Aujourd'hui, le recrutement bat son plein, notamment dans l'éolien, à en croire Michel Gioria, délégué général de France énergie éolienne (FEE).
Le nombre d'emplois dans le secteur a augmenté "d'un peu plus de 10% par an", dit-il à l'AFP: il est ainsi passé de de 20.200 emplois en 2019 à 25.500 en 2021.
Plus largement, "le secteur des énergies renouvelables a un très fort potentiel en termes de créations d'emplois: 100.000 emplois projetés d'ici à la fin de la décennie si les trajectoires de l'actuelle PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie) sont suivies", rappelle le syndicat des énergies renouvelables (Ser) à l'AFP.
Quand on lui demande quels métiers sont en tension, la réponse de M. Gioria fuse: "tous", notamment "tout ce qui est soudage", et puis les métiers de la logistique, grutiers, transporteurs exceptionnels, conducteurs de navires pour l'éolien en mer, et "tous les métiers associés à l'environnement", chargés par exemple des études environnementales en amont des projets.
Ce manque de bras sera "un facteur potentiellement limitant, s'il n'est pas traité", souligne Aurélie Picart, du Comité stratégique de filière des nouveaux systèmes énergétiques, association qui regroupe l'Etat et des industriels.
Pour répondre aux besoins, des formations sortent de terre, comme les "écoles des réseaux pour la transition énergétique", résultat d'une convention signée par les gestionnaires des réseaux électriques RTE et Enedis.
L'objectif est de créer dès septembre dix classes "réseaux électriques" en bac professionnel, notamment pour satisfaire les besoins de raccordement des éoliennes et champs photovoltaïques au réseau.
Autre piste, innover dans les méthodes de recrutement: comme dans d'autres secteurs, Pôle Emploi a mis en place des ateliers de "recrutement par simulation", afin de tester les aptitudes des candidats.
Le métier d'opérateur de pale d'éolienne, par exemple, "demande de la rigueur, de la dextérité, mais pas forcément un diplôme précis", explique Karine Meininger, directrice de Pôle Emploi pour la Normandie, qui cite des simulations très concrètes, comme la capacité à "visser un boulon la tête en bas", opération parfois pratiquée sur les éoliennes.
Polyvalence exigée
Mais en dépit de ces efforts, les acteurs soulignent que le nombre de candidats ne sera pas extensible à l'infini, conséquence selon eux de la désindustrialisation qui a touché la France durant des décennies.
Il faudra aussi faire avec des besoins accrus dans le nucléaire (100.000 recrutements nécessaires d'ici à 2030, selon ce secteur), ou la rénovation énergétique des bâtiments (plus de 200.000 à l'horizon 2030, selon le gouvernement).
Pour régler une part du problème, une notion revient sans cesse: "polyvalence", martèle la filière des renouvelables qui emploie déjà nombre d'ex-salariés ...des énergies fossiles.
Sur les chantiers des parcs éoliens offshore, "un nombre significatif" d'employés "vous disent +j'ai fait cinq, dix, quinze ans dans le domaine du pétrole ou du gaz sur les plateformes en mer du Nord ou ailleurs et j'ai envie de me reconvertir+", indique Michel Gioria.
Autre passerelle, celle susceptible de mener les soudeurs du nucléaire à souder les mâts des éoliennes. "Un soudeur du nucléaire est capable de faire de la soudure n'importe où", l'inverse n'étant pas vrai compte tenu de la technicité du nucléaire, nuance la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, dans les allées du salon Seanergy, consacré aux énergies marines.
Reste que l'emploi peut être aussi un moteur pour ces énergies, dit-elle: "montrer qu'il y a des emplois à la clé derrière chaque projet, que ces emplois vont bénéficier aux jeunes générations (...) tout cela conduira à une meilleure acceptabilité des énergies renouvelables sur notre territoire", a-elle estimé devant les acteurs du secteur de l'éolien en mer, enjoints de "mettre la démultipliée" pour déployer les parcs (une cinquantaine attendus d'ici à 2050, contre un seul en fonctionnement aujourd'hui).
"C'est essentiel de bien comprendre que si on devient soudeur, on ne s'enferme pas dans la soudure du système énergétique ou du nucléaire, qu'on peut évoluer sur d'autres secteurs", souligne Aurélie Picart.