Jusqu'en 2014, les salariés à temps complet se voyaient crédités de 20 heures de formation par an. En 2015, le CPF a pris le relai du DIF, et il est désormais alimenté à hauteur de 500 euros par an. La date limite pour reporter les heures de DIF sur le CPF (une heure équivalant à 15 euros), initialement fixée au 31 décembre, a été repoussée au 30 juin 2021.
La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a prévenu la semaine dernière qu'il n'y aurait pas de nouveau report. "Nous ne prolongerons pas, je vous le dis clairement, au-delà du 30 juin", a-t-elle dit devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Selon le ministère du Travail, "6,33 millions de compteurs DIF au total ont été renseignés par leur titulaire depuis 2015". Pour les agents publics, le transfert est automatique.
Combien de salariés ne l'ont pas fait ? Dans un communiqué publié le 1er juin, la Fédération de la formation professionnelle (FFP) estimait leur nombre à 10 millions, pour un montant équivalent à environ 12 milliards d'euros.
"Cette situation se produit dans un contexte de relance à la fois de l'emploi et de l'économie de la France, contexte dans lequel le développement des compétences devrait avoir un rôle central", déplorait-elle.
Le ministère du Travail conteste vigoureusement le chiffre de 10 millions, sans en avancer un autre. Il souligne en effet qu'il n'est pas possible de connaître le nombre de salariés éligibles au DIF qui l'auraient utilisé avant 2014.
"Jusqu'au 31 décembre 2014, les droits DIF étaient gérés par les entreprises, qui n'avaient pas l'obligation de faire quelque déclaration que ce soit auprès de qui que ce soit sur le taux d'utilisation du DIF (...). Nous n'avons pas ces données consolidées", a-t-on expliqué.
Pour Angeline Barth, secrétaire confédérale de la CGT, l'estimation n'est pas absurde. Elle aussi regrette ces heures de formation perdues, et considère qu'elles "auraient dû être intégrées automatiquement".
Point de vue partagé par Natanael Wright, président fondateur de l'institut de formation Wall Street English, qui a publié un sondage sur le sujet. "On prive 10 à 12 millions de Français de droits acquis par des années de travail parce qu'on n'a pas réussi à les transférer techniquement. C'est choquant", dit-il.
Gare aux fraudes
"La campagne de communication auprès des salariés n'a pas été à la hauteur", regrette en outre Mme Barth.
Le ministère du Travail s'en défend, mettant en avant ses "nombreuses actions de communication" auprès des entreprises, des organisations professionnelles et syndicales, sur les réseaux sociaux...
Il souligne aussi qu'il n'y a "jamais eu autant d'argent pour la formation", et que le CPF est un véritable "succès". Le nombre de formations demandées est passé de 630.000 en 2019 à 1,6 million en 2021, pour un coût attendu de 1,9 milliard d'euros, ce qui contribue d'ailleurs à obérer les finances de France compétences, l'organisme régulateur.
Une manne qui n'a pas échappé aux organismes de formation, ayant plus ou moins pignon sur rue. A l'approche de la date fatidique, nombreux sont les salariés à être sollicités, par SMS ou téléphone, par des organismes qui les encouragent à s'inscrire à une formation, au risque sinon de perdre leurs droits.
"Aujourd'hui, il y a des entreprises de formation qui proposent des formations via le CPF qui n'ont pas été dûment habilitées", pointe le délégué général de la FFP, Olivier Poncelet.
En décembre, la Caisse des dépôts, qui gère le CPF, avait affirmé avoir déposé sept plaintes pénales visant 21 organismes de formation soupçonnés de fraude, pour un préjudice évalué à 10 millions d'euros.
Pour lutter contre les abus de certains organismes, le ministère du Travail annonce en outre vouloir passer par la loi pour interdire le démarchage téléphonique pour le CPF, comme il l'a déjà fait pour la rénovation énergétique des bâtiments.