Au lendemain d'une 10e journée d'actions moins fournie et aussi moins chaotique que prévu, les deux parties se donnent un peu d'air pour faire retomber la tension avec la perspective de cette rencontre, alors que le conflit dans la rue est entré dans son troisième mois.
De là à envisager une sortie de crise ? Il y a loin de la coupe aux lèvres et l'intersyndicale a prévu une 11e journée d'actions le 6 avril.
Mardi, le ministère de l'Intérieur a recensé 740.000 manifestants dans toute la France, dont 93.000 à Paris, la CGT "plus de 2 millions" dont 450.000 dans la capitale.
D'ici là, les syndicats ont rendez-vous avec la Première ministre Élisabeth Borne. Lundi, mardi ou mercredi ? La date n'est pas encore arrêtée mais "on ira", a révélé le N.1 de la CFDT Laurent Berger sur TMC mardi soir, visiblement pas mécontent de ce petit coup de théâtre.
Mercredi, sur France info, il a insisté comme la veille sur sa volonté de mettre le sujet des retraites sur la table, ajoutant que "si on me dit: +vous ne pouvez pas en parler+ (..) ils sortiront de la salle ou alors on partira".
Le responsable syndical a de nouveau mis en avant la proposition de médiation dans le dur conflit des retraites dont l'hypothèse avait pourtant été balayée par le porte-parole du gouvernement Olivier Véran mardi.
Matignon a confirmé l'invitation mais n'a fait aucun commentaire sur son ordre du jour.
Le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester et le président du MoDem, François Bayrou ont prévenu mercredi que la question du recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans ne sera pas au menu de la rencontre.
Le report de 62 à 64 ans, "c'est le coeur de la réforme sur lequel, depuis le départ, il n'y a pas d'accord", a déclaré M. Riester sur Public Sénat, souhaitant que l'échange s'organise autour de "sujets sur lesquels on est d'accord".
"Les 64 ans sont dans le texte", a renchéri François Bayrou sur France2, "on ne peut pas changer de ligne à ce point".
Alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites est attendue d'ici trois semaines, et sur fond de montée de la violence, Élisabeth Borne, avait promis ce weekend de "mettre de l'apaisement".
L'équation CGT
A l'Élysée, où Emmanuel Macron a reçu lundi les cadres de la majorité et du gouvernement, le chef de l'État a dit vouloir "continuer à tendre la main aux forces syndicales", mais sur d'autres sujets que les retraites, selon un participant.
Et l'exécutif de camper fermement sur sa position: la réforme qui prévoit le report de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans s'appliquera. Le cœur de son projet. Celui aussi de la contestation.
Par la voix d'Olivier Véran, le gouvernement a encore écarté à l'issue du Conseil des ministres mardi l'hypothèse d'une pause dans l'application de la réforme. Membre de la majorité, le MoDem n'a pas dit non à l'idée d'une médiation.
Selon M. Véran, rien n'empêche "dans l'intervalle" de la décision du Conseil constitutionnel, "de commencer à discuter des modalités d'application des différents éléments du texte" qui envoie régulièrement plus d'un million de personnes dans les rues depuis deux mois.
Si elles ont bien lieu, les retrouvailles entre gouvernement et syndicats mettront-elles seulement en scène un dialogue de sourds ?
Pour Sébastien Chenu (RN), invité sur RTL, l'invitation faite aux syndicats montre que "le mouvement populaire porte et que la stratégie de l'épuisement qu'Emmanuel Macron essaye de mettre en place (...) ne fonctionnera pas".
Autre donnée de l'équation, l'intersyndicale et l'exécutif devront faire avec une nouvelle direction de la CGT dont le 53e congrès à Clermont-Ferrand se déroule dans une atmosphère houleuse pour le secrétaire général sortant Philippe Martinez.
Interrogé sur la présence de la CGT au rendez-vous à Matignon, M. Berger a assuré que "jusqu'à hier soir, la CGT il n'y avait pas de raison qu'elle n'y aille pas".