"Nous voulons que le plus grand nombre possible de ménages aient accès au crédit immobilier alors que cela devient extraordinairement difficile avec l'augmentation des taux d'intérêt" liée à l'inflation, a déclaré mercredi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur RTL.
Ces taux tournent autour de 4%, Bercy les évaluant mercredi à 4,4% en moyenne, avec les frais. La production de crédits à l'habitat est passée en août sous la barre des 10 milliards d'euros mensuels pour la première fois depuis plus de sept ans, selon la Banque de France.
Le PTZ actuel se heurtait à différentes difficultés, selon Bercy: le barème des ressources n'avait pas été revu depuis 2016, il contribue souvent "à l'artificialisation des sols" par la construction de maisons individuelles, et il "n'est plus assez avantageux pour les ménages les plus modestes", dont il ne peut représenter que 40% maximum des emprunts contractés par ailleurs pour la première acquisition d'un logement.
La réforme, qui se prolongera jusqu'en 2027, va recentrer le PTZ sur les achats d'appartements neufs en zone tendue - c'est-à-dire où il est difficile de se loger - ou d'un logement ancien avec travaux en zone non tendue.
Il ne financera donc plus les constructions de maisons individuelles, "par souci de cohérence avec nos objectifs de lutter contre l'artificialisation des sols", a indiqué le ministère de l'Economie, évoquant "un choix courageux" du gouvernement.
Cependant celui-ci a parallèlement décidé d'augmenter de 209, à quelque 1.350, le nombre de communes considérées comme "tendues", où les conditions d'attribution du PTZ sont plus souples.
La réforme révisera aussi nettement en hausse les plafonds de revenus des deux premières tranches de bénéficiaires afin que le PTZ profite à davantage de ménages.
Le PTZ pourra représenter désormais jusqu'à 50% des autres emprunts pour les ménages de la première tranche. Et une catégorie moins modeste est ajoutée aux bénéficiaires, avec des revenus annuels nets de 28.500 à 49.000 euros selon les zones.
Il s'agit de revenus par personne, les couples et les familles se voyant appliquer un quotient familial.
"A bras-le-corps"
Le gouvernement doublera par ailleurs (de 10% à 20% de l'emprunt classique) le "PTZ vente HLM" qui aide les locataires d'un logement social à l'acheter.
M. Le Maire a par ailleurs "demandé aux banques de se mobiliser parce que quand on travaille en commun on est plus efficace".
Le Crédit Agricole, qui distribue quasiment la moitié des PTZ, a accepté de fournir jusqu'à 20.000 euros supplémentaires de crédit à taux zéro aux acheteurs.
Par exemple, un ménage de la tranche de revenus la plus faible qui achète un bien à 100.000 euros pourra bénéficier de 70.000 euros (50.000 euros de PTZ et 20.000 euros de la banque) de prêt sans intérêt.
Ces mesures coûteront environ 800 millions d'euros par an à l'Etat: une économie par rapport au 1,2 milliard que le PTZ a coûté l'an dernier, mais une grosse dépense par rapport à sa suppression pure et simple. Pour M. Le Maire, "c'est la preuve qu'on a voulu prendre le problème à bras-le-corps".
Au total, 40.000 ménages pourraient en profiter en 2024.
Bercy a rappelé aussi qu'il était possible de bénéficier du "Prêt accession" de 30.000 euros maximum accordé par Action Logement aux salariés au taux réduit de 1% et pour un montant pouvant atteindre 30.000 euros.
Ou encore d'avoir recours au Plan épargne Logement (PEL) qui permet également des emprunts à taux favorable.
Le locataire de Bercy veut aussi "continuer à travailler avec le gouverneur de la Banque de France" à l'assouplissement des règles du crédit. Cela vise notamment le plafond d'un tiers des revenus qui constitue actuellement le maximum des sommes empruntables pour l'achat d'un logement.
Les professionnels dénoncent un "faux compromis" de la part du gouvernement
Face aux multiples critiques de son projet de recentrage du prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un logement neuf, le gouvernement propose un amendement au PLF qui rehausserait les plafonds de revenus et modifierait les formules de calcul pour l’éligibilité au PTZ. Ce semblant de compromis confirme cependant l’exclusion du logement individuel et de 93% du territoire. Le gouvernement indique que sa proposition rendrait potentiellement éligibles au PTZ six millions de ménages supplémentaires. Toutefois les études d’impact révèlent un nombre de nouveaux bénéficiaires bien plus modeste, de l’ordre de 15.000 ménages.
Plus de 300 députés de tous bords, demandent au contraire le maintien du PTZ dans tous les territoires, pour tous les types de logement. Cette mobilisation transpartisane illustre un attachement partagé au maintien d’un PTZ universel que le gouvernement ne saurait balayer d’un revers de main. Rappelons que, pour de nombreux ménages, le PTZ fait fonction d’apport personnel sans lequel les projets de construction n’aboutiraient pas.
L’amputation du PTZ serait donc lourde de conséquences pour l’accès au logement et le parcours résidentiel des ménages, au-delà des risques en matière d’emploi dans le bâtiment. Elle conduirait également à une baisse importante de recettes fiscales pour le pays.
Même après amendement du gouvernement et révision flash du zonage, le projet de réforme marquerait par ailleurs une nette fracturation du territoire, près de la moitié de sa population se trouvant exclue de toute aide à la construction neuve.
Pour Olivier Salleron, président de la FFB : « Les fausses bonnes idées continuent ! Le gouvernement joue avec le feu en amputant le PTZ neuf, malgré les alertes des parlementaires de tous bords, de l’Association des Maires de France et de toute la filière construction. Ses propositions complémentaires déposées par amendement ne sont clairement pas à la hauteur et ne répondent pas à la relégation de pans entiers du territoire. La FFB demande que la réforme soit ajournée. On ne casse pas un dispositif en pleine crise du logement. »
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