L'instance avait été saisie en septembre par le Premier ministre Jean Castex, "en vue d'apaiser le débat pour relancer la dynamique" de la transition imposée par le réchauffement climatique.
"La nécessité de la transition écologique semble aujourd'hui consensuelle mais la mise en oeuvre des projets est lente et s'accompagne de contestations et d'exigences démocratiques", constate l'avis (adopté par 133 votes, un contre, 26 abstentions).
Il s'attache particulièrement au cas des éoliennes terrestres, source de l'essentiel des blocages, mais note que cela vaut pour l'offshore, les parcs solaires ou sites de méthanisation.
"Car quand on voudra mettre cent parcs photovoltaïques de mille hectares dans les territoires, ou 50 parcs éoliens en mer, dès le 10e, on aura les mêmes problèmes, si on continue à faire comme aujourd'hui," prévient Nicolas Richard, co-rapporteur du texte, citant le cas du parc solaire Horizeo, dans les Landes, qui "a déjà du mal à passer".
Le Cese exhorte l'Etat à mieux se coordonner avec les territoires, et à "planifier", de façon "démocratique", en "territorialisant" les objectifs énergétiques nationaux votés au parlement, via "un programme national d'aménagement du territoire".
Aujourd'hui, "la gouvernance de la transition énergétique ne prévoit pas de réelle coordination entre État, régions et intercommunalités", et les projets se font "sans vision d'ensemble, au gré d'initiatives des développeurs", observe-t-il.
Équité territoriale
"Les infrastructures énergétiques, très visibles, modifient l'équilibre d'un territoire et son paysage. Il est logique qu'une partie de la population résidente se sente lésée", note le texte.
Et "si le nombre de personnes réellement anti ou pro reste en général, sur le plan local, limité, il existe une inquiétude diffuse chez une partie de la population".
Le Cese préconise "un grand débat public national sur la stratégie française énergie climat (SFEC)": "il y a un flou sur la compréhension des enjeux". Et ce "débat de société" devra aussi "présenter les évolutions possibles des modes de vie".
Car aujourd'hui "on refait à chaque projet le débat qui n'a pas eu lieu nationalement", notent les rapporteurs: "la majorité des projets achoppe sur des questions nationales : pourquoi de l'éolien plutôt que du solaire ou du nucléaire ? pourquoi chez moi ? Quelle garantie que les autres font leur part?" Etc.
En outre, alors que les espaces ruraux vont être très sollicités, il faudra "équilibrer les solidarités entre territoires".
Les projets devraient être assortis d'un "contrat de service public" imposant qu'une part des investissements aille à un fonds dédié à la transition énergétique et aux services essentiels aux collectivités, préconise l'avis.
Le gouvernement, soumis au devoir de réserve en période électorale, ne pourra répondre dans l'immédiat. Il a promis une concertation après les élections législatives, alors que le président a annoncé la relance du programme nucléaire et qu'EDF a déjà demandé la tenue d'un débat public pour construire deux nouveaux réacteurs EPR.
La prochaine loi de programmation énergétique est attendue d'ici mi-2023, et le Cese dans son avis demande la reconnaissance du caractère de "plan/programme" de la SFEC, pour garantir une large concertation.
"La SFEC n'a pas de nature juridique, donc il n'y aura pas de débat public associé", dit M. Richard. "On est sur un moment charnière. Cela vaut le coup que la population française décide collectivement. Soit on s'en sert comme d'un tremplin pour un pays qui fonctionne mieux ensemble, soit on creuse les différences, et les choix imposés créeront en permanence des discussions, ou des ZAD !"
Le timing compte : "la concertation avec le public doit avoir lieu à un moment où la négociation est encore possible et où les choses peuvent encore bouger", insiste la co-rapporteure, Claire Bordenave. "Il y aura des positions divergentes mais au moins tout le monde aura pu s'exprimer. Autant que les décisions prises, c'est la façon de les élaborer qui va gagner l'acceptabilité".