Cette dernière étude dresse le bilan de ce début d’année 2024 qui s’annonçait sous des auspices plus favorables, et dessine quelques perspectives pour la rentrée.
En résumé
Côté offre :
- le crédit, sans couler à flot, est de retour : les banques sont volontaires et ont même anticipé les baisses de taux pour être attractives dès le début de l’année.
- le pouvoir d’achat reprend des couleurs : en moyenne 5%. Un gain qui peut être boosté par grâce à des négociations dossier par dossier dès que la concurrence est présente ainsi que par des prêts bonifiés mis en place par les banques.
- le HCSF reste un caillou dans la chaussure des emprunteurs... et des banques ! Il limite l’accès au financement de ceux qui ont les moyens (reste à vivre) et des investisseurs.
Côté emprunteurs :
- l’absence de biens dans le neuf continue d’accentuer la concentration des achats dans l’ancien.
- la part de biens dans l’ancien avec travaux progresse significativement une nouvelle dynamique s’installe [+3 points en 2024 vs 2023].
- les moins de 30 ans en force [+5 points en 2024 vs 2023].
- les primo-accédants sont en proportion plus nombreux [+ 2,31 points].
- les secundo-accédants restent sur la réserve [19,23% en 2024].
- les investisseurs tentent un retour frileux, plutôt plus jeunes et moins aisés, ce qui démontre l’intérêt persistant pour la pierre dans la construction patrimoniale.
Côté porteurs de projet :
- l’ancien conforte son attrait au détriment de la maison individuelle, le neuf tire son épingle du jeu (si toutefois les ménages trouvent des logements à acheter...).
- le montant des travaux envisagés progresse significativement [+37%].
- ils sont plus jeunes ou plus aisés, 2 catégories pour qui les conditions ne sont pas ou ne doivent pas limiter leur projet. Pour les 1ers : nécessité fait loi, pour les 2nds les conditions ne réduisent pas l’attrait de l’immobilier... Un clivage social et générationnel est en marche.
- la résidence principale reste au cœur des préoccupations.
- les investisseurs demeurent plus frileux.
Des conditions de financement qui s’améliorent enfin !
Des conditions de taux plus favorables
Après avoir atteint un plafond en décembre 2023, les taux baissent chaque mois depuis janvier 2024, mais avec une ampleur qui s’atténue, de moins en moins de banques baissant leur barème.
Un pouvoir d'achat quasi équivalent à juin 2023 !
Des opportunités pour les emprunteurs :
- Certes le gain est inférieur à la perte de pouvoir d’achat depuis 2022, mais en 6 mois les emprunteurs sont revenus à la situation de juin 2023. Par ailleurs, il s’agit de taux au barème. Les banques réalisent aujourd’hui des décotes sur les dossiers qu’elles souhaitent capter et qui peuvent être significatives : 3,6% ou 3,7% sur 25 ans vs 3,95% au barème par exemple.
- Le pouvoir d’achat des primo-accédants est d’ailleurs boosté par des prêts bonifiés proposés par les banques : de 15.000 à 25.000 €, à taux zéro ou inférieur au prêt long, avec des critères d’éligibilité parfois différents.
- Multiplier les leviers permet de faire baisser le coût du crédit (exemple de dossier financé) :
- Couple achetant à Saint-Etienne dans le neuf en zone ANRU à 230.900 €
- PTZ de 79.000 € sur 180 mois
- Prêt Action logement de 30.000 € sur 300 mois
- Prêt bonifié de la banque 20.000 € sur 240 mois
- Prêt classique de 101.900 € sur 300 mois
- Taux moyen du projet : 3,11%
- 45% d’économies sur les intérêts (61.374 €)
HCSF : des limites dans l'accès au financement toujours présentes
Malgré les démarches engagées par tous les acteurs, les exigences du HCSF restent en vigueur et les aménagements réalisés ne changent pas grand-chose à la réalité du terrain.
- Rappel des exigences :
- 35% de taux d’endettement assurance de prêt incluse
- 25 ans maximum sauf en cas de rénovation ou d’achat dans le neuf (+ 2 ans de différé)
- Les évolutions qui peuvent modifier la situation :
- prise en compte du reste à vivre
- retour du calcul en différentiel pour les investisseurs
- décloisonnement des quotas dans l’enveloppe dérogatoire
- Un constat : une enveloppe dérogatoire parfois insuffisamment utilisée
- Une réalité : le pilotage des enveloppes dérogatoires est trop complexe
- La taille des réseaux d’agences et le nombre de conseillers rendent complexes une gestion en temps réel de l’enveloppe dérogatoire et de ses quotas
- Parole de banquier : « Certains conseillers ne veulent même pas l’utiliser car ils ont peur de devoir ensuite dire non à leurs clients car l’enveloppe est dépassée... »
- Bon à savoir : en cette fin de semestre, plusieurs partenaires nous font part de marges de manœuvre quant aux dérogations possibles. Pour les emprunteurs n’ayant pu réaliser leur projet pour cause de taux d’endettement ou ayant besoin de rallonger un peu la durée d’emprunt au-delà de 25 ans afin de maîtriser leur budget, c’est le moment de tenter à nouveau !
