Si le gaz n'est plus exploité commercialement, il est toujours extrait pour un usage industriel: la société Arkéma, plus gros pourvoyeur d'emplois du bassin industriel avec quelque 750 salariés, exploite du sulfure d'hydrogène (H2S), hautement toxique et corrosif. Le reste, du gaz "épuré", sert à alimenter en énergie des sites locaux.
Le pic de production du gisement, exploité de 1951 à 2013, a été atteint en 1982. Depuis 2010, la source s'épuise doucement.
"On visait les années 2060 pour la fin, mais aujourd'hui on sait qu'on pourra aller un peu plus loin parce que l'on tire un filet gazier moins important que prévu", explique Patrice Bernos, directeur général du groupement d'intérêt public ChemParc, voué au développement du complexe.
Lacq a bénéficié d'une dérogation à la loi qui a mis fin, en 2017, à la recherche et l'exploitation des hydrocarbures en France.
Au plus fort de l'exploitation, 8.500 salariés dépendaient directement du gisement. Ils sont encore 7.500 aujourd'hui, soit 24% de l'emploi local.
Patrice Laurent, maire (DVG) de Mourenx et président de la communauté de communes de Lacq-Orthez, milite pour l'exploitation de cette poche de gaz dans un contexte de crise énergétique mondiale. "On ne pourra pas se passer des énergies carbonées du jour au lendemain. Là, elle est sous nos pieds, il y a juste à la prendre et à s'en servir."
Lacq, "territoire pionnier", doit séduire de nouveaux arrivants, abonde David Habib, député socialiste de la circonscription.
En septembre, les élus ont ainsi annoncé que la société lyonnaise Elyse Energy allait investir 350 millions d'euros dans un site de fabrication de méthanol "vert", qui récupérera le CO2 émis par les industries locales, avec 110 emplois créés sur le papier.
"On apporte une solution aux émetteurs et on se concentre sur (...) le carbone inévitable, sans alternative", explique Benoît Decourt, directeur des opérations de cette PME.
"Acceptabilité"
Fin 2021, une centrale photovoltaïque, financée par TotalEnergies, est entrée en service à Lacq. Le géant français a également racheté un méthaniseur pour la production de biogaz, lancée en août.
"Nous avons tous collectivement réussi la reconversion", affirmait Thierry Renard, représentant du groupe à Pau, mercredi dans le quotidien La République des Pyrénées.
Les associations environnementales qui surveillent depuis des années les rejets et émanations des usines de Lacq restent, elles, sceptiques.
"Plutôt que de régler le problème des pollutions déjà existantes et des seuils d'émission qui ne sont pas respectés, on nous dit qu'on va faire venir des entreprises plus vertes les unes que les autres, tout en continuant l'exploitation du gaz et de ses dérivés", dénonce Cathy Soublès pour la Sepanso64, affiliée à France nature environnement.
En 2018, la préfecture avait mis à l'arrêt un site de production de Sanofi à Mourenx, après un signalement de cette association. Des émissions de bromopropane, qui entre dans la composition du valproate de sodium, le principe actif de l'antiépileptique Dépakine, dépassaient très largement les seuils autorisés.
"Le cas Sanofi, une fois révélé, a été résolu en quatre mois", pointe Cathy Soublès, persuadée que "les industriels savent résoudre les problèmes une fois au pied du mur". Une information judiciaire a été ouverte pour mise en danger d'autrui et délit d'obstacle à agent habilité.
Les salariés de ces grands sites sont aussi inquiets. "On est les premiers exposés aux agents cancérigènes mutagènes et reprotoxiques", souligne Timothée Esprit, représentant CGT.
"Les entreprises sont hyper fliquées par la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), par les plaintes et la pression mise par la Sepanso", répond Patrice Bernos, pour qui le degré d'"acceptabilité" de la population a changé.
"Le risque industriel était bien plus élevé avant, mais les inconvénients de l'industrie sont moins supportés aujourd'hui", considère le directeur général de ChemParc.