Lancé à la fin des années 2000 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le "Grand Paris Express" reliera sur plus de 200 km des dizaines de communes de banlieue, les centres de recherche du plateau de Saclay ou encore les deux aéroports parisiens de Roissy au nord et d'Orly au sud. Le nouveau calendrier officialisé mardi prévoit désormais des mises en service progressives des nouvelles lignes entre 2025 et 2030.
Un tronçon en particulier est très attendu: une partie de la ligne 16 sur un arc traversant la banlieue de Seine-Saint-Denis, au nord-est de Paris. Il y a quatre ans, le président Macron l'avait encore promise aux quartiers sensibles de Clichy-Montfermeil pour 2024, à temps pour les JO.
Mais le nouveau président de la Société du Grand Paris, nommé en mars par le pouvoir actuel insatisfait des retards, n'a pu qu'admettre l'infaisabilité du calendrier. Résultat: plus de deux ans de retard. Ouverture prévue "pour le deuxième semestre 2026", a annoncé à l'AFP Jean-François Monteils.
L'amorce de la ligne 17, qui devait mener jusqu'à l'aéroport du Bourget, où un quartier doit être construit pour loger les médias du monde entier, subit le même sort: elle ne sera pas prête avant le second semestre 2026.
Le président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, a regretté "une mauvaise nouvelle" pour les habitants du département. "D'autres retards ne seront pas acceptables pour ce projet qui doit être un moteur de relance et un rattrapage en matière d'aménagement et d'environnement", a-t-il prévenu.
"Néanmoins il faut voir le verre à moitié plein, le projet n'est pas annulé, il faudra juste être patient et attendre 2026", a dit le maire du Bourget, Jean-Baptiste Borsali.
Les organisateurs des JO avaient anticipé ces retards, dans le cadre de leur revue budgétaire, et déplacé quelques sites dans des lieux plus accessibles. Par exemple les épreuves de natation ont été déplacées de Saint-Denis à Nanterre, bien reliée par les transports en commun.
Le problème principal sera le village des médias du Bourget. Il y aura des acheminements de "bus" prévus pour les journalistes mais le comité d'organisation envisage désormais de délester le centre de presse sur des centres annexes.
Fin en 2030
Finalement, seul le rallongement de la ligne 14 (qui était la première ligne automatisée du métro parisien et traverse aujourd'hui la capitale) devrait être réalisé à temps pour les JO. Ses nouveaux prolongements relieront le village olympique, à Pleyel, à l'aéroport d'Orly, ainsi que le Stade de France.
L'épidémie de Covid-19 n'est qu'une des explications des retards.
"Ce serait entre guillemets simple s'il n'y avait que la crise pandémique, mais l'honnêteté oblige à dire qu'il n'y a pas que la crise pandémique", dit Jean-François Monteils.
Parmi les difficultés rencontrées, il a cité le désamiantage du site du dépôt d'Aulnay-sous-Bois, la difficulté de faire venir des techniciens d'Allemagne pour venir au chevet des tunneliers pendant le confinement et les conséquences du décès accidentel d'un ouvrier à Noël, qui a contraint un tunnelier à l'arrêt pendant six mois, pendant l'enquête.
Mais tout n'est pas noir: la ligne 18, au sud et au sud-ouest, sera livrée à l'heure. Elle reliera d'ici 2027 Orly au grand pôle de recherche du plateau de Saclay, avec plusieurs grandes institutions de recherche, l'université Paris-Saclay, l'Ecole Polytechnique et HEC, le Commissariat à l'énergie atomique...
"Maintenant que le sujet JO est tombé, la ligne la plus urgente est la ligne 18, car elle est vitale pour la recherche française", dit à l'AFP Nicolas Samsoen, maire de Massy.
"Tout le monde est déjà arrivé sur le plateau, à la rentrée prochaine de nouveaux étudiants arrivent, c'est plusieurs dizaines de milliers d'étudiants, plusieurs milliers de chercheurs, de salariés..." renchérit Grégoire de Lasteyrie, maire de Palaiseau, président de la communauté d'agglomération Paris-Saclay.
