Erigé il y a plus d'une décennie, au plus fort de la guerre civile qui déchira l'Irak multiconfessionnel et multiethnique, le mur a pour vocation de garantir la sécurité de la ville, qui abrite notamment le mausolée chiite des deux imams Ali al-Hadi et son fils Hassan al-Askari.
Dans la province majoritairement sunnite de Salaheddine, le mausolée avait été visé en 2006 par un attentat, à l'origine d'une flambée de violences confessionnelles, qui a fait des dizaines de milliers de morts dans le pays. En 2007, un deuxième attentat a détruit les deux minarets de ce bijou architectural.
Si l'Irak a retrouvé un semblant de stabilité, le mur de Samarra témoigne d'une des pages les plus sanglantes de l'histoire irakienne. Même si, selon les autorités, aujourd'hui encore il sert à prévenir un danger jihadiste persistant.
Mais le mur étrangle le quotidien d'une ville où, depuis 2008, la population a bondi de 300.000 à 400.000 habitants.
"C'est un cauchemar, pire qu'une prison", assène M. Ibrahim, travailleur journalier de 52 ans.
Le quinquagénaire loue un logement en ville contre un loyer d'environ 180 dollars --une petite fortune, pour lui et ses deux fils journaliers.
Pour l'heure, son terrain n'est pas constructible: il jouxte directement le mur d'enceinte.
"Les forces de sécurité ne nous autorisent pas à approcher du mur", déplore-t-il. "Et puis il n'y a pas de services, ni eau, ni électricité. Construire au delà du mur, c'est comme vivre en exil".
"Attaques terroristes"
Malgré l'instabilité politique secouant sporadiquement l'Irak, les murs tombent à Bagdad et les autorités retirent les T-walls, hauts blocs en béton couramment utilisés pour bloquer certaines rues et protéger bâtiments publics et ambassades.
A Samarra, à 110 km au nord de la capitale, les T-walls du mur d'enceinte sont toujours là. Côté ville, de petites maisons en parpaing inachevées. De l'autre côté du mur, des terrains vides à perte de vue.
Pour l'heure, seules trois entrées, étroitement contrôlées par des barrages de sécurité, permettent d'accéder à Samarra, un temps capitale de l'empire abasside au IXe siècle et qui abrite des trésors classés au patrimoine de l'Unesco.
Conscientes des complications, les autorités locales entendent élargir de plusieurs kilomètres --entre trois et sept-- le périmètre du mur d'enceinte et le moderniser: il sera doté de six entrées, de miradors et de caméras de surveillance.
"Nous aurions souhaité le supprimer, mais il y a des obligations et des plans sécuritaires qui ont dicté son maintien", indique à l'AFP l'adjoint au gouverneur de Salaheddine, Riyad al-Tayyas, assurant que les travaux d'expansion devraient débuter "dans l'espace d'un mois".
L'enceinte, rappelle-t-il, a été érigée après l'attentat en 2006 contre le mausolée "pour protéger la ville et ses habitants des attaques terroristes menées à l'époque par Al-Qaïda."
Son maintien est important pour "ne pas répéter la catastrophe de 2006, ayant mené à une guerre confessionnelle", avertit-il.
"L'immobilier flambe"
Le responsable admet toutefois que le mur "étrangle" les entrées et les sorties et entrave "l'expansion urbaine".
Construire hors du mur "n'est pas interdit" dit-il. Mais les habitants s'abstiennent, "craignant que l'enceinte ne soit maintenue et qu'ils ne se retrouvent coupés du reste de la ville".
Sans compter la menace jihadiste. "Même si la situation sécuritaire s'est améliorée, il y a toujours des cellules dormantes du groupe Etat islamique (EI)", avertit M. Tayyas.
Publié à l'été 2023, un rapport onusien reconnaissait que l'EI avait "maintenu une présence dans ses bastions autour de Salaheddine, au nord de Bagdad (Tarmiyé), à Diyala et à Kirkouk" --tout en notant une baisse de la "fréquence des attaques dans les centres urbains".
"Dans Samarra, à l'intérieur de la ville, la situation sécuritaire est excellente", abonde Laith Ibrahim, un retraité de 64 ans. "A l'extérieur, non, c'est exposé", ajoute-t-il.
Lui aussi se prononce pour élargir le périmètre du mur. "Il y a une pénurie de terrains, de logements, jour après jour l'immobilier flambe".