Sur les Champs-Elysées, la façade d'un bâtiment appartenant au géant du luxe LVMH a été emballée dans une bâche protectrice, étudiée pour ressembler aux flancs d'une malle Louis Vuitton, produit-phare de cette marque.
Cette initiative de LVMH, coutumier des affichages publicitaires XXL, a irrité les élus écologistes parisiens, turbulents alliés de la maire socialiste Anne Hidalgo.
Fin octobre, ils l'ont questionnée par écrit sur la légalité de cet affichage.
Si la loi autorise, pour financer des travaux sur la façade d'un immeuble classé, à le recouvrir de bâches comportant un affichage publicitaire, cet affichage ne doit pas couvrir plus de la moitié des bâches, selon une circulaire invoquée par les écologistes.
"Là, on est par définition sur plus de 50% de la bâche, puisqu'on emballe y compris le toit", soutient à l'AFP l'élu vert Emile Meunier, co-auteur de la question.
"La bâche n'est pas considérée comme une publicité car le bâtiment appartient à LVMH. C'est une bâche temporaire au titre du droit d'enseigne", a répondu, par écrit, la mairie à l'AFP.
"La Ville de Paris demandera au propriétaire de s'acquitter d'une taxe de 1,7 million d'euros pour cette bâche pendant toute la durée d'installation, prévue jusqu'en 2027. En parallèle, l'immeuble étant classé monument historique, les ABF (Architectes des bâtiments de France, NDLR) ont donné leur accord."
Sollicité par l'AFP, LVMH s'est refusé à tout commentaire, tout comme le ministère de la Culture, compétent en matière de patrimoine.
Enrobés
Cet immeuble n'est pas le seul concerné: depuis plusieurs années, beaucoup de bâtiments parisiens classés sont régulièrement cachés, le temps de travaux, derrière d'immenses bâches publicitaires.
C'est actuellement le cas d'une partie du palais du Louvre, abritant le Musée des arts décoratifs.
En 2022, c'était le fameux obélisque de la place de la Concorde qui avait été enrobé d'un affichage publicitaire d'un groupe ayant participé à sa restauration.
L'Opéra Garnier, comme l'église de la Madeleine et ses majestueuses colonnes à la grecque, ou des façades de la place des Vosges, entre autres fameux sites de la capitale, ont aussi été un temps recouverts.
"Il faut à un moment que les habitants puissent profiter de la beauté de leur ville sans être agressés par des injonctions à consommer toujours plus", rétorque Emile Meunier, qui assume être opposé "au principe de la publicité tout court".
"En tant qu'écologiste, je combats la publicité, en particulier dans l'espace public ; je prends ça comme une agression et un coup de pouce à la surconsommation", justifie-t-il.
Bâche laide, bâche jolie ?
Jeanne d'Hauteserre, maire LR du VIIIe arrondissement où se trouvent les Champs-Elysées, assume d'avoir eu recours, dès son arrivée aux responsabilités en 2014, à l'affichage publicitaire sur des églises en réfection, pour réduire les coûts et accélérer leur rénovation.
Elle-même ancienne publicitaire, elle tacle ceux qui s'y opposent au nom de la défense du patrimoine, rappelant le danger que peuvent poser des bâtiments délabrés: "Le jour où ils vont recevoir quelque chose sur la tête, ils vont être contents !"
Quant au projet de LVMH, "soit on a une bâche laide, soit on a une bâche jolie, améliorée", dit-elle, soulignant que "quoi qu'il arrive, à partir du moment où il y a des travaux, il faut une bâche".
Les personnes croisées par l'AFP sur les Champs-Elysées avaient des avis partagés sur l'esthétique de cette création.
"Je trouve ça plus sympa qu'un échafaudage pourri!", tranche Béatrice Boué, habitante d'Antony, en banlieue sud, venue se promener sur les Champs.
Lucyna Milosz, touriste polonaise, n'aime elle "pas spécialement".
"Je comprends qu'ils doivent le recouvrir (l'échafaudage, NDLR), mais ce que je n'aime pas, c'est quand il y a des photos. Tant qu'il n'y a pas de publicité, ça me va!", dit-elle, indifférente aux logos "LV" disséminés sur la bâche.
"Qu'ils le couvrent et qu'ils se dépêchent" de finir les travaux, rigole-t-elle.