Près d'un milliard d'euros vont être mobilisés "dans les mois qui viennent" pour réaliser 10.000 logements intermédiaires, ont annoncé les ministres de l'Économie et du Logement jeudi.
Réservé aux zones tendues où les loyers s'envolent, le logement locatif intermédiaire (LLI) permet à des ménages des classes moyennes dont le revenu est trop élevé pour prétendre à un logement social de trouver un toit.
En retour, ceux qui investissent dans la construction de ces habitations à loyers plafonnés bénéficient d'avantages fiscaux.
Sur ce milliard, 400 millions d'euros seront "fournis par 14 assureurs" et "250 millions d'euros fournis par la Caisse des dépôts et consignations" (CDC), tandis que l'État "mobilisera des fonds propres", a précisé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire à l'issue d'une réunion avec la fédération des assureurs et la CDC.
L'objectif, selon Bruno Le Maire, est de "développer massivement l'offre de logements intermédiaires qui permet de classes moyennes de se loger à des tarifs inférieurs de 10 à 15% aux tarifs du marché".
"Pour ça il faut des investissements et il faut les investisseurs", a ajouté le ministre.
Pour l'État, "ce n'est pas de la dépense budgétaire, je tiens à le préciser, c'est de l'investissement", a-t-il insisté.
Les assureurs déjà engagés
"Les assureurs s'engagent à apporter plus de 400 millions (d'euros) de fonds propres en faveur du financement du secteur du logement intermédiaire", selon un communiqué du gouvernement citant AG2R La Mondiale, Allianz France, Assurances du Crédit Mutuel, Axa, BNP Paribas Cardif, BPCE Assurances, CNP Assurances, Crédit Agricole Assurances, Groupama, Groupe MAIF, SMABTP, Société Générale Assurances, Suravenir et Groupe VYV.
"Le logement intermédiaire est une catégorie d'investissement sur laquelle les assureurs sont déjà massivement engagés", a indiqué Florence Lustman, présidente la fédération France Assureurs, en rappelant que les assureurs s'étaient notamment engagés à améliorer les qualités énergétiques de ces logements.
Au second semestre 2023, le gouvernement avait acté une augmentation de capital de 250 millions d'euros au sein de la Société du logement intermédiaire, pour construire rapidement 4.000 logements supplémentaires, indique Bercy.
Après une phase de croissante constante, la production a atteint un peu plus de 15.000 logements intermédiaires par an, rappelle le communiqué du gouvernement, qui veut "doubler d'ici 2026 la production de logements intermédiaires afin d'accélérer la mobilité résidentielle, notamment depuis le logement social".
"Nous allons booster le LLI", a confirmé le ministre délégué au logement Guillaume Kasbarian qui a annoncé la signature la semaine prochaine d'un accord avec le géant du logement social et des aides à l'habitat Action Logement, la CDC et les banques dans les territoires avec l'ambition de produire "75.000 logements pour les 3 prochaines années".
Notre volonté est "de mieux lier ces logements au travail, à la réindustrialisation, aux projets énergétiques, je pense notamment à celui des EPR", a souligné le ministre délégué.
M. Kasbarian a également rappelé qu'un projet de loi relatif au logement sera présenté "dans les semaines qui viennent (...) en vue d'un examen fin juin".
La loi de finances pour 2024 a également permis d'étendre le régime du logement locatif intermédiaire à de nouveaux territoires, à la rénovation de l'habitat ancien, et aux résidences gérées à destination des étudiants, des jeunes actifs ou des seniors.
Le logement intermédiaire, martingale de l'exécutif pour les classes moyennes
Destiné en priorité aux classes moyennes peinant à habiter en zone tendue, le logement intermédiaire est fortement poussé par le gouvernement depuis 2017, mais parfois accusé de se développer au détriment du logement social.
Qu'est-ce que le logement intermédiaire ?
Comme son nom l'indique, le logement locatif intermédiaire (LLI dans le jargon immobilier) propose des niveaux de loyer réduits par rapport aux prix du marché, mais plus élevés que dans le parc social.
"On dit toujours que c'est le besoin dans les secteurs les plus tendus, où très souvent il peut y avoir un écart important entre les loyers du parc social et le parc privé, où les prix des loyers comme de l'accession peuvent s'emballer", détaille Hélène Joinet, chercheuse à l'Institut Paris Région.
"Ça vient occuper un maillon manquant, qui avant était occupé par les investisseurs institutionnels", comme les assureurs et banques, qui s'en sont désengagés dans les années 1990-2000, ajoute-t-elle.
S'il existe depuis des décennies, le logement intermédiaire qui se développe actuellement est assis sur un dispositif créé en 2014.
Les bailleurs bénéficient d'un double avantage fiscal: un taux de TVA réduit à la construction (10% au lieu de 20%) et une exonération de taxe foncière pendant vingt ans.
En contrepartie, ils doivent appliquer un loyer réduit et louer à des ménages en deçà d'un certain plafond de revenus.
Pourquoi le gouvernement le pousse ?
Depuis 2017, Emmanuel Macron et tous ses ministres du Logement ont fait du développement du logement intermédiaire une priorité.
L'objectif affiché, a résumé jeudi le ministre chargé du Logement, Guillaume Kasbarian, est de loger les classes moyennes, "ceux qui ne bénéficieront pas, dans leur vie, de logement social, et qui pour autant (…) n'arrivent pas à se loger dans le marché libre dans les zones sous forte tension", en particulier dans les territoires en voie de réindustrialisation.
Qui peut y prétendre ?
Les candidats au logement doivent être situés en dessous de plafonds de ressources.
Pour une personne seule, le revenu fiscal annuel doit être inférieur à 43.529 euros dans les zones les plus tendues (Paris, Lyon, Lille, Montpellier et leurs périphéries, Côte d'Azur, frontière suisse).
Pour un couple sans enfant, c'est 65.057 euros dans les mêmes zones.
Concrètement, les loyers pratiqués par in'li, un des principaux bailleurs intermédiaires en Île-de-France, oscillent entre 12 et 18 euros le mètre carré, contre 5 à 12 euros dans le parc social et 18 à 30 euros sur le marché, détaille son président, Damien Robert.
"Je peux comprendre qu'un couple à 62.000 euros à Paris ait du mal à se loger dans le parc privé. Donc il peut y avoir un besoin de logement intermédiaire pour lui. Mais on ne parle pas du tout des mêmes revenus que les caissières, les aides-soignantes, les éboueurs", tempère Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat, confédération des bailleurs sociaux.
Les procédures de sélection des locataires, tout comme les contrôles une fois ceux-ci entrés dans le logement, sont aussi moins encadrés qu'en HLM, relève-t-elle.
Se fait-il au détriment du logement social ?
Cette critique, très relayée à gauche et chez les défenseurs du logement social, est récurrente, alors que 2,6 millions de ménages sont en attente d'un HLM.
Elle a redoublé d'intensité depuis que le Premier ministre Gabriel Attal a évoqué la possibilité d'inclure "pour une part" le logement intermédiaire dans le calcul des quotas de mixité sociale.
La mesure, accusée d'ouvrir une brèche dans la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) qui oblige les villes à respecter un quota de 20 à 25% de logements sociaux, sera incluse dans un projet de loi "pour le logement des classes moyennes" attendu avant l'été.
"Il n'y a pas de raison que ça se phagocyte !", avait voulu rassurer mercredi Guillaume Kasbarian, assurant qu'on pouvait "rester sur des objectifs ambitieux de construction de logement social et favoriser le LLI".
Image d'illustration de l'article via Depositphotos.com.