"Ce n'est pas une fronde, c'est une action constructive", a mis en avant jeudi lors d'une conférence téléphonique Léon Bressler, ancien PDG de 1992 à 2006 de la foncière, qui "mène" un consortium d'actionnaires aux côtés de Xavier Niel, l'entrepreneur aux multiples casquettes qui a notamment fondé Iliad (la maison mère de l'opérateur Free).
Jeudi, dans un communiqué, ce "consortium d'investisseurs" a annoncé "lancer une action pour s'opposer au projet Reset" présenté en septembre par la direction du géant des centres commerciaux.
Avec ce vaste plan, la foncière cherche à renforcer sa situation financière, affectée par l'impact du Covid-19, et prévoit entre autres une augmentation de capital de 3,5 milliards d'euros, des économies et 4 milliards d'euros de cessions.
Les actionnaires d'URW doivent se prononcer sur l'augmentation de capital lors d'une assemblée générale extraordinaire convoquée le 10 novembre prochain.
Le consortium d'investisseurs a indiqué jeudi qu'il voterait contre cette résolution et ils "appellent tous les actionnaires à faire de même".
Le consortium réclame aussi "la nomination de trois nouveaux membres au conseil de surveillance", équivalent d'un conseil d'administration, "afin de renforcer le contrôle nécessaire sur le management et développer les compétences pour bâtir une stratégie alternative dans le meilleur intérêt d'URW et de toutes ses parties prenantes".
Les réactions ont été logiques: en Bourse, le titre - en chute libre depuis le début d'année - a bondi de presque 15%, dans la perspective de voir s'éloigner une augmentation de capital qui diluerait la valeur de l'action.
En revanche, la foncière a opposé un refus net aux demandes des minoritaires, qui "ajoutent incertitude et risque à un environnement actuel déjà complexe", juge-t-elle dans un communiqué qui assure du soutien unanime du comité de surveillance à l'actuelle stratégie.
"Accident industriel"
A celle-ci, "nous pensons offrir une stratégie alternative", résume l'ancien PDG Léon Bressler.
Il avait remis un pied dans la foncière URW en 2019, via la société d'investissement immobilière Aermont, en prenant 2% du capital. "Nous avons pris la décision d'avancer ensemble avec Xavier et acquis un complément d'actions", a-t-il précisé lors de la conférence téléphonique.
Les deux hommes, qui proposent un projet alternatif baptisé "Refocus", pointent du doigt notamment le rachat en juin 2019 du géant anglo-saxon Westfield pour plus de 20 milliards d'euros, qui a endetté la foncière.
Le plan Reset lancé par la direction du groupe "est une décision malheureuse prise par un management prisonnier de la stratégie désastreuse qu'il a engagée avec l'acquisition de Westfield", estime Léon Bressler.
"Cette acquisition a affaibli la position dominante d'URW en Europe avec en contrepartie une position marginale aux États-Unis, un marché beaucoup moins attractif. En outre, elle a endetté la société, elle a distrait le management et elle a conduit à une très mauvaise allocation des ressources", selon l'ancien PDG.
L'opération est même qualifiée d'"accident industriel" par Xavier Niel, qui évoque "une triple erreur: un mauvais deal au mauvais moment et au mauvais prix".
Il épingle "une gouvernance d'entreprise défaillante" à la tête de la foncière, et met en avant le fait que la stratégie proposée par le consortium vise "à repositionner URW en tant qu'acteur européen et +pure-player+".
"Le cours de Bourse (d'URW) a baissé de 85%, ce n'est pas lié au Covid-19 et cette baisse avait été entamée majoritairement avant la crise du Covid", pointe M. Niel.
Pour Léon Bressler, "il y a une sortie par le haut, alors pourquoi prendre la sortie par le bas qui détruit le capital et qui ne prévoit rien pour l'avenir de l'entreprise?" s'interroge-t-il.
Interrogé sur l'intention éventuelle du consortium d'acheter d'autres actions, M. Bressler a indiqué: "c'est une possibilité qui est ouverte, nous sommes prêts à investir bien davantage".
Unibail-Rodamco-Westfield a dû fermer de nombreux centres pendant le pic de la crise sanitaire. Elle a accusé une perte nette de 3,5 milliards d'euros au premier semestre, où ses revenus ont chuté de 14,2% à 1,07 milliard d'euros.