In fine, la carte ne bougera pas et les 200 kilomètres restent confirmés pour 2030.
"On a tout commencé et on finira tout", assure M. Monteils.
"Peu de sites impactés" selon les organisateurs
Le fait que les lignes 16 et 17 de métro ne soient pas prêtes pour 2024 ne touchera que "peu de sites", dont le village des médias, ont indiqué à l'AFP les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Compte tenu de "la situation tendue pour la livraison de ces lignes", dont ils étaient prévenus depuis plusieurs mois, les organisateurs avaient inclus ce paramètre lors de la révision de la carte des sites fin 2020, pour faire des économies également. Ils ont ainsi supprimé un site temporaire de volley-ball, initialement prévu au Bourget, et déplacé les épreuves de natation de Saint-Denis à Nanterre.
"Au final, peu de sites sont directement impactés par ce retard", assure le comité d'organisation.
Il s'agit du stand de tir situé à la Courneuve et surtout du village des médias situé sur les communes de Dugny, La Courneuve et Saint-Denis, et sur une partie du parc départemental Georges-Valbon.
Celui-ci doit accueillir la presse du monde entier et être transformé en écoquartier de 1.300 logements, dont 700 construits pour 2024.
Il y aura des acheminements de "bus" prévus pour les journalistes mais le comité d'organisation "pourrait cependant être amené à ouvrir une réflexion (...) afin de garantir aux journalistes les meilleures conditions de travail, au plus près des principaux sites de compétition et de leurs futurs hébergements", ouvrant ainsi la voie à ce que le centre de presse principal prévu sur ce site puisse être délesté dans des centres annexes.
Le village des médias, dont la justice administrative vient de valider la réalisation après avoir suspendu les travaux en référé, est un chantier emblématique avec le village des athlètes ou encore le centre aquatique olympique (CAO). Il a déjà connu des péripéties car il devait initialement être construit en une fois, et le sera maintenant en deux fois.
"Les acteurs publics, qui portent la responsabilité de l'organisation des transports collectifs pendant les JO, travaillent sur des solutions alternatives", relèvent encore les organisateurs.
Paris 2024 rappelle qu'il s'est appuyé sur le projet du Grand Paris pour bâtir son projet et qu'"aucune ligne de métro n'est construite spécifiquement pour les Jeux". Il souligne que la ligne 14 jusqu'à la gare de Saint-Denis Pleyel, qui elle sera livrée à temps, permettra la desserte du village des athlètes, situé à Saint-Denis et "participera efficacement à la desserte du Stade de France et du centre aquatique olympique (épreuves de plongeon, water polo, et natation synchronisé), aux côtés des RER B et D et de la ligne 13".
Le nouveau calendrier du Grand Paris Express
Voici le calendrier du métro Grand Paris Express, tel qu'annoncé mardi par la Société du Grand Paris après l'officialisation des retards des multiples chantiers.
- Pour le printemps 2024 (à temps pour les jeux Olympiques):
- Ligne 14 prolongée au nord et au sud, de l'aéroport d'Orly à Saint-Denis Pleyel
- Pour la fin 2025:
- Ligne 15 au sud, de Noisy-Champs à Pont de Sèvres
- Pour 2026:
- Ligne 18, de Massy-Palaiseau à Saclay
- Pour le second semestre 2026:
- Tronc commun des lignes 16 et 17, de Saint-Denis Pleyel au Bourget RER
- Ligne 16, du Bourget RER à Clichy-Montfermeil
- Ligne 17, du Bourget RER au Bourget Aéroport
- Pour 2027:
- Ligne 18, d'Orly à Massy-Palaiseau
- Pour 2028:
- Ligne 16, de Clichy-Montfermeil à Noisy-Champs
- Ligne 17, de Bourget Aéroport au Parc des Expositions
- Pour 2030:
- Ligne 15 à l'ouest, au nord et à l'est, de Pont de Sèvres à Noisy-Champs via La Défense et Saint-Denis Pleyel
- Ligne 17 du Parc des Expositions à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle et au Mesnil-Amelot
- Ligne 18, de Saclay à Versailles