert", issu d'énergies renouvelables (par électrolyse de l'eau), il est nettement plus cher. Et il exige la construction d'éoliennes ou de centrales photovoltaïques.
En Basse-Saxe, il faudra ainsi trois éoliennes pour faire fonctionner la petite flotte à hydrogène quand elle sera complète en 2021. Pour le moment, les deux rames iLint utilisent de l'hydrogène gris, stocké dans un camion. Il est compressé dans une mini-centrale casée dans un conteneur à la gare de Bremervörde, en attendant la construction d'une station digne de ce nom.
La recherche de compléments ou d'alternatives au diesel agite actuellement les constructeurs et exploitants ferroviaires, qui multiplient les solutions hybrides en alliant essentiellement, outre l'hydgrogène, des solutions électrique, partiellement diesel et/ou utilisant des batteries.
La SNCF, Alstom et les régions Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ont ainsi annoncé lundi la mise au point d'ici 2020 d'un TER hybride qui pourra notamment fonctionner sur batteries aux approche des gares.
Le constructeur canadien Bombardier doit aussi présenter cette semaine au salon du ferroviaire InnoTrans, à Berlin, un train électrique qui peut fonctionner sur batteries sur 40 km, et bientôt 100 km, promet-il, quand s'arrêtent les caténaires des voies ferrées.