"Cinq jours sur cinq, c'est plus tenable!", tant physiquement, avec "des douleurs qui arrivent de partout" faute d'exercice, que psychologiquement, rapporte à l'AFP Claude (prénom modifié), salariée chez EDF dans la région lyonnaise. "J'ai l'impression d'être au bord de la dépression alors que j'ai jamais été comme ça. Je suis chez moi, je me mets à pleurer devant mon ordinateur", confie cette femme de 51 ans.
Depuis la fin octobre, le protocole sanitaire en entreprise impose le télétravail comme une règle, précisant qu'il doit être "porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance".
A compter de jeudi, ce protocole sera adapté pour permettre aux salariés qui en éprouvent le besoin de revenir sur site, avec l'accord de leur employeur, une journée par semaine, la ministre du Travail Elisabeth Borne y voyant "un enjeu de santé publique", alors que beaucoup souffrent d'isolement.
C'est le cas de Claude qui affirme qu'elle "ne peut pas continuer à vivre comme ça", n'ayant "plus aucune vie". "On prend l'image à l'heure actuelle d'un prisonnier: on a le droit de sortie, mais on vit la même vie que le prisonnier tout seul dans sa pièce", dit-elle, plaidant pour qu'on "laisse le choix" à ceux qui veulent retourner au bureau.
Si le télétravail, que beaucoup ont découvert avec le Covid, a fait des adeptes, le 100% fait beaucoup moins recette: selon un sondage Ifop publié début décembre et portant sur les salariés de Paris et sa petite couronne, ils ne sont que 8% à vouloir travailler exclusivement à distance.
"Je me marche dessus"
"Je n'aime pas travailler chez moi", confirme à l'AFP Romain Berger, 28 ans, employé d'un groupe de communication parisien qui a pu revenir un peu sur site comme Claude entre les deux confinements. "Chez moi je me repose et on travaille au bureau", "je n'aime pas trop mélanger les deux", dit-il.
Pour ce salarié qui aimerait bien revenir plus qu'un jour par semaine, ce sentiment est "renforcé" par le fait qu'il vit dans un petit espace de 15 m2: "Je me marche un peu dessus", dit-il.
"A la maison on n'a que des problèmes, on n'a pas les bons côtés du boulot, les côtés où on rigole, on parle de tout et de rien", rapporte de son côté James. "Du coup, le soir, ça monte, ça monte, ça monte (...), il n'y a pas de soupape de décompression", ajoute ce quadragénaire actif dans l'horlogerie.
Sophie (prénom modifié), dans un bureau d'études en région lyonnaise, met aussi en avant le manque d'interactions sociales. "On a toujours à gagner à échanger avec nos collègues", constate la jeune femme de 33 ans, pour qui il y avait "plus de légèreté à travailler à plusieurs", à faire ses pauses ensemble. Elle compte "sauter sur l'occasion" d'un assouplissement car "on se perd un peu" dans ce mode de travail.
En apprentissage dans le marketing-communication dans une compagnie d'assurance en Île-de-France, Alexandre, 25 ans, à distance depuis novembre, a aussi "hâte" de retourner sur site. "J'ai pu constater que je ralentissais en compréhension et en formation, ça m'énerve un peu", dit le jeune homme, tout en se disant conscient que le télétravail est "un mal pour un bien" face à l'épidémie.
Après le premier assouplissement attendu, Mme Borne avait fait état d'"un deuxième jalon au 20 janvier", consistant à laisser la main aux partenaires sociaux, qui viennent de conclure un accord national, "pour définir dans le dialogue social un nombre minimal de jours de travail". Mais la ministre a laissé entendre lundi soir aux partenaires sociaux que cette échéance serait repoussée, en raison de la situation sanitaire.
Un numéro vert (0800.13.00.00) a aussi été lancé mi-novembre pour accompagner les salariés qui vivent difficilement la situation.