A gauche, plusieurs députés ont dit travailler en lien avec le centriste Charles de Courson (Liot) sur une "motion de censure transpartisane", à opposer au gouvernement, qu'il dégaine ou pas le 49.3 pour faire passer la réforme sans vote.
Le groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot) compte 20 députés de diverses tendances politiques mais revendiquant un fort ancrage territorial.
"Nous y travaillons, ça avance bien. Il y a des discussions qui ont lieu à la fois avec Liot, quelques LR, la Nupes, nous avons bon espoir qu'il puisse y avoir une motion de censure transpartisane dans tous les cas de figure, notamment en cas de 49.3", a affirmé la présidente du groupe de La France insoumise (LFI) Mathilde Panot.
"Nous n'avons aucun problème si c'est Liot qui porte la motion. Nous l'avons déjà fait pour une motion référendaire" et "il n'y aura pas de cosignataires du RN dans la motion transpartisane", a-t-elle insisté, ce qui n'empêche pas les élus d'extrême droite de la voter pour tenter de faire tomber le gouvernement.
Le communiste Sébastien Jumel a aussi reconnu des discussions "depuis plusieurs jours".
Des députés LR opposés au projet gouvernemental pourraient-ils s'y joindre ? Le président du groupe de droite Olivier Marleix a prévenu que "s'ils signent une motion avec Liot, ils ont vocation à aller siéger avec Liot".
"Dans ce cas, je les invite à prendre leurs responsabilités" mais "je ne suis pas sûr que ça concerne grand-monde", a-t-il ajouté devant la presse, en assurant ne pas avoir parlé "d'exclusion".
Selon Charles de Courson, interrogé sur BFMTV, "faire une motion de censure transpartisane", c'est "une idée que nous caressons dans plusieurs groupes", dans "l'intérêt de la démocratie".
Lors du point presse des députés Liot, leur chef de file Bertrand Pancher a préféré prendre les choses étape par étape, en annonçant d'abord une motion de rejet de la réforme jeudi, si le projet de loi est soumis au vote à l'Assemblée après accord mercredi en commission mixte paritaire.
Mais le groupe Liot n'est pas totalement uni. Christophe Naegelen a indiqué que "quatre voire cinq" députés, dont lui, ne se prononceraient pas contre la réforme, en s'abstenant ou en votant pour le texte. Ces quatre ou cinq députés ne soutiendront ni rejet ni censure.
Dans la dernière ligne droite, les syndicats font feu de tout bois
Manifestations, grèves reconductibles, interpellation des parlementaires et appel à un "référendum" : les syndicats font feu de tout bois dans la dernière ligne droite du débat parlementaire sur la réforme des retraites... en attendant la suite.
Après les manifestations record du 7 mars, et une journée de mobilisation moins suivie samedi, l'intersyndicale appelle à une huitième journée d'action mercredi, jour où députés et sénateurs devraient s'accorder sur un texte dans le cadre d'une commission mixte paritaire, avant un vote dans les deux chambres jeudi.
Pour l'intersyndicale, il s'agit de peser une ultime fois sur le vote des députés, alors que la majorité n'est pas acquise au gouvernement, ce qui pourrait le pousser à recourir à l'arme constitutionnelle du 49.3, permettant une adoption sans vote.
"La mobilisation fait que personne ne sait ce qui va se passer jeudi à l'Assemblée nationale", s'est félicité lundi auprès de Mediapart le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. Mardi, son homologue de la CFDT Laurent Berger a de nouveau appelé sur RTL les élus à "regarder ce qui se passe dans leurs circonscriptions, et l'opposition massive des citoyens".
Jeudi, les numéro un des huit principaux syndicats se retrouveront devant l'Assemblée nationale à 12H30.
Pendant ce temps, les grèves reconductibles continuent dans plusieurs secteurs clé : transports, énergie, ramassage des déchets... avec un succès relatif, de l'aveu même d'un responsable syndical. "On sent que c'est compliqué sur la grève (...) Il n'y a pas assez de monde dans les assemblées générales", concède cette source sous couvert d'anonymat.
"Sortir par le haut"
La semaine dernière, l'intersyndicale avait déplacé le débat sur le terrain de la légitimité démocratique, estimant que l'absence de réponse de l'exécutif au puissant mouvement social constituait un "grave problème démocratique", pouvant conduire à une situation "explosive".
Elle avait demandé à être reçue par le président de la République, et, devant son refus, l'avait mis au défi d'organiser une "consultation citoyenne".
"Ils essayent de faire feu de tout bois", a commenté auprès de l'AFP le politologue Dominique Andolfatto, estimant que cet appel à une consultation citoyenne traduisait peut-être "un certain manque de confiance dans la stratégie, le sentiment que finalement les manifestations impactent mais pas suffisamment".
Si elle a les yeux rivés sur la mobilisation de mercredi et le vote de jeudi, l'intersyndicale commence déjà à réfléchir à l'après, avec la crainte qu'un vote de la loi ne disloque l'unité intersyndicale, en conduisant les réformistes - CFDT, CFTC, Unsa - à remiser banderoles et slogans.
"L'appréciation de la CFDT n'est pas du tout la même si le processus est un 49.3 ou si c'est un vote solennel", a souligné M. Berger sur RTL mardi.
Mais la contestation ne s'arrêtera pas du jour au lendemain, a-t-il aussi affirmé sur BFMTV. "Il est hors de question, à l'issue d'un vote, qu'on dise, +voilà, vous pliez les gaules+. Pourquoi ? Parce qu'il y a des gens tapis dans l'ombre (...) pour utiliser la colère (…) : le Rassemblement national".
A la CGT, plusieurs responsables pensent que la CFDT ne pourra pas "sortir comme ça" du mouvement, au vu de l'implication de ses militants dans les cortèges. "Il (Berger, ndlr) ne peut pas plier les gaules comme ça, d'ailleurs il l'a dit", relève l'un d'eux.
Interrogé sur BFMTV lundi soir, le secrétaire général de l'Unsa Laurent Escure a assuré que la contestation se poursuivrait au-delà de jeudi, rappelant que le Conseil constitutionnel aurait vraisemblablement son mot à dire.
"Ce qui est certain c'est que nous on continuera à refuser ce décalage de l'âge légal, on ne va pas dire aux gens +rentrez chez vous+", a-t-il expliqué.
"Il y aura sans doute des actions, des manifestations pour poursuivre le mouvement, dans l'attente de la réponse du Conseil constitutionnel, ou d'une autre solution qui permettrait de sortir par le haut - on a parlé d'une consultation citoyenne - de cette crise sociale qui est en train de devenir une crise politique", a-t-il assuré.