Le locataire de la place Beauvau, à la recherche depuis des mois d'une "voie de passage" au Parlement sur ce projet de loi vivement critiqué par les oppositions, sera auditionné à partir de 17H00 par les députés de la commission des Lois, avant que chaque groupe n'exprime sa position.
Le texte sera ensuite examiné en commission la semaine prochaine, avant d'arriver dans l'hémicycle le 11 décembre, pour deux semaines. Mais les discussions pourraient se poursuivre en janvier, l'opposition ayant majoritairement refusé mardi de limiter la durée des débat.
Le gouvernement repart de la copie du Sénat, adoptée le 14 novembre en première lecture dans une version fortement durcie, au terme d'une difficile négociation entre la droite et les centristes de la Chambre haute.
La réforme, qui reposait initialement sur deux "jambes", contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, penche désormais nettement sur le volet répressif, avec une quantité de mesures pour faciliter les expulsions d'étrangers "délinquants", simplifier les procédures d'éloignement et décourager les entrées sur le territoire.
Cela suffira-t-il à convaincre la droite de voter le texte ? Le gouvernement n'a aucune certitude à ce stade.
Interrogé mardi à l'Assemblée, le patron du groupe Les Républicains (LR) Olivier Marleix a marqué ses réticences à l'égard de la version du Sénat, en particulier s'agissant de l'article portant sur la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension.
"Nous sommes opposés à toute mesure de régularisation", a-t-il martelé.
M. Marleix a également prévenu que le gouvernement ne devait "pas s'attendre à une majorité" sur le projet de loi, "en tout cas pas avec (le groupe LR)", s'il ne s'engageait pas en parallèle sur une réforme de l'article 11 de la Constitution permettant d'étendre l'organisation de référendums aux questions migratoires.
Problème: le président de la République et les chefs de parti réunis vendredi à Saint-Denis ont conclu à l'impossibilité d'une telle réforme, faute de consensus.
Plutôt perdre que le 49.3
A rebours de LR, certaines composantes de la majorité présidentielle ne cachent pas leur désaccord avec la version du projet de loi issue du Sénat, la jugeant trop à droite.
Le texte est durci "en des termes qui ne sont pas acceptables pour la majorité présidentielle", a fustigé le président de la Commission des lois Sacha Houlié (Renaissance) auprès de Ouest-France, pointant la suppression de l'Aide médicale d'Etat, ou le conditionnement des allocations familiales et de l'aide au logement à cinq ans de résidence.
Alors qu'Horizons, parti d'Édouard Philippe membre de la majorité, est davantage en accord avec le texte du Sénat, Gérald Darmanin se veut conciliant.
"Pour l'instant c'est le Sénat, qui est parti très à droite, mais c'est normal car le Sénat est à droite. (...) Ensuite l'Assemblée va faire son texte, et puis ensuite j'espère qu'il y aura l'union des trois (avec le gouvernement, NDLR) pour trouver un compromis", a-t-il dit sur France 5 lundi.
La majorité compte sur l'apport des 21 voix du groupe indépendant Liot, dont un des membres, Olivier Serva, est co-rapporteur du volet ultramarin du texte. Mais le groupe assure pour l'instant que son vote n'est pas acquis car "le texte n'est pas équilibré".
La partie s'annonce donc difficile pour le ministre de l'Intérieur, qui aura de plus à batailler avec une gauche fortement mobilisée contre un projet de loi qui est une "horreur absolue", une "faute morale" d'une "droite faisant jonction avec l'extrême droite", avec la "complicité du ministre de l'Intérieur", selon le président du groupe PS Boris Vallaud.
La partition du Rassemblement national (RN) reste, elle, mystérieuse, Marine Le Pen n'ayant pas exclu que son groupe puisse voter pour la loi.
Et l'adoption du texte via l'arme constitutionnelle du 49.3 semble elle aussi tout sauf évidente. "On préfère perdre ce texte qu'aller au 49.3", a affirmé mardi Erwan Balanant, porte-parole du groupe MoDem, membre de la majorité présidentielle.