Sortir des hydrocarbures
Cette "Stratégie française pour l'énergie et le climat" (SFEC), un document de 102 pages, doit être mise en ligne mercredi pour consultation publique, jusqu'au 15 décembre. Elle intégrera une loi sur la roduction d'énergie attendue début 2024.
Ses grands traits étaient connus depuis le discours sur l'énergie prononcé en février 2022 à Belfort par Emmanuel Macron. Deux lois de début 2023 sur "l'accélération" du nucléaire et des énergies renouvelables ont en outre planté le décor.
Objectif: "sortir de la dépendance aux énergies fossiles" d'ici 2050, explique le gouvernement, la consommation d'énergie finale de la France restant aujourd'hui composée à 37% de pétrole et 21% de gaz.
Pour le climat et la souveraineté du pays, il faut "une économie plus sobre, plus efficace et approvisionnée de manière quasi-intégrale en énergies bas-carbone produites et maîtrisées sur notre sol".
Cette dépendance aux hydrocarbures "pèse sur la facture des Français, c'est ce qui l'année dernière a conduit les prix à s'envoler parce que les énergies fossiles sont produites en Russie, au Moyen-Orient, et on n'a pas la maîtrise des prix", a expliqué la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher sur LCI mercredi.
"En produisant de l'énergie chez nous, on crée des emplois, on peut installer des sites industriels et on maîtrise notre facture", a-t-elle ajouté.
Quelles énergies en 2035 ?
Demain sera électrique. Sur le front nucléaire, "tous les réacteurs seront maintenus en exploitation tant que les exigences de sûreté seront strictement respectées et en recherchant des gains de puissance là où cela est possible", avec en parallèle le lancement d'un nouveau programme de réacteurs (six puis huit EPR2), prône le document.
Il faudra aussi "massifier la production de toutes les énergies renouvelables".
A commencer par l'éolien en mer, à hauteur de 18 gigawatts de capacité (GW) en 2035 (soit une trentaine de parcs comme celui au large de Saint-Nazaire, le seul en service aujourd'hui en France).
L'énergie photovoltaïque devra doubler son rythme annuel de déploiement, pour atteindre plus de 75 GW en 2035 (avec possibilité d'ambitions renforcées), ajoute le projet, transmis également à Bruxelles.
L'éolien terrestre, que le président souhaitait ralentir, garderait finalement son rythme actuel, et verrait ses capacités doubler, à 40 GW en 2035, soit quelque 1,5 GW de plus (une quarantaine de parcs) par an. Le gouvernement appelle cependant à "une répartition équilibrée" et à investir dans le "repowering", c'est-à-dire le remplacement d'anciennes éoliennes par de nouvelles plus puissantes.
Réduire la consommation
L'électricité seule ne suffira pas, notamment pour les industries ou le chauffage. Les capacités en biogaz (issues des déchets alimentaires, agricoles, etc.) seraient multipliées par 5 d'ici 2030, à 50 TWh. En 2050, il n'y aurait plus "que du gaz bas carbone".
L'Etat veut aussi quadrupler le rythme d'essor de la géothermie d'ici 2030.
Mais pour parvenir à s'approvisionner avec des énergies locales, la France devra aussi réduire de 40 à 50% sa consommation d'énergie en 2050 par rapport à 2021 (-30% en 2030 par rapport à 2012).
La "sobriété va devenir un mantra des 30 années qui viennent", dit la ministre.
Cela passera notamment par la rénovation de l'habitat et le véhicule électrique.
"Ce chiffre peut paraître colossal mais la plupart des modes de consommation bas carbone sont intrinsèquement très +efficaces+", insiste-t-on au ministère: une pompe à chaleur bien plus qu'une chaudière au fioul, idem pour une voiture électrique.
Une transition pour tous ?
"Le sujet est de faire en sorte que l'écologie ne soit plus un produit de luxe", dit la ministre, évoquant les aides (prime à la casse, bonus) et l'économie en carburant des voitures électriques qui mettent aujourd'hui une électrique neuvre à 15.000 euros.
Avec le temps, "la transition, ce sera de nouvelles filières industrielles, avec des prix qui vont progressivement converger vers le prix des solutions carbonées". Donc "non, absolument pas", il ne faudra pas toujours plus d'argent public pour la soutenir.
Outre une loi, cette stratégie fera l'objet d'un décret prochain, décrivant les grandes orientations par énergie par périodes quinquennales.
France Renouvelables a salué des objectifs qui "s'appuient sur des faits".
Mais pour les tenir, note son délégué Michel Gioria, "l'Etat, la finance, les élus locaux... doivent maintenant organiser" cette montée en puissance et garder un rythme régulier, loin des à-coups qui ont secoué le secteur ces dernières années.