Camionneurs, ouvriers et ingénieurs s'affairent sur différents chantiers sur la route principale bordée de maisons blanchies à la chaux, volets et portes peints en bleu, en vert ou plus rarement en rouge, dans le style architectural typique de l'archipel des Cyclades.
Marteau en main, le plombier Nikos Kritikos arrache de vieux tuyaux d'égout d'une bâtisse entièrement rénovée. A côté, trois hommes déchargent d'un camion des cartons de carreaux et des dalles de céramique. Les travaux d'extension de cette vieille maison ont permis d'ajouter trois chambres à louer.
"C'est fou, l'ouverture de la saison approche et tous sont en train de réparer, peindre (...) pour être à l'heure", affirme cet artisan originaire de l'île.
En face, un complexe avec piscine et suites appartenant à un fonds immobilier sort de terre, "la preuve d'une percée fulgurante de l'argent étranger", assure, circonspect, ce quinquagénaire.
"Tout pour le profit"
Après deux années gâchées par la pandémie, la remontée en flèche du tourisme l'année dernière - 27,8 millions de visiteurs (+89,3% sur un an), selon les chiffres de la Banque de Grèce - nourrit les espoirs.
Les recettes du tourisme devraient au moins atteindre cette année le niveau de 2022 (17,6 milliards d'euros), et "selon le scénario le plus optimiste, dépasser celles de 2019" (18,1 milliards euros), selon Yannis Retsos, président de l'Union des opérateurs du tourisme.
"La saison touristique cette année sera la meilleure", prédit aussi le maire de Paros, Markos Kovaios.
L'été dernier, la population de l'île (15.000 habitants en temps normal) a été multipliée par cinq, selon lui.
Durement éprouvée par la crise financière, la Grèce a beaucoup misé sur le bâtiment et le tourisme pour relancer son économie à la peine. Ce dernier secteur représente désormais près d'un quart du PIB.
Le long de la route sinueuse reliant Naoussa aux villages traditionnels de Lefkes ou Marpissa, chantiers, complexes touristiques, villas luxueuses avec piscines et logements souterrains se succèdent, certains cachés dans des ravins.
"Tout pour le profit, aucune limite", s'indigne Kostantis Haniotis dans son café à Lefkes, en se plaignant de l'augmentation des prix due à "la surexploitation touristique".
Laxisme
La mairie de Sifnos, une autre île des Cyclades, a tiré la sonnette d'alarme face à "la croissance effrénée" du tourisme, réclamant des mesures comme l'interdiction des piscines, selon le quotidien Kathimerini.
Sur les collines recouvertes de buissons fleuris qui contrastent avec le bleu du ciel et de la mer Egée, des murets en pierre témoignent encore des cultures en terrasse qui prévalaient jadis sur cette île. Aujourd'hui, il ne reste que quelques oliveraies et vignobles, et la pêche se pratique surtout à des fins gastronomiques.
"Dans les années 1990, chaque famille construisait une maison pour les enfants (...) Maintenant on n'arrête pas de construire pour les touristes", déplore Nikos Kritikos.
L'artisan redoute que Paros devienne comme la très en vogue et voisine Mykonos, qui propose des vacances luxueuses et attire la jet-set internationale.
Début mars, l'agression violente par des inconnus d'un archéologue chargé de l'examen des permis de construire à Mykonos a suscité un vif émoi.
Cette attaque, qualifiée de "mafieuse" par les autorités, a révélé les irrégularités chroniques dans le BTP, un problème endémique en Grèce.
Les contrôles interviennent souvent après la délivrance des permis de construire, et la seule solution en cas d'irrégularités "reste l'amende, que personne ne craint car il y a trop d'argent" en jeu dans le tourisme, dénonce Despina Koutsoumpa, présidente de l'Union des archéologues grecs.
Panagiotis Galanis, avocat spécialisé dans le droit de l'urbanisme, souligne que "les autorités sont souvent laxistes pour des raisons économiques car le tourisme est devenu une industrie lourde du pays".
Le maire de Paros assure toutefois que les contrôles ont été intensifiés cette année.