Le 22 septembre 1992, après quelques heures de pluies intenses, l'Ouvèze, paisible rivière du Vaucluse, s'est transformée en un tumultueux torrent. Elle a emporté un camping et détruit 80 maisons, principalement dans un lotissement construit en zone inondable, charriant sur son passage des arbres, voitures et caravanes.
Le bilan humain de ces inondations est un des plus lourds des 30 dernières années en France: plus de 40 morts.
Fierté de cette ville de 6.000 habitants, le pont romain, submergé par une eau boueuse à 17 mètres de hauteur, a perdu ses parapets mais ne s'est pas écroulé.
"42 morts et 500 millions d'euros de dégâts matériels. Chacun se souvient des images de ces caravanes projetées sur le pont romain. Cette catastrophe parle à tout le monde. On voit bien que cela peut arriver", a rappelé lundi la préfète du Vaucluse, Violaine Demaret.
Près du pont, elle a dévoilé un repère de la hauteur record de l'eau le jour du drame, une étape des commémorations organisées cette semaine, alors que le dérèglement du climat est devenu une préoccupation mondiale.
Sous le soleil, des touristes arpentant les rues de la vieille ville regardent, incrédules, le filet d'eau serpentant sous le pont qui ne porte plus les stigmates de la catastrophe.
"On a tout perdu"
"Après l'inondation, j'ai eu comme objectif que plus personne ne s'aperçoive que la ville avait été sinistrée. Cela a pris cinq ans et coûté 120 millions de francs" (18 millions d'euros), a confié à l'AFP l'ancien maire, Claude Haut.
Aujourd'hui, seule une plaque sur le pont romain, un monument à l'emplacement du lotissement détruit et l’œuvre d'un artiste représentant des petits menhirs comme autant de victimes, rappellent la catastrophe.
Beaucoup de témoins âgés du drame sont morts depuis, certains ont quitté la ville mais pour ceux qui sont restés, la mémoire des faits reste vivace. Donya Ghzal avait sept ans en 1992. Elle était la dernière, avec son frère et sa sœur, à être restée dans l'école de la ville inondée.
"On a tout perdu", raconte-t-elle les larmes aux yeux. Sa mère, réfugiée sur le toit de leur maison, avait été évacuée par hélicoptère. "Elle n'avait rien physiquement mais son regard était vide, elle était sous le choc". Comme d'autres familles sans logement, elle a pu reconstruire une maison au Clos d'Ariston, surnommé "le lotissement des sinistrés", sur un terrain donné par la ville.
"Tout a commencé le matin avec une forte pluie. En fin de matinée, c'était déjà anormal. On n'y voyait pas à trois mètres. A midi, c'était la nuit noire. Les lampadaires étaient éclairés. En sortant de chez moi, j'ai entendu des cris et j'ai vu cette étendue d'eau, ce n'était plus une rivière mais un lac", s'est souvenu l'ex-maire Claude Haut qui, après le drame, a interdit toute construction dans le lit de l'Ouvèze.
"Le phénomène va se répéter"
"Aussi exceptionnel soit-il, le phénomène de Vaison-la-Romaine va se répéter. On ne sait pas où ni quand mais la dérive climatique va conduire à des évènements extrêmes de plus en plus nombreux et de plus en plus brutaux", prédit Stéphane Roos, directeur adjoint Sud-Est à Météo-France.
"Mais depuis 1992, des outils ont été mis en place qui permettent d'anticiper au mieux et surtout d'informer le grand public", rassure Yann Laborda du service de prévision des crues, évoquant les sites de vigilance (Apic, Vigicrues...) ou l'envoi de SMS d'alerte pour prévenir les habitants du déclenchement d'un plan de sauvegarde communal.
Des capteurs ont également été installés sur des bouées en Méditerranée et sur les différents cours d'eau pour suivre les évolutions hydrologiques et prévoir au mieux crues et inondations.
"Mais il reste des points où l'anticipation reste courte. Cela se compte en heures. Un temps suffisant pour sauver des vies si les habitants" savent réagir, souligne Yann Laborda.
L'Etat entend développer une culture du risque chez les citoyens: "Reporter ses déplacements, laisser ses enfants à l'école, monter à l'étage, ne pas utiliser sa voiture, s'éloigner des cours d'eau et rester informé", prône un dépliant visant à inculquer les bons réflexes.
Chez les pompiers, des spécialisations inondations ont été développées. Ils sont 121 a en avoir bénéficié dans le Vaucluse où 90% des communes sont exposées à ce fléau.