Leur combat n'a débuté que depuis une semaine, mais les militants qui l'occupent se rêvent déjà en héritiers de ceux de Notre-Dame-des-Landes. Après des années d'occupation de ce bocage nantais, le gouvernement avait fini en 2018 par renoncer à y construire un nouvel aéroport.
"On a toujours dit qu'on s'inspirait de Notre-Dame-des-Landes mais on ne fera pas du copier-coller", prévient toutefois Bernard Loup, le président du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG).
Dans la nouvelle ZAD de Gonesse (Val-d'Oise), la contestation vise le projet de construction d'une gare du Grand Paris Express, qui doit relier en 2030 Saint-Denis à l'aéroport Charles-de-Gaulle, et d'une zone d'activités sur une partie des 280 hectares de terres agricoles du site.
Le secteur avait déjà échappé à l'artificialisation en novembre 2019, quand Emmanuel Macron avait annoncé l'abandon du projet de mégacomplexe commercial et de loisirs Europacity.
Aujourd'hui, les militants jugent que la future gare contraire aux enjeux écologiques actuels et défendent un projet alternatif agricole.
Par roulement, une trentaine de personnes assurent une présence permanente sur le site, où se dressent quelques cabanes en bois, palettes et tôles qui font office de dortoirs ou salle de bain. En journée, les effectifs grimpent jusqu'à une centaine de personnes qui se retrouvent à la "bibliothèque", au "saloon" ou pour construire au plus vite de nouveaux abris.
"En se rassemblant en nombre avec juste de la récup', de l'énergie et beaucoup de courage, on peut s'opposer à ce genre de projets immenses que sont des aéroports, des grands centres commerciaux, des pistes de skis, des gares...", confie près d'un dortoir de fortune Malal (prénom d'emprunt), un militant du mouvement Extinction Rebellion.
"Tenir"
"Ça donne du courage Notre-Dame-des-Landes, ça prouve que ces combats peuvent être gagnés", ajoute ce technicien audiovisuel de 22 ans avant de céder sa place à la relève après deux nuits glaciales sur place.
Face à la mobilisation, le propriétaire du terrain, l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), a fait constater son occupation illégale. Le litige doit être étudié par le tribunal de Pontoise mercredi matin.
D'ici à une éventuelle évacuation, "notre but est de tenir la ZAD le plus longtemps possible. On ne perturbe en rien l'ordre public", assure Bernard Loup. "On n'a pas d'agriculteurs avec des tracteurs pour venir bloquer les camions de CRS", ajoute-t-il, assurant que le collectif "reste dans la non-violence".
L'occupation de Notre-Dame-des-Landes a donné lieu à de nombreuses violences entre forces de l'ordre et "zadistes", jusqu'à une grande opération d'évacuation en avril 2018, trois mois après l'abandon du projet d'aéroport.
"Ici, c'est pas le bocage. La mobilisation n'est pas du même ordre, on est proche de Paris", confie Aline Pires, sympathisante du CPTG et occupante de la ZAD, "c'est aussi une force pour nous car ça veut dire que les lieux de pouvoir sont proches et les forces militantes aussi".
Les autorités locales, elles, fulminent. Marie-Christine Cavecchi, la présidente (LR) du département du Val-d'Oise, fustige des "militants extrémistes" qu'elle accuse de "prendre en otage l'avenir de tout un territoire" défavorisé.
Quant à la présidente (Libres!) de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, elle a dénoncé "une occupation illégale du domaine public qui bloque la réalisation d'un métro qui est attendu par 1,5 million d'habitants dans le Val-d'Oise."
Samedi, quelques dizaines d'habitants de Villiers-le-Bel et Gonesse se sont rassemblés pour réclamer plutôt la modernisation des transports existants.
Usagère du RER D, Ilham Sehhouli peste contre les "complications" régulières sur cette ligne, une problématique plus urgente selon elle que de construire une gare sur le Triangle de Gonesse, "trop éloigné de la ville". "Pourquoi supprimer la verdure ?", ajoute-t-elle, "c'est le peu qu'il nous reste ici."