Le dernier élu à jeter l'éponge est le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard (EELV), qui rêvait de télécabines pour rejoindre la banlieue ouest, au relief tourmenté.
"Il y a une forte opposition des citoyens qui se sont exprimés sur ce nouveau mode de transport. Les conditions ne sont donc pas réunies pour réaliser ce projet", a-t-il annoncé mardi, au terme d'une concertation publique particulièrement agitée.
"De nombreux participants ont souligné leur attachement au paysage et craignent que les stations, les pylônes, les câbles et les cabines ne viennent abîmer, défigurer, changer l'identité visuelle (du) paysage", ont rapporté les garants de la concertation. D'autres se sont inquiétés du bruit, du survol des habitations et ne voulaient pas être vus d'en haut.
Un certain nombre de projets plus ou moins avancés de téléphériques urbains ont été abandonnés ces dernières années: à Orléans, à Marseille, à Paris, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), à Grasse (Alpes-Maritimes)...
Pour le centre public d'études des mobilités Cerema, pourtant, le téléphérique urbain est "une solution de transport efficace et pertinente pour des territoires présentant de forts dénivelés ou des coupures urbaines liées à des obstacles hydrologiques (fleuves) ou urbanistiques (infrastructures linéaires de transport de personnes ou d'énergie telles qu'un faisceau ferroviaire ou des voies autoroutières)".
Offrant des fréquences élevées, qui compensent la petite taille des cabines, il doit être intégré au réseau de transports urbains.
"Pour la collectivité porteuse du projet, le transport par câble donne une image attractive et innovante tout en offrant une expérience voyageur originale", estime aussi le Cerema.
"Convaincre"
L'histoire a failli mal tourner à Brest, où le premier téléphérique urbain de France relie depuis fin 2016 le centre-ville à un nouveau quartier situé de l'autre côté du port militaire. Le modèle choisi était nouveau et des pannes à répétition ont terni son image.
"Maintenant, ça marche vraiment très bien", assure un porte-parole de Brest Métropole. "C'est un énorme succès !"
A Saint-Denis-de-la-Réunion, le deuxième grimpe depuis mars vers un quartier résidentiel en passant par un lycée et le campus universitaire, sur 2,7 km.
Téléo, le téléphérique mis en service dimanche à Toulouse, est un modèle du genre : long de 3 km, il relie une station de métro à un hôpital situé sur une colline, puis franchit la Garonne. Ses concepteurs y voient le maillon central d'une rocade de transports publics au sud de la ville rose.
De même, le futur "Câble 1" (ou C1) dont la construction commence au sud-est de Paris doit relier le terminus du métro à Créteil à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), en 4,5 km et cinq stations. En franchissant des voies rapides et des faisceaux ferroviaires avant d'aborder une jolie côte.
D'autres téléphériques doivent suivre à Ajaccio, Grenoble et à nouveau Saint-Denis-de-la-Réunion, puis peut-être à Bordeaux, à Lyon et en Ile-de-France.
Dans la région-capitale, Ile-de-France Mobilités (IDFM) a étudié pas moins de treize projets.
"Il y a de l'opposition locale. Ça inquiète les riverains et c'est légitime", explique le directeur général d'IDFM Laurent Probst.
"Avoir des cabines qui passent au-dessus de sa tête, c'est quelque chose qui n'est pas très confortable", dit-il, rappelant qu'"il a fallu convaincre" et modifier le C1, en particulier pour éloigner les pylônes des habitations.
En outre, "un bus en site propre est moins cher et plus efficace" sur certaines liaisons envisagées, note le responsable. Seule "une poignée" de projets devraient finalement être concrétisés, selon lui.
"Je suis plutôt confiant pour ce mode de transport qui amène une solution là où les autres ont calé" pour franchir des obstacles, estime Jean Souchal, président du directoire du constructeur grenoblois de remontées mécaniques Poma qui a fourni les systèmes de Toulouse, Saint-Denis-de-la-Réunion, Ajaccio et Grenoble.
"Dans la problématique, on a beaucoup d'avantages!", souligne-t-il, convaincu que le modèle fera école, peu à peu. Comme il s'est imposé en Amérique latine, de La Paz à Rio de Janeiro, Bogota et Medellin, ou en Algérie.