La guerre en Ukraine ? Les taux d'intérêt qui remontent ? Les soubresauts de la Bourse ? "Ça pour nous, ça n'existait pas." Charles-Marie Jottras, président du réseau Daniel Féau, donne le ton.
En 2022, ce spécialiste parisien de l'immobilier de luxe a connu une nouvelle année historique, après 2021 qui battait déjà des records.
Alors que les prix de l'immobilier à Paris s'érodent globalement depuis deux ans, ceux des biens les plus chers continuent de grimper. En 2022, le prix moyen au mètre carré chez Féau a ainsi dépassé 17.200 euros.
Même constat chez Sotheby's International Realty, qui a battu en 2022 son précédent record réalisé en 2021, avec 1,61 milliard d'euros de volume de ventes. Chez Barnes, "on a fait la meilleure année qu'on n'ait jamais faite", a précisé à l'AFP Richard Tzipine, directeur général de ce réseau.
Riches étrangers
Les raisons de ce succès: le retour des acheteurs étrangers, avec la fin des mesures sanitaires dans beaucoup de pays.
Alexander Kraft, PDG de Sotheby's pour la France et Monaco, décrit deux vagues d'arrivée en France: d'abord les Européens, puis les Américains, dont le fort pouvoir d'achat a été encore dopé par le dollar fort.
"Eux sont très motivés par la force du dollar en ce moment, et cet aspect investissement, parce que les Américains sont assez obsédés par l'inflation", a-t-il dit à l'AFP. Et ce dirigeant s'attend à voir "encore plus" d'acheteurs américains en 2023.
A Paris, Barnes a remarqué que les quartiers les plus prisés des étrangers, comme le Marais ou les alentours de l'Arc de triomphe et de la Tour Eiffel, ont été les plus demandés.
"On a l'impression qu'il y a une anxiété croissante depuis des années, et on a le sentiment que l'immobilier vous protège grâce à la sécurisation de vos investissements", commente Richard Tzipine.
Il a, par exemple, vu affluer des Libanais voulant échapper à la crise dans leur pays d'origine.
Chez Féau, la proportion de ventes impliquant au moins un étranger a bondi en 2022, particulièrement pour les biens les plus onéreux.
De plus en plus cher
Tous les réseaux d'immobilier de luxe interrogés par l'AFP font le même constat: plus c'est cher, plus c'est prisé.
Barnes note ainsi qu'à Paris, les biens à plus de 3 millions d'euros se sont beaucoup plus vendus.
Et chez Sotheby's, en France et à Monaco, "on a eu plus de 60 transactions entre 5 et 50 millions, dans une gamme très élevée", note Alexander Kraft.
"Plus on monte en prix et plus on est déconnectés de ce que l'on entend: +Paris perd de sa superbe+...", remarque Charles-Marie Jottras.
"Sur le grand luxe, on a un volume qui explose", a aussi relevé le directeur général de Daniel Féau, Nicolas Pettex-Muffat. "Les appartements avec jardin ou terrasse s'arrachent, et s'arrachent de plus en plus cher", ajoute-t-il.
Pourquoi cette bonne santé de l'immobilier de luxe, alors que le marché de l'immobilier en général commence à montrer des signes de ralentissement, sous l'effet de taux d'intérêt qui grimpent ?
"Il y a une espèce de cap au-dessus duquel vous êtes moins sensible aux taux d'intérêt", explique Richard Tzipine. "Vous avez la capacité à acquérir des biens chers sans vous fragiliser, et profiter d'une situation où les autres qui sont moins fortunés et plus sensibles aux taux d'intérêt ne pourront pas les acquérir."