Cette révision devait être introduite dans le projet de loi de finance (PLF) initial, puis avait été retirée par le gouvernement pour laisser place à la concertation avec la filière, totalement opposée à un changement.
Elle va revenir finalement sous la forme d'un amendement du gouvernement dans les prochains jours, a-t-on indiqué dans l'entourage de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et du ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt.
"Il y a un intérêt général à modifier ces contrats parce qu'il y a une rémunération excessive", a-t-on fait valoir.
En 2006, les tarifs de rachat de la production solaire étaient de l'ordre de 600 euros le mégawattheure, soit dix fois les prix de marché actuels.
Entre 2006 et 2010, les coûts ont été divisés par quatre pour les industriels du secteur, sans que les tarifs ne soient revus en proportion pour cette période. Un moratoire avait ensuite instauré un nouveau régime fin 2010.
"Autour des années 2010, le soutien n'a pas su être réajusté en tenant compte de la chute des coûts de la filière", fait-on valoir au gouvernement.
"Il y a une rente pour certains énergéticiens" et c'est devenu "un soutien au détriment du contribuable et d'autres énergies renouvelables", selon ces sources.
Seuls les plus gros contrats seront touchés par la révision. Les installations de moins de 250 KW environ ne seront pas concernées, afin d'épargner les particuliers, agriculteurs ou petits professionnels.
Sur une dépense annuelle qui représente 600 à 800 millions d'euros par an pour ces contrats, l'État attend une économie de l'ordre de 300 à 400 millions.
Daniel Bour, président d'Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire, a aussitôt dénoncé une révision "incompréhensible" et "sans précédent".
"La remise en cause d'une signature de l'État, c'est une catastrophe au moment de la transition énergétique", a-t-il réagi auprès de l'AFP, estimant que cette mesure poserait un problème de "confiance".
"On juge avec dix ans de retard, c'est totalement anachronique. Les gens ont été des pionniers, ils ont pris des risques énormes parce qu'il n'y avait pas de financement à l'époque", a-t-il aussi fait valoir.
Les professionnels demandent ainsi au gouvernement de renoncer à son amendement et de revenir à la table des négociations.
La filière photovoltaïque se mobilise contre le projet
Les entreprises des énergies renouvelables et en particulier celles de la filière solaire photovoltaïque, réunies dans le collectif ‘Solidarité Renouvelables' se mobilisent contre la volonté manifestée par le gouvernement de forcer par la loi de finances pour 2021 une mesure rétroactive unilatérale visant à revoir à la baisse certains contrats d'achat d'électricité solaire antérieurs à 2011.
Constitués en collectif réunissant plus de 400 entreprises et incluant les fédérations professionnelles SER et ENERPLAN, les acteurs des énergies renouvelables et en particulier ceux de la filière solaire photovoltaïque, dénoncent l'impact considérable qu'une telle mesure aurait sur les entreprises (grands groupes, ETI, PME…) qui la composent :
- Perte de la confiance des banques et des investisseurs dans les projets photovoltaïques, avec des répercussions possibles sur les autres énergies renouvelables
- Menace sur la solvabilité, avec la faillite des installations photovoltaïques touchées par la mesure et un risque de disparition des entreprises qui les portent,
- Menace sur l'emploi de la filière, notamment dans les territoires qui ont beaucoup investi dans le solaire,
- Menaces enfin sur les bailleurs (notamment agricoles) des installations photovoltaïques et sur les emplois indirects dépendant de la filière.
Cette filière est composée de tous types d'entreprises : grands groupes, ETI, et petits acteurs territoriaux et innovants. Si elle a pu se développer jusqu'à aujourd'hui, c'est grâce à l'intangibilité des contrats signés entre l'État et les opérateurs, clé-de-voûte de la confiance des banques et des investisseurs dans la filière. Sans cette confiance dans la stabilité du cadre contractuel et dans la signature de l'État, c'est tout l'édifice de financement et d'investissement qui s'écroule, y compris pour les projets futurs : aucune banque, qui aura perdu des centaines de millions d'euros dans des centrales solaires à cause du raccourcissement autoritaire des contrats, n'ira prêter dans des conditions compétitives à de nouveaux projets d'énergies renouvelables.
Au moment où l'État veut attirer les investisseurs dans la filière hydrogène par des contrats d'achat d'énergie garantis, il sape inexplicablement la confiance qu'il a pu construire depuis dix ans avec les acteurs du photovoltaïque.
Au contraire, la filière, dans un esprit de responsabilité, et comprenant les enjeux budgétaires qu'imposent les circonstances actuelles, a proposé aux pouvoirs publics de créer un fonds à impact dédié à de nouveaux projets dans les filières d'avenir pour la transition énergétique. En s'engageant sur une rentabilité réduite de ses investissements, il permettra un allègement de la charge de l'État dans le soutien à ces filières ; le gain budgétaire sera au moins aussi important que le bénéfice attendu de la rupture des contrats photovoltaïques. Surtout, ayant vocation à être un bras armé du Plan de Relance et de la Programmation pluriannuelle de l'énergie, ce fonds permettra de soutenir l'émergence de nouvelles filières et la réindustrialisation de nos territoires.