Décidée en juillet 2019 dans un marché de l'emploi alors dynamique, la réforme avait été suspendue à l'aune de la crise du Covid-19. Elle doit désormais entrer en vigueur à compter du 1er juillet dans une version amendée.
Si le durcissement d'une partie des règles, notamment sur l'ouverture des droits, est désormais soumis à une clause de "retour à meilleure fortune", la disposition la plus contestée par les syndicats entrera bien en vigueur cet été. Il s'agit du nouveau mode de calcul des allocations, moins favorable aux demandeurs d'emploi qui alternent régulièrement périodes de chômage et d'activité.
L'exécutif défend un "enjeu d'équité", le système actuel étant plus favorable à ceux qui alternent contrats courts et inactivité qu'à ceux qui travaillent en continu.
Selon les calculs de l'Unédic, 1,15 million de personnes qui ouvriront des droits à l'assurance-chômage dans l'année suivant le 1er juillet devraient ainsi toucher une allocation mensuelle plus faible qu'avec les règles actuelles (de 17% en moyenne) avec dans le même temps une "durée théorique d'indemnisation" allongée (14 mois en moyenne contre 11 avant la réforme).
A la demande de Force ouvrière, l'organisme paritaire a aussi effectué des simulations montrant qu'avec les mêmes périodes d'emploi et des rémunérations égales, les salariés ayant été en chômage partiel, en congé maladie ou maternité, seraient moins bien indemnisés que les autres. Les cas-types montrent un écart d'environ un tiers dans l'allocation mensuelle.
C'est sur ce point que le gouvernement s'est dit prêt à corriger des "effets non voulus".
"Dès que j'ai eu connaissance de cette étude de l'Unédic, qu'on a reçu un petit peu tard, quelques jours avant la publication du décret (fin mars, NDLR), j'ai demandé à mes services de prendre contact avec l'Unédic pour qu'on règle ce problème et c'est ce qu'on va faire", a déclaré jeudi la ministre du Travail Elisabeth Borne.
"Il n'y a aucune raison d'être pénalisé dans son allocation chômage si on a été en congé maternité ou placé en activité partielle", a-t-elle insisté.
"S'il faut un nouveau décret pour effectuer ces ajustements, on le fera", a indiqué dans la foulée le ministère du Travail à l'AFP.
Les syndicats toujours remontés
Les syndicats, qui s'opposent frontalement depuis le départ à cette réforme qu'ils jugent pénalisante pour les demandeurs d'emploi, notamment les plus précaires, affirment de leur côté avoir alerté de longue date le gouvernement sur cette problématique.
"Le ministère découvre (la situation) alors que ça fait six mois qu'on lui dit que dans les pénalisés il y en aura encore plus, notamment les femmes en congé maternité et ceux qui sont en arrêt maladie", a déclaré le numéro un de la CGT Philippe Martinez mercredi soir sur France info. "Donc c'est une réforme super injuste", a-t-il ajouté, rappelant que son syndicat appelle à une journée d'action le 23 avril.
Son homologue de la CFDT Laurent Berger a aussi assuré jeudi avoir "alerté le ministère". "A vouloir réformer à tout prix, complètement de façon anachronique parce qu'on est en pleine crise (...) le gouvernement a fait une politique du doigt mouillé. C'est n'importe quoi!", a-t-il tempêté.
Il a annoncé que la CFDT allait, comme les autres centrales, déposer prochainement un recours devant le Conseil d'État contre le décret d'application de la réforme.
Pour Michel Beaugas (FO), les annonces du gouvernement constituent "une première victoire" mais "ne règlent pas le fond du problème" du nouveau mode de calcul. "Nous sommes toujours déterminés à le faire annuler par le Conseil d'Etat", a-t-il indiqué à l'AFP.
Pour Cyril Chabanier (CFTC), les corrections annoncées sont "une bonne chose", mais il pointe d'autres dispositions à corriger, tandis que Jean-François Foucard (CFE-CGC) grince que le gouvernement a "du mal à faire bien du premier coup" et devrait "écouter un peu plus".
Les syndicats ont jusqu'à fin mai pour déposer leurs recours devant l'instance, qui aura un mois pour statuer.