Construit il y a 60 ans, emprunté quotidiennement par des milliers de véhicules, cet ouvrage bidirectionnel d'une longueur de 11,6 km, se trouve à un stade où des réparations ponctuelles ne suffisent plus: "on a fait le choix de faire des travaux plus importants, plus conséquents pour redonner une seconde vie à ce tunnel", expose Grégory Schwarshaupt, directeur adjoint de la société concessionnaire française Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB).
Il en va de sa "pérennité sur le long terme", a-t-il expliqué à l'AFP.
Les longues périodes de fermeture constitueront une "première" pour le tunnel depuis sa réouverture en 2002 après l'incendie qui l'avait ravagé le 24 mars 1999, coûtant la vie à 39 personnes. Les exploitants, qui mènent parallèlement des travaux de rénovation d'une partie de la dalle, avaient jusqu'ici toujours réussi à s'en tenir à des fermetures nocturnes, hormis une période de trois semaines à l'automne 2022.
A l'époque, des fuites dans la presse italienne sur les scénarios potentiels de fermeture avaient provoqué de fortes inquiétudes dans les milieux patronaux italiens, certains craignant qu'elles ne "mettent à genoux" l'économie du pays.
En France, des élus se sont de leur côté inquiétés d'un risque de pollution accrue dans la vallée de la Maurienne, où le trafic pourrait se reporter via le tunnel du Fréjus, autre axe franco-italien important.
Encaissée et peu ventilée, la vallée de l'Arve, qui mène au tunnel du Mont-Blanc, connaît régulièrement des épisodes de pollution atmosphérique, liée entre autres au trafic routier et à ses émissions de dioxyde d'azote.
Le tunnel du Mont-Blanc voit passer toute l'année environ 1.700 poids lourds par jour, tandis que le trafic des véhicules légers est de 3.600 voitures/jour en moyenne, avec des pics de plus de 6.000 au mois d'août et des creux en automne.
Les deux premières phases de chantier, qualifiées d'"expérimentales", doivent permettre la réfection de la voûte sur quatre tronçons faisant au total 1.200 mètres, soit environ 10% de la longueur totale, et de mettre au point un calendrier le plus efficace possible pour les 90% restants, qui devront également être rénovés au cours des années suivantes.
"Pas beaucoup de marge"
La fermeture prendra effet le 4 septembre 2023, au lendemain de la fin des épreuves de l'Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB), grande messe touristique et sportive des deux côtés de la frontière. Fin prévue le 18 décembre, peu avant les congés de Noël. "On n'a pas beaucoup de marge" entre ces deux rendez-vous, admet le directeur adjoint.
Le premier chantier-test permettra la rénovation de 600 mètres de voûte en deux endroits. Si ses résultats sont positifs, 600 mètres supplémentaires seront rénovés en 2024. Ces deux premières phases ont été budgétées à 50 millions d'euros, prises en charge à parts égales par les sociétés concessionnaires française (ATMB) et italienne (SITMB).
Pour la suite, "tout reste ouvert", souligne M. Schwarshaupt, qui dit "comprendre l'attente" des acteurs régionaux, notamment dans le secteur du tourisme, et des transporteurs. "Le plus tôt on peut communiquer, expliquer comment va se dérouler la suite de ce chantier, le mieux c'est pour tout le monde. Ce ne sera pas avant fin 2024", explique-t-il.
Quelque 92% des marchandises circulant entre la France et l'Italie passent par la route, selon l'Agence alpine des Territoires, soit 3 millions de poids lourds et 43 millions de tonnes (Mt) sur l'ensemble des routes des Alpes.
Selon M. Schwarshaupt, les données recueillies pendant les trois semaines de fermeture à l'automne 2022 ont vu un report "à 90%" du trafic poids lourd vers le Fréjus. Côté véhicules légers, 30% se sont reportés vers le Fréjus, 40% vers le tunnel du Grand Saint-Bernard et 20 à 25% avaient "disparu".
Six choses à savoir sur le tunnel du Mont-Blanc
Flux
Le flux routier représente environ 1.700 camions poids lourds par jour, tandis que le trafic de véhicules légers est de 3.600 voitures par jour en moyenne, avec des pics de plus de 6.000 au mois d'août. Soit environ deux millions de passages par an, selon les chiffres de l'exploitant ATMB.
Cadencement
L'attente à l'entrée peut être longue, surtout l'été, car le nombre de véhicules est fixe dans le tunnel: une voiture toutes les huit secondes, soit un écart de 150 mètres, régulé par des barrières. C'est ce qu'on appelle le "cadencement". Deux autocars ne peuvent se suivre directement, pour éviter la saturation des abris de secours, d'une capacité d'une quarantaine de personnes, en cas d'urgence. Les camions frigorifiques, plus larges de 5 cm que les autres, doivent passer en convoi de sept, accompagnés de véhicules de service.
"Un avant et un après"
Le dramatique incendie de 1999, qui a coûté la vie à 39 personnes et n'a pu être éteint qu'après 53 heures de lutte, a constitué un tournant en matière de sécurité dans les tunnels. Le premier rapport d'enquête après la catastrophe pointait du doigt une série accablante de dysfonctionnements. "Il y a eu un avant et un après dans tous les tunnels de France, d'Europe, du monde entier", souligne Sandra Ziggiotto, chef de service pour l'entreprise gérante. Depuis 2013, les 70 pompiers professionnels du tunnel sont équipés de camions faits sur-mesure.
"Surveillance permanente"
L'ouvrage est équipé de 120 caméras, auxquelles s'ajoutent celles disposées dans chacun des 37 abris sécurisés jalonnant le parcours et de 3.860 capteurs de température. Au total, l'ouvrage compte 45.000 points de contrôle, pouvant détecter automatiquement divers types d'incidents (ralentissement d'un véhicule, présence d'un piéton ou d'un animal, objet sur la chaussée) et alerter la salle de contrôle.
Itinéraire d'évacuation
En cas d'urgence, l'évacuation à pied se fait par une gaine de ventilation située en-dessous de la chaussée. L'étroit boyau, accessible depuis les abris de secours, permet la circulation d'un petit véhicule électrique destiné à évacuer les blessés. Pour éviter toute confusion, des flèches précisent si l'on se dirige vers la France ou vers l'Italie.
Pique-nique ou pause-bébé
Malgré une abondante signalisation dans plusieurs langues sur ce qu'il est permis de faire ou non dans le tunnel, certains usagers font des erreurs. Il est assez fréquent qu'une voiture tente un dépassement, totalement prohibé. Ce qui entraîne une amende dès sa sortie du tunnel, avec un montant différent en France et en Italie.
Certains usagers sont aussi rappelés à l'ordre pour s'être garés dans les abris pour déjeuner, changer un bébé ou faire leur prière. Parmi les cas les plus insolites, celui d'un homme abandonné dans le tunnel avec sa valise par sa conjointe après une dispute. "On a de tout !", commentent les responsables du tunnel.