La prise de conscience de nos besoins en énergie, sur fond de flambée des prix du gaz et du pétrole, de centrales nucléaires vieillissantes puis de guerre en Ukraine, est l'occasion d'accélérer le développement des ressources renouvelables, souligne Daniel Bour, président d'Enerplan, le syndicat des professionnels du solaire.
"La France détient le record d'Europe de la lenteur", relève-t-il.
De fait, malgré une année 2021 record avec plus de 2 gigawatts (GW) d'installations nouvelles, elle accuse un retard criant dans la réalisation de ses objectifs solaires, fixés par l'État.
Le pays, qui prévoit 20 GW de capacités installées en 2023, n'en est qu'à 13 GW - mélange de résidentiel, de toitures et d'ombrières grandes et moyennes et de centrales au sol (pour 60%).
Le président Emmanuel Macron a proposé en février à Belfort de décupler les projets pour atteindre 100 GW en 2050.
Mais pour Daniel Bour, Belfort "c'était avant l'Ukraine et la prise de conscience de la dépendance au gaz. Le solaire peut faire plus": 200 GW au moins.
Et pour l'immédiat, il a un plan: réaliser 25 GW supplémentaires d'ici 2025, l'équivalent d'un à deux réacteurs EPR - quand la France ne prévoit pas d'inaugurer de nouveau réacteur avant 2037 (hors EPR de Flamanville en chantier depuis 2012).
Pour le secteur du solaire, l'objectif n'a rien d'extraordinaire: "L'Allemagne, l'Italie... ont déjà fait 10 GW en un an".
"Car les gouvernements avaient une volonté claire de les pousser", souligne Daniel Bour. "En France, l'enjeu n'était pas le même: le pays était plus décarboné", via le nucléaire. "Sauf qu'aujourd'hui, ça a évolué".
Usines en Europe
Pour montrer son efficacité, la profession propose de se concentrer d'abord sur les terrains dégradés, avec une simplification de la procédure d'instruction pour ces sites aujourd'hui soumis aux mêmes contraintes administratives que les sites naturels sensibles.
Anciennes carrières, anciennes mines, zones de déchets enfouis, terrains délaissés d'autoroutes, autour d'aéroports ou de voies de chemin de fer... "l'armée en a aussi", souligne-t-il
Enerplan appelle à "des mesures dérogatoires, pour un temps limité", par directive ou par la loi, pour accélérer le processus d'attribution des permis.
"Le solaire est soumis à trois codes - de l'environnement, de l'énergie, de l'urbanisme - qui peuvent se contredire entre eux et il y a de telles couches d'obligations que cela aboutit à des blocages", décrit Daniel Bour.
"Fonçons là où on peut foncer!", dit le responsable, qui veut aussi rassurer: "quand des terrains posent problème, pas question de dérogation. Mais il y a des terrains dégradés ou pollués pour lesquels on en fait trop; pour ceux-là, il y aurait toujours une étude environnementale, mais abrégée", suggère-t-il.
Le solaire "est facilement mobilisable, et c'est un investissement quasi exclusivement privé", plaide-t-il encore. L'État en a longtemps garanti les prix, mais au niveau actuel du marché de l'électricité, il est désormais bénéficiaire net.
Au fur et à mesure que les panneaux photovoltaïques s'étendent, le secteur ne craint-il pas une montée des réticences, comme pour l'éolien?
"On a besoin d'ici 2025 d'environ 13.000 hectares, 120 ha par département, c'est raisonnable", répond Daniel Bour. "Mais oui, il faut faire attention, ne pas concurrencer l'agriculture, discuter avec la population, s'insérer dans le paysage. Et puis, à quelques exceptions près, on ne favorise pas le modèle des très grandes centrales".
Enfin, le solaire a un autre argument, un autre impératif en fait: l'installation en Europe d'usines de panneaux solaires, insiste-t-il.
Mais le continent n'a-t-il pas déjà perdu la bataille face aux Chinois?
"Pas du tout!" répond Daniel Bour: "La technologie bouge sans cesse, on la trouve partout. Et la crise a surenchéri le coût du transport, s'installer en Europe devient rentable".
"La Chine a inondé le marché car elle disposait d'un grand marché intérieur. Si ici il y a plus de volume, tout naturellement les industriels viendront".