Portées par un contexte conjoncturel plutôt bien orienté côté bâtiment, les productions de béton alimentent des chantiers de gros œuvre dont le stock reste soutenu par des retards et délais de réalisation allongés du fait du contexte sanitaire ; quant aux granulats, l'activité bénéficie pour le moment d'un effet de rattrapage des anciens chantiers TP, dans l'attente de carnets de commandes plus garnis, notamment avec la mise en œuvre des mesures du Plan de relance. Dans un cas comme dans l'autre, la demande de matériaux vit actuellement de ses acquis et reste tributaire du rythme d'exécution des carnets en cours, côté bâtiment, et du timing d'arrivée des nouveaux appels d'offre, côté TP.
Un mois de février dans la moyenne
Selon les premières estimations pour le mois de février, l'activité des matériaux aurait décroché par rapport à janvier mais aussi au regard de l'an passé. Toutefois, cette évolution est à relativiser en raison du niveau élevé observé début 2020. Ainsi, dans les granulats, la production aurait reculé de -6,5% par rapport à janvier (données CVSCJO provisoires) et de -7,5% par rapport à février 2020 mais se situe exactement dans la moyenne des dix dernières années. Pour autant, grâce à un bon mois de janvier, les volumes se sont maintenus sur les trois derniers mois comparés aux trois mois précédents (+0,5%) mais s'affichent en recul au regard de la même période de l'an passé (-2,6%), par un effet de base assez logique.
En cumul sur les deux premiers mois de 2021, les productions de granulats cèdent -4,3% comparé à l'an passé tandis qu'en cumul sur douze mois glissants, la baisse atteint -8,5%. Du côté du BPE, les livraisons se sont contractées de -6,5% par rapport à janvier et de -6,2% sur un an mais surplombent de 2% la production moyenne d'un mois de mars sur ces vingt dernières années. En dépit d'un bon mois de janvier là aussi, l'activité sur le dernier trimestre a reculé par rapport à septembre-novembre (-2,2%) mais aussi, bien sûr, par rapport à la même période de l'an passé (-1,7%).En cumul sur deux mois,la production de BPE s'inscrit en repli de -4,2% sur un an et de -9,9% en cumul sur douze mois.A partir du mois de mars, toutes les évolutions en glissement annuel seront « dopées » par un effet de base devenu très favorable mais pour l'heure, l'indicateur matériaux, provisoire pour février, se replie de -4,2% sur un an (CJO) après une baisse de -6,4% sur l'ensemble de l'année 2020.
Le bâtiment « vit sur ses carnets » encore bien garnis
Une fois n'est pas coutume, les entrepreneurs du bâtiment, interrogés en mars par l'INSEE, ont confirmé leur optimisme pour les prochains mois, anticipant même une amélioration de l'activité. Leurs carnets de commandes, toujours rivés à plus de 9 mois dans le gros œuvre, sont même jugés mieux garnis qu'en février et les perspectives d'embauche mieux orientées. L'activité du secteur semble donc pour le moment alimentée par un stock important de chantiers en cours ou à réaliser, héritage d'un rebond des permis enregistré avant l'arrivée de la crise sanitaire. Côté construction pourtant, les derniers chiffres des mises en chantier, bien que souvent révisés, témoignent d'un recul sensible, de -3,1% au cours des trois derniers mois, à fin février, comparé au trimestre précédent. En cumul sur un an, on dénombre ainsi 351 900 logements commencés (-9,5% sur un an). Côté permis, le redressement amorcé ces derniers mois semble s'essouffler (+0,5% en glissement trimestriel à fin février contre +16,8% à fin janvier) et la tendance sur un an demeure fortement baissière (-17,4% avec 377 000 autorisations), le segment du collectif étant plus impacté que celui de l'individuel diffus (-25,4% contre -9,5%). Enfin, s'agissant du secteur non résidentiel, la situation reste préoccupante : les surfaces autorisées (32,6 millions de m² en cumul annuel à fin février) continuent de se dégrader, reculant de -20,6% sur un an, un rythme qui semble s'accélérer sur les trois derniers mois (-21,5%), les bâtiments publics ou commerciaux affichant même des baisses proches de -25%. Quant aux surfaces commencées, elles s'enfoncent de -19,5% sur un an au cours des trois derniers mois et de -21,2% sur douze mois, les chiffres par types d'ouvrage étant souvent perturbés par des effets de retards de collecte et d'enregistrement de gros chantiers. Fragilisée par les conséquences économiques de la crise sanitaire sur les ménages et les entreprises, la construction de logements (et de locaux), semble également freinée par les blocages politiques et réglementaires.
Dans bon nombre de collectivités, la délivrance des permis apparaît ralentie voire grippée, occasionnant parfois un allongement important entre les autorisations et le début des travaux (pouvant aller jusqu'à 24 mois dans le collectif). Par ailleurs, dans le cadre de la Loi Climat et résilience, l'objectif de lutte contre « l'artificialisation des sols » semble désormais dicter la politique foncière des donneurs d'ordre en dépit des besoins économiques et sociaux des différents territoires ; et ce, dans un contexte où les besoins en logements demeurent prégnants, où les conditions d'accès au crédit sont appelées à se durcir (application des critères HCSF à l'été 2021) et où les prix immobiliers du neuf continuent de se tendre (+7,1% pour les maisons depuis fin 2019 et +4,9% pour les appartements). Et cette inflation immobilière pourrait s'accélérer sous l'effet conjugué d'une raréfaction de l'offre des promoteurs, des nouvelles règlementations constructives (RE2020) et des tensions actuelles sur les prix des matériaux (acier, plastiques, métaux non ferreux, bois d'œuvre…). Cette actualité souligne l'enjeu du choix des matériaux dans le mode constructif. Le béton, disponible immédiatement, produit localement et peu soumis aux tensions du marché international, répond ainsi aux exigences de maitrise des délais d'approvisionnement et des coûts de construction, facteurs clés de l'accès au logement.
Travaux publics : un peu mieux
Le début de l'année 2021 demeure très poussif dans les TP même si le risque d'un trou d'air qui était attendu semble pour le moment écarté. Selon la FNTP, les travaux réalisés, en repli de -10,4% en janvier sur un an, renouent cependant avec les niveaux de 2019 mais les facturations annuelles reculent de -14%. Les carnets de commandes, très dégarnis, frémissent toutefois en janvier (+5,9% sur un an). Mais les professionnels restent en attente d'un réveil des appels d'offre, en liaison notamment avec la mise en place des projets du Plan de Relance.
Au total, la demande de matériaux en 2021 restera soumise à de fortes incertitudes : côté BPE, alimentée par les carnets du bâtiment au moins jusqu'à l'été, elle pourrait varier de -2% à +2% selon les délais d'exécution et le rythme d'épuisement du stock des permis. Côté granulats, l'évolution de l'activité dépendra, de celle du BPE certes, mais aussi du timing des nouveaux chantiers de TP et du Plan de Relance et varierait entre 0 et +4%, avec une seconde partie de l'année mieux orientée.