Justifié par une croissance moins vigoureuse attendue en 2024, le décret paru au Journal officiel "annule" dix milliards d'euros de dépenses budgétées dans des domaines allant de l'écologie à l'enseignement supérieur en passant par l'école, la justice, la défense, la cohésion des territoires et l'aide publique au développement.
Parmi les programmes "écologie, développement et mobilité durables", celui intitulé "énergie, climat et après-mines" est raboté d'un milliard d'euros, tandis que le "fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires" perd plus de 400 millions.
Érigé en septembre au rang de "priorité absolue", le budget alloué à la transition écologique se réduit, avec une révision en baisse d'un milliard d'euros de l'enveloppe d'aide pour mieux chauffer et mieux isoler les logements MaPrimeRénov.
Par ailleurs, les catégories "travail et emploi", "recherche et enseignement supérieur" et "enseignement scolaire" sont concernés respectivement par 1,1 milliard, 900 millions et 690 millions d'euros de crédits annulés.
L'aide publique au développement est rabotée de 740 millions d'euros, l'aide à l'accès au logement perd 300 millions, la culture 200 millions, la police nationale 134 millions, l'administration pénitentiaire quelque 118 millions et la défense 105 millions.
Évoquée depuis plusieurs mois, la mise en place d'une participation forfaitaire des salariés au compte personnel de formation (CPF) est désormais décidée.
Le gouvernement avait annoncé dimanche ces économies "immédiates" pour respecter son engagement budgétaire, sur fond de crainte d'une rétrogradation de sa notation financière au printemps.
"Brutalité sociale"
Il s'agit, selon le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, de faire preuve de "responsabilité", alors que le gouvernement exclut toute hausse d'impôts pour assainir les finances publiques.
Objectif: ramener le déficit public à 4,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, face à une prévision de croissance abaissée à 1%, contre 1,4% auparavant.
Ces coupes claires ont suscité des réactions indignées.
Le président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale Éric Coquerel (LFI) a déploré sur X (ex-Twitter) que "tous les secteurs en urgence et soi-disant prioritaires pour l'exécutif [soient] les plus impactés".
Pour Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT, premier syndicat français, "il y a une attente forte d'avoir des services publics renforcés, le gouvernement fait plutôt le choix de tous les saper un peu plus". La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet propose plutôt de "s'attaquer aux 200 milliards d'aides aux entreprises".
Pour les députés socialistes, "à la brutalité démocratique" du décret "s'ajoute la brutalité sociale", alors que "le gouvernement aurait pu mettre à contribution les plus riches à travers le rétablissement de l'ISF ou revenir sur la suppression des impôts de production".
L'Association des maires de France a regretté des décisions "en contradiction avec les priorités affichées" et la révision en baisse des crédits de "nombreuses politiques publiques" menées par les collectivités.
Les Départements de France ont alerté "sur la soutenabilité du modèle social français et demandent à ce que leurs recettes soient mises en cohérences avec les dépenses".
"Faire plus"
Face aux craintes de suppressions de postes d'enseignants, le ministère de l'Éducation nationale a assuré que "les emplois (enseignants comme administratifs) ne sont pas touchés ni les réformes prioritaires annoncées".
Ce serrage de vis s'ajoute aux 16 milliards d'économies déjà votées dans le budget 2024, provenant pour l'essentiel de la suppression du bouclier énergétique.
Signe des difficultés budgétaires, une source au ministère français de l'Économie a signalé lundi qu'il serait "probablement difficile de tenir" l'objectif d'un déficit à 4,9% du PIB pour 2023.
L'équilibre sera d'autant plus difficile à trouver que de nouvelles dépenses ont été annoncées pour soutenir les agriculteurs, les hôpitaux ou l'Ukraine.
Les coupes ont ainsi vocation à se poursuivre. Le gouvernement n'a pas exclu un projet de loi de finances rectificative à l'été, et déjà prévenu de la nécessité de trouver au moins 12 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2025.