Pour la première fois depuis janvier 2022, la hausse générale ralentit. La situation des PME-ETI continue cependant de se dégrader avec près de 900 défauts ces derniers mois. Plus de 37.000 emplois sont menacés à l’issue de ce trimestre, un seuil évocateur de celui de la crise financière européenne de 2016.
Les PME - ETI souffrent ; 37.000 emplois sont menacés, au plus haut depuis 2016
La hausse globale ralentit cependant pour la première fois depuis 2022 :
- Près de 11.000 défaillances au 3ème trimestre, en augmentation de 23% par rapport au T3 2022
- En moyenne, 4.500 entreprises font défaut chaque mois depuis janvier
- La proportion de PME-ETI (8,2%) est au plus haut depuis le T3 2010
- Plus de 37.000 emplois menacés, un seuil jamais dépassé depuis le T3 2016
- Epiceries, coiffeurs, garagistes, transporteurs interurbains à des niveaux records sur plus de 10 ans
- Les Hauts-de-France retrouvent des couleurs, l’Ile-de-France résiste, l’Auvergne-Rhône-Alpes décroche.
Pour Thierry Millon, directeur des études Altares : « Depuis début 2022, le nombre de défaillances bondissait en moyenne de 47% chaque trimestre. Un taux aussi élevé sur une si longue période est inédit, mais rappelons qu’en 2021, les défauts étaient aussi au plus bas depuis 35 ans. A l’issue de ce 3ème trimestre, la hausse (de 23%) ralentit et les prochains trimestres pourraient également connaître des augmentations plus modérées. Depuis le début de l’année 2023, sur 9 mois glissés, la France enregistre 41.000 défaillances, soit une moyenne de 4.550 défauts chaque mois. Un niveau attendu, qui nous projette aux environs des 55.000 procédures en fin d’année, après un dernier trimestre qui devrait confirmer la décélération observée cet été. Les PME-ETI suscitent toutefois une attention particulière. Très fragilisées dès 2022, elles représentent désormais 8,2% des défauts. C’est 2% de plus qu’en été 2019 et c’est aussi le taux le plus élevé depuis la crise financière. Dans ces conditions, le nombre d’emplois menacés au 3ème trimestre repasse la barre des 37.000 pour la première fois depuis sept ans. »
En hausse de 23% au 3ème trimestre 2023, le nombre de défaillances d’entreprises est au plus haut depuis 2018
10.979 entreprises sont tombées en défaillance entre le 1er juillet et le 30 septembre 2023, soit une hausse de 23% par rapport à la même période de 2022. Ce nombre approche celui de l’été 2018 (11.563). Sur 12 mois glissés, le cap des 53.000 entreprises défaillantes est franchi, un nombre revenu à son niveau de l’automne 2019.
Le nombre de liquidations judiciaires (7.883) est proche de celui enregistré au cours de l’été 2016 (7.850). Il n’augmente plus que de 19% après s’être envolé de plus de 70% au cours de l’été 2022. Plus des trois quarts des entreprises liquidées comptent moins de trois salariés.
Le quart des procédures sont des redressements judiciaires (RJ) dont le nombre (2818) est encore sensiblement inférieur à celui constaté avant Covid (3.200 RJ au 3e trimestre 2019). Cette procédure est néanmoins plus fréquente, en hausse de 34% ce trimestre.
Fin 2022, le cap des 20.000 sauvegardes était atteint après 17 ans de pratique pour 915.000 défaillances prononcées sur la même période, soit à peine plus de 2% de l’ensemble. Durant l’été 2023, ce taux évolue à peine : 278 sauvegardes ont été obtenues soit 2,5% des procédures, en hausse de 21% ce trimestre.
Pour Thierry Millon : « 72% des jugements prononcés sont des liquidations judiciaires, un taux très élevé qui confirme la grande faiblesse financière dans laquelle se trouvent ces entreprises. Ce taux de liquidation, inversement proportionnel à la taille de l’entreprise, grimpe à plus de 75% chez les plus petites structures et descend à 10% pour les plus grandes. Ces dernières, mieux armées pour piloter leur activité peuvent davantage prévenir le risque. Le temps, et donc l’anticipation, est en effet un facteur essentiel d’une réorganisation réussie mais les plus petites, très sensibles au retournement conjoncturel et en manque de financement, se retrouvent trop vite sous la ligne de flottaison. »
En hausse de 32%, le niveau de défauts des PME-ETI se rapproche des référentiels de la crise financière
Les défaillances de PME-ETI continuent d’augmenter plus vite que celles des TPE. Près de 900 PME-ETI ont défailli au cours de ce 3e trimestre, soit 32% de plus qu’il y a un an. Il s’agit de l’été le plus sinistré depuis 2014.
Moins de la moitié d’entre elles sont directement liquidées offrant ainsi un sursis à l’emploi. Elles concentrent néanmoins plus de 58% des emplois menacés (21.800 des 37.300) alors qu’elles représentent 8,2% de l’ensemble des défauts.
La proportion de PME parmi les entreprises défaillantes ne cesse d’ailleurs de croitre. De 6,3% au 3e trimestre 2020, leur taux est monté à 7,2% un an plus tard, à 7,6% l’été 2022 et se situe désormais à 8,2%. Un chiffre qui n’avait plus été observé depuis 2010, dans le sillage de la crise financière.
En hausse de 22% sur ce trimestre - soit 10 points de moins que les PME-ETI - les défauts de TPE demeurent les plus nombreux (10.080 soit 92% du total). Parmi ces entreprises, les plus petites comptant moins de trois salariés résistent mieux avec une hausse des défauts de 18%, sous la moyenne globale de +23%.
