La décision qui concerne une quinzaine de personnes est "une grande victoire", s'est félicité Jean-Albert Guidou, qui accompagne pour la CGT Seine-Saint-Denis ces travailleurs dont certains sont présents depuis plus d'une décennie sur le territoire.
"C'est une décision politique" qui intervient sur fond de médiatisation de leur situation et qui "aurait été impossible" sans le contexte des futurs JO-2024, notamment parce que ces personnes ne "rentrent pas dans les critères" de régularisation classiques au titre de la circulaire dite "Valls" de 2012, a-t-il ajouté.
Moussa, 43 ans, Malien
"Je suis tellement heureux que je n'ai pas les mots", lâche Moussa (comme les autres, il ne souhaite pas donner son nom de famille), groggy avec son récépissé de titre de séjour en mains à la sortie de la préfecture de Bobigny (Seine-Saint-Denis).
En quinze ans passés sans papier en France, Moussa a déjà demandé deux fois une carte de séjour. En 2017, elle lui a été refusée. Depuis la deuxième demande, en mars 2021, il n'avait "même pas obtenu un rendez-vous".
Soudain, après ses témoignages sur les quatre mois travaillés sur le chantier du futur village olympique au nord de Paris, "ça été super rapide", s'étonne-t-il.
"Sans les JO, jamais je n'aurais été régularisé, ça c'est sûr et certain", dit-il. "Je vais pouvoir revoir ma famille restée au Mali, mes enfants que je n'ai pas vu depuis quinze ans, dont mon dernier fils que je n'ai pas vu naître, je ne le connais même pas !"
Au travail, "plus personne ne peut m'intimider maintenant", poursuit-il. "Je peux aller où je veux, travailler où je veux. Tout ce passé (dans la clandestinité), je peux le laisser derrière moi".
Waly, 32 ans, Malien
"C'est le plus beau jour depuis que je suis en France !", assure Waly dans un large sourire.
"Quand tu n'as pas de papiers, tu travailles un jour, deux jours, on peut te virer n'importe quand. Maintenant ma vie va changer, je vais gagner de l'argent et avec des droits, en plus", anticipe celui qui n'a jamais retrouvé de travail depuis son dernier chantier.
Après ce "soulagement" quant à son droit au séjour d'un an renouvelable, il entrevoit une première conséquence immédiate: "Depuis mon arrivée en France en 2018, je suis hébergé chez quelqu'un. Donc je vais me chercher mon propre logement maintenant. Si t'as pas de papiers, essaye de trouver un appartement !".
Bah, 32 ans, Malien
"Tout va devenir simple", croit aussi Bah. Pendant des années, il a dû fournir les papiers d'identité d'un tiers, souvent un proche auquel il reversait une partie de son salaire, pour décrocher un emploi. On appelle ça le travail sous "alias". "Fini les +alias+, je vais travailler sous mon propre nom. Je n'ai qu'à montrer mes papiers", se félicite-t-il.
"Je peux travailler tranquillement, sans peur, sans risque" d'être viré au moindre contrôle de l'inspection du travail ou de subir un accident sur un chantier qui ne serait pas pris en charge.
Pour lui, "tout va changer" et ce n'est pas qu'une formule: depuis une demande d'asile rejetée, Bah faisait l'objet d'une procédure d'expulsion, après s'être vu délivrer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) en 2020.
Il aura fallu trois ans et quelques mois travaillé sur un chantier olympique pour inverser le cours des choses. "Ils voulaient m'expulser, maintenant j'ai les papiers", se répète-t-il.