Fin juillet, le gouvernement du conservateur Rishi Sunak a promis "des centaines" de nouvelles licences d'exploration et exploitation d'hydrocarbures en mer du nord, suscitant l'ire des écologistes.
L'ONG Greenpeace avait recouvert début août la demeure privée du Premier ministre d'une énorme bâche "noire pétrole" pour dénoncer "une nouvelle frénésie de forage".
"Tout soutien du gouvernement aux hydrocarbures a un impact négatif sur la transition énergétique", insiste Erik Dalhuijsen, co-créateur d'Aberdeen Climate Action, interrogé par l'AFP en marge de la conférence Offshore Europe.
"Lancer de nouveaux champs pétroliers ce n'est pas très cohérent avec la neutralité carbone", renchérit Jean Boucher, membre d'Extinction Rebellion à Aberdeen, et sociologue de l'environnement.
Autre mauvaise nouvelle, sur le front de l'éolien, secteur au coeur du plan de transition énergétique britannique : le gouvernement du conservateur Rishi Sunak a annoncé vendredi qu'il n'était pas parvenu à attribuer de nouveaux permis pour faire bâtir des champs offshore dans son dernier appel d'offre, faute de candidats.
L'invasion russe de l'Ukraine a fait flamber l'inflation et les coûts de production à travers le monde, ce qui se ressent sur les prix de l'acier et autres matériaux pour construire des éoliennes, alors que les tarifs de l'électricité que peuvent facturer les énergéticiens sont plafonnés.
Résultat : les entreprises du secteur affirment que ces projets ne sont plus rentables.
L'ONG écologiste Greenpeace a fustigé "le pire désastre pour l'énergie propre depuis au moins une décennie", qui selon elle "met en danger les objectifs de décarbonation britanniques".
L'énergéticien suédois Vattenfall a déjà jeté l'éponge sur un vaste projet, Norfolk Boreas, et d'autres pourraient suivre.
"Je sais que d'autres entreprises étudient avec attention leurs permis et leur capacité à investir" dans l'éolien au Royaume-Uni, fait valoir Michael Tholen, directeur de la durabilité du lobby énergétique Offshore Energy UK (OEUK), interrogé par l'AFP à la conférence Offshore Europe, qui se tenait cette semaine à Aberdeen.
Nouvelles priorités
Mads Nipper, patron du géant danois de l'électricité Orsted avait lui aussi tenté d'avertir que "les ambitions offshore ne se réaliseront qu'avec des cadres d'appels d'offres sains et des prix réalistes".
Quelques jours avant l'embarrassant aveu d'échec de vendredi, Downing Street venait de lever une interdiction de facto de construire de nouveaux champs d'éolien terrestre, ce qui avait été salué comme un pas dans la bonne direction, mais trop timide.
La guerre en Ukraine, a changé les priorités affichées de Londres.
"Il y a eu des interférences entre la sécurité énergétique et la neutralité carbone" dans les priorités gouvernementales, d'autant qu'il y a eu "beaucoup de changements politiques ces dernières années" à la tête du pays, constate Clare Bond, professeure de géophysique à l'université d'Aberdeen, interrogée par l'AFP.
Les ONG, experts, et les entreprises du secteur enjoignent de réformer d'urgence les processus d'appels d'offre pour, par exemple, introduire l'idée d'un bénéfice minimum pour les énergéticiens, comme le suggère Erik Dalhuijsen.
D'autres insistent sur les besoins de stabilité à long terme de la fiscalité et de la réglementation.
"Il faut mettre en place le bon cadre et redonner confiance aux investisseurs", insiste Clare Bond, de l'université d'Aberdeen.
Au moins 100 milliards de livres d'investissements du secteur privé dans les hydrocarbures ou l'éolien "offshore" sont nécessaires pour que le Royaume-Uni atteigne en 2050 son objectif de neutralité carbone et pour son approvisionnement énergétique, plaidait la semaine dernière OEUK dans un rapport.
Pour M. Dalhuijsen, l'objectif de neutralité carbone en 2050 est toujours théoriquement atteignable, "mais c'est de plus en plus difficile. Il faut faire baisser les émissions de CO2 et chaque année qui passe, cela devient deux fois plus difficile ou presque".