21.800 emplois menacés chez les PME, 15.500 chez les TPE : ce 3e trimestre est le plus durement fragilisé depuis l’été 2016 (39.000).
Les très jeunes entreprises sont plus vulnérables
Les très jeunes entreprises de moins de 3 ans sont en souffrance. Près de 1.700 sociétés créées depuis 2021 sont tombées en défaillance ce 3e trimestre, c’est 32% de plus qu’il y a un an. Particulièrement fragiles, 81% d’entre elles ont été immédiatement liquidées.
A l’inverse, les jeunes entreprises (entre 5 et 3 ans) créées avant Covid et qui ont su résister jusqu’alors, tiennent bon. 3.175 ont fait défaut, c’est « seulement » 13% de plus qu’un an plus tôt. Cette performance s’accompagne également de meilleures perspectives de rebond puisque le nombre de liquidations judiciaires n’augmente que de 9% à la faveur de redressements judiciaires en hausse de 24%.
Les entreprises nées sur la période 2013 à 2018 sont, comme les très jeunes, davantage en difficulté, enregistrant une augmentation du nombre de défaillances de 31%. Les deux tiers d’entre elles sont des structures de moins de trois salariés.
Celles âgées de plus de dix ans se situent dans la moyenne avec une sinistralité en hausse, proche de 22%.
Dans le détail des secteurs économiques, la construction tente de résister, le commerce en souffrance
Les activités à destination du consommateur toujours en difficulté
Hébergement
L’hébergement se distingue remarquablement avec un recul de 13% du nombre de défaillances (48).
Commerce
Le commerce de détail se situe dans la moyenne globale et reste proche de son niveau 2019, à la faveur des magasins d’habillement qui tiennent (+26% ; 203 vs 230 en 2019) malgré les défauts de plusieurs enseignes renommées. L’équipement du foyer (+23% ; 203 vs 218 en 2019) est également sous ses valeurs d’avant Covid mais la situation est tendue pour l’activité meuble. En revanche, le trimestre est resté compliqué pour les magasins multi-rayons (+26% ; 204 vs 151) notamment pour les épiceries (156), au plus haut depuis au moins dix ans.
Le commerce interentreprises résiste bien (+4% ; 421), tout particulièrement dans les matériaux de construction (-27% ; 45).
Hausse sensible des défauts dans les services B2B. Dans la construction le gros œuvre tient encore
Construction
La construction (+28% ; 2643) qui a longtemps résisté enregistre désormais une tendance supérieure à la moyenne globale et renoue avec les seuils pré Covid.
Le second œuvre (+28% ; 1360) repasse au-dessus de sa valeur 2019 (1238), en revanche, le gros œuvre est encore sous son référentiel d’avant Covid (758 vs 820), bien que le rythme accélère (+34%). La construction de maisons individuelles retrouve son niveau de l’été 2019 tandis que la maçonnerie générale s’en approche.
Dans les travaux publics (141 ; +25%) les défauts des travaux de terrassement sont au plus haut depuis l’été 2015.
Le nombre de défaillances d’agences immobilières a quasiment doublé ce 3e trimestre (+98% ; 172), au plus haut depuis plus de 10 ans.
Service aux entreprises
La hausse des défaillances reste forte dans les services aux entreprises (1.472 ; +34%) en particulier dans le conseil en communication et gestion (+51%) et le nettoyage de bâtiments (+41%).
Dans les services informatiques (+33% ; 236), la situation est particulièrement délicate dans les activités de programmation, qui connaissent leur plus haut niveau de défauts sur plus de 10 ans.
Transports
Avec 277 défaillances d’entreprises, le transport routier de marchandises (+20%) présente une sinistralité jamais atteinte depuis plus de dix ans dans l’interurbain et au plus haut depuis 2015 pour le fret de proximité.
A l’issue de 2023, le prévisionnel de 55.000 défauts est encore envisageable
Pour Thierry Millon : « Au moment où la préparation du budget 2024 est engagée dans les entreprises, les plus audacieux voudront tordre le cou au pessimisme ambiant et se risqueront à un scénario courageux. Toutefois, l’incertitude gagne du terrain et les indicateurs macro, longtemps restés plus robustes qu’attendus, semblent désormais rattrapés par une économie réelle déjà en alerte depuis plusieurs mois. Chaque mois, en moyenne, plus de 23.000 sociétés sont créées pour moins de 4.000 qui tombent en défaillance ; la dynamique entrepreneuriale reste donc solide. Néanmoins, l’accélération de la sinistralité des PME-ETI est à surveiller. En effet, du fait de leur taille, leurs difficultés font peser une menace plus forte sur l’emploi direct mais aussi indirect. Leurs cessations de paiement entrainent immanquablement un transfert du risque vers les fournisseurs les moins solides. Dans ce contexte de risque commercial et financier accru et de faible croissance, les directions financières vont devoir jouer les équilibristes pour parvenir à boucler un budget raisonnablement ambitieux. »
Méthodologie : Les statistiques Altares de défaillances d’entreprises comptabilisent l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou Judiciaire (ex TGI – TI).
Glossaire : La défaillance d’entreprise correspond à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire directe auprès d’un Tribunal de Commerce ou Judiciaire. Cela concerne aussi les ouvertures après résolution du plan de redressement. En revanche, les statistiques de défaillances ne considèrent ni les procédures amiables (mandat Adhoc ou conciliation) ni les suites d’ouverture (arrêt de plan ou conversion en liquidation).
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