Le rassemblement est prévu à 14H00 place d'Ajaccio à Paris (VIIe). Une délégation de 18 membres du collectif sera ensuite reçue par des membres du cabinet du ministre du Travail Olivier Dussopt. Des syndicalistes, des élus et des représentants de l'association "Cordistes en colère, cordistes solidaires" seront également présents.
Fabienne Bérard, 54 ans, est l'instigatrice de cette démarche inédite. Son fils, Flavien, est mort le 5 mars 2022 à l'âge de 27 ans, touché à la tête par la chute d'une lourde pièce métallique sur un chantier de forage pétrolier.
"Flavien meurt dans des circonstances épouvantables, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé mais la pièce métallique qui s'est détachée et qui l'a heurté était déjà tombée auparavant", accuse auprès de l'AFP sa mère, professeur d'anglais à Confolens (Charente).
"Mon fils était en rémission d'un cancer, cela a été un choc émotionnel terrible. On se retrouve face à toutes les procédures, on est très démuni, très seul, pas au mieux de notre forme pour gérer tout ça (...) Au bout de deux mois, toutes les démarches sont lancées, on nous dit: il n'y a plus qu'à attendre. (...) Je ne pouvais pas attendre, il fallait que je sois dans l'action", témoigne-t-elle.
Fabienne Bérard prend alors contact avec Matthieu Lépine, qui recense depuis plusieurs années sur Twitter et sur son blog les accidents du travail mortels. Par son entremise elle discute avec d'autres familles endeuillées, et crée le "Collectif familles: Stop à la mort au travail".
Le collectif demande notamment que les morts au travail soient davantage mises en lumière par le gouvernement et les médias, que les procédures judiciaires soient simplifiées et accélérées, "que les condamnations des entreprises soient exemplaires", que l'inspection du travail ait davantage de moyens, et que les pouvoirs publics développent "toutes les mesures nécessaires de prévention".
La France mauvais élève
Car ces décès, "trop souvent relégués au rang de faits divers" sont des "faits de société" sur lesquels les pouvoirs publics peuvent agir, estiment les familles.
Une analyse que développe Matthieu Lépine dans son livre, "L'Hécatombe invisible, Enquête sur les morts au travail" (à paraître le 10 mars au Seuil). "Les centaines d'accidents du travail qui surviennent chaque jour en France sont loin d'être des faits divers, ce sont des faits absolument sociaux", écrit-il.
Chapitre après chapitre l'auteur s'attache à démontrer comment la précarisation du travail (intérim, sous-traitance), la suppression des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en 2017, la baisse des effectifs d'inspecteurs du travail (de 2.031 en 2014 à 1.800 en 2021) favorisent les accidents sur les lieux de travail.
La France fait figure de mauvais élève en Europe, avec 3,5 accidents mortels pour 100.000 personnes en 2019, contre 1,7 en moyenne dans l'UE, selon des données d'Eurostat.
Et selon des documents de la Dares, la direction des statistiques du ministère du Travail, le nombre de décès est passé de 476 en 2005 à 790 en 2019, relève Matthieu Lépine -- une hausse que relativise toutefois le ministère du Travail, soulignant qu'en 2019 les malaises, "qu'autrefois on ne reconnaissait pas systématiquement", ont été réintégrés dans le périmètre.
La question du nombre d'accidents du travail s'est invitée avec violence le 13 février dans l'hémicycle de l'Assemblée, lorsque le député LFI Aurélien Saintoul -- qui sera présent au rassemblement samedi -- a reproché au ministre du Travail Olivier Dussopt d'avoir "menti" sur le nombre de morts, et l'a traité d'"assassin".
Des mots que n'approuvent ni Mme Bérard ni M. Lépine, mais qui auront au moins permis de braquer le projecteur sur les accidents du travail, souligne ce dernier. "La question intéresse davantage", constate-t-il.