Plus d'1,7 km d'une promenade de front de mer menant à une réserve naturelle de 192 ha, promenade paisible où se croisent joggeurs et cyclistes, des restaurants, cabanes d'ostréiculteurs et mytiliculteurs, des espaces verts et aires de jeu et pique-nique, sur fond de maisonnettes aux typiques couleurs pastel...
A cheval sur les communes de Châtelaillon-Plage et d'Yves, l'historique "Village des boucholeurs", d'après les "bouchots", pieux en bois sur lesquels sont élevées les moules en bord de littoral, retrouve vie et visiteurs, jusqu'à 6.000 un jour de week-end ensoleillé.
Mais ce cadre bucolique reconstitué masque sa vraie nouvelle nature: un système de défense, une véritable fortification contre d'éventuels coups de boutoir de l'océan, tels ceux de la nuit du 27 au 28 février 2010.
Cette nuit-là, la conjugaison d'une dépression marquée, d'un grand coefficient de marée et de vents à 160 km/h avait été dévastatrice pour le village ostréicole. Les vagues avaient submergé la digue terrestre fatiguée, tandis que les flots encerclaient le hameau, pénétrant par la proche réserve naturelle, une zone lagunaire.
"L'eau rentrait tellement fort dans la maison qu'une commode a défoncé une cloison", se souvient Jérôme Pabut. Vers 4 heures du matin, ce colosse dut employer toute sa force pour arracher sa porte d'entrée, bloquée par des flots montés à 1,20m, progresser dans le noir et une eau à 11 degrés, pour mettre à l'abri femme et enfants sur la colline voisine.
Les deux-tiers des 400 maisons des "Boucholeurs" furent inondées. Sur le littoral Atlantique, Vendée et Charente, Xynthia avait fait 47 morts, dont deux à Châtelaillon, un couple âgé retrouvé dans leur maison inondée.
L'Etat (préfecture et Direction générale de la prévention des risques) pencha d'abord pour du radical: raser des centaines de maisons et relocaliser. "Cela revenait à tuer la commune... mais il fallait quand même reconstruire une digue !", résume le maire d'Yves, Didier Roblin.
Mieux protégé, mais totalement ?
Après d'âpres batailles et réunions les mois suivants, les élus parvinrent à faire prévaloir une stratégie de défense, non de recul. Et dans le cadre du Programme d'action et de prévention des inondations (Papi) local, qui en 2011 fut le premier en France pour un littoral maritime, seules 36 maisons furent déconstruites.
Aujourd'hui, au pied de la digue supportant la promenade, désormais à 2-3 m au-dessus de l'eau selon la marée, avec un parapet lui aussi rehaussé, on aperçoit en contrebas un enrochement massif, et à 200 m en mer trois brise-lames en roches volcaniques. Les espaces verts aménagés, aires de jeux, de pique-nique, patios- font aussi partie du système de défense: des "dents creuses habillées de végétation ou d'un agrégat de calcaire poreux pour absorber l'eau", expliquent les élus.
Dans un chantier d'environ 15 millions d'euros, entre protection et réhabilitation, "on a eu une stratégie globale de défense mais aussi d'aménagement urbain pour camoufler la défense", résume le maire de Châtelaillon-Plage, Jean-Louis Léonard (LR). "On est passé d'un champ de ruines (après Xynthia), à la carte postale".
Chacun sait aux "Boucholeurs" que la défense n'est pas encore complète. Manque, d'ici un an, l'édification d'une digue en terre dite "digue arrière", qui coupera la réserve naturelle en deux, isolant une éventuelle eau de submersion, pour la rediriger vers un réseau de canaux et fossés renforcés et curés, et vers la mer.
Mais la protection contre une nature "hors normes" reste par essence relative. D'après les modélisations pour la nouvelle digue et protections, si une Xynthia de même force survenait, la surverse (débordement) ne serait pas empêchée... Simplement elle "serait de 20.000 à 25.000 m3 d'eau (au lieu de 1,5 millions de m3 en 2010), sachant que nous pouvons stocker 250.000 m3 d'eau (via la réserve naturelle) et l'évacuer en 12 heures", pose M. Léonard.