Les acquéreurs
Des signes de reprise côté investissement locatif, les secundo toujours attentistes
- 2024 signe un retour des investisseurs encore fragile à la faveur de la réouverture des banques, et certainement de la baisse des taux (+1 point).
- Résidence principale : l’augmentation de la part des primo-accédants est une bonne nouvelle (+2,3 points vs 2023), mais qui cache aussi des secundo-accédants attentistes.
Profils des emprunteurs et évolutions
- Globalement des évolutions marginales sur les profils entre les 2 périodes.
- Des mouvements en marche sur les aspects « bien » et « finances » qui continuent de se marquer.
- le repli vers l’ancien s’accentue : + 4 points
- la part des travaux dans l’ancien progresse : + 3 points, pour autant le montant diminue bien que moins fortement que la valeur du logement (-4,7% vs -10,7%)
- l’enveloppe globale poursuit sa baisse (-11%), en raison de l’impact des taux mais pas seulement.
Avec un apport et des revenus quasi équivalents, la baisse de 11% ne peut être seule imputée au pouvoir d’achat (théoriquement plutôt 9%). Des arbitrages semblent être opérés par certains emprunteurs : acheter en conservant des marges de précaution semble être un nouveau postulat.
Dans ce contexte de hausse des taux et de pression sur le pouvoir d’achat, les moins de 30 ans sont en proportion plus présents :
2 mouvements sont probablement à l’œuvre :
- l’arrivée sur le marché n’est pas liée seulement à une envie mais aussi à un moment opportun (constitution de l’épargne, entrée dans la vie active).
- les offres des banques et leur politique sont plus favorables aux moins de 30 ans qui constituent un cœur de cible (au-delà de l'âge la catégorie primo-accédants). Leur proportion est certainement boostée par la baisse des secundo-accédants, plus attentistes.
La quasi-stabilité des profils côté revenus démontre que la baisse des taux engagée permet de resolvabiliser des ménages qui avaient été exclus sur le 2ème semestre 2023.
Elle démontre également l’attachement à l’immobilier pour toutes les catégories de Français, quel que soit leur niveau de revenus...
Les primo-accédants résistent...
Leurs profils :
- Un peu plus jeunes (1 an de moins en moyenne)
- Avec un profil financier assez proche : des revenus quasi équivalents (+1%), un apport assez similaire (+1,5%)
- Une part des "sans apport" assez similaire (-0,6 point). Cela ne reflète pas la légère détente des banques (le taux est à 6% en mai)
- Une opération inférieure de 9%, à la mesure de la perte de pouvoir d’achat liée à l’évolution des taux
- La maison reste majoritaire dans leur achat (au même niveau qu’en 2023
- L’ancien gagne du terrain (+4 points), pris en priorité sur la construction de maison individuelle. Un repli dû certainement à la suppression du PTZ pour ce type d’opérations depuis le 01/04 et qui sera plus marqué dans les mois à venir (part de CI de 7% en mars et de 3,3% en mai)
- Le PTZ :
- Dans le neuf, la part des bénéficiaires a ainsi augmenté de 7 points et son montant de 3%.
- Dans l’ancien : début d’accélération (de 2,15% de bénéficiaires à 4,1%), visible sur les montants (+14%).
Focus nouveau PTZ (depuis le 1er avril 2024)
Le nouveau PTZ : un effet bénéfique !
Les premiers chiffres :
- Des familles bénéficiaires : 60% de couples, dont + d’1 sur 2 a des enfants.
- Un effet très bénéfique sur l’enveloppe globale : à la fois en permettant un apport moindre et en réduisant le montant de l’emprunt.
- Des logements acquis avec une valeur inférieure pour les ménages bénéficiaires de PTZ (-35%), sans doute en raison de leurs revenus significativement inférieurs(-40%).
- Sans PTZ, ils seraient certainement au-dessus du taux d’endettement de 35% : par exemple 174.000 € sur 25 ans à 4% représente 922 € hors assurance pour une capacité d’endettement maximum de 1.112 € avec assurance.
- Un écart également en raison de la zone d’achat : ainsi près d’1 primo sur 6 sans PTZ achète en zone tendue, vs 4 sur 10 pour les bénéficiaires de PTZ.
Secundo-accédants : des vendeurs confiants !
Le profil des secundo-accédants est plus évolutif que celui des primo-accédants :
- Plus âgés de 2 ans,
- Des revenus moyens en hausse de près de 200 € (+3%),
- Près de 37% à avoir encore un crédit en cours sur leur premier bien (donc un bien non vendu), et leur part est assez stable. Preuve qu’ils ont encore confiance dans leur capacité à vendre leur bien (à trouver des acheteurs). La valeur du bien en vente est en baisse de 5%, alors même que leur crédit en cours est quasi du même montant. Cela les contraint à augmenter leur apport
- Un apport moyen global en hausse (+14%). Il représente d’ailleurs quasi 1⁄4 de l’opération (contre 1/5 en 2023).
- Leur opération globale baisse de 4%
- La part des achats dans le neuf augmente alors que la construction individuelle se contracte, l’ancien conforte sa place de numéro 1 avec 92% des achats.
Investisseurs locatifs : mis à mal par les conditions de marché, malgré la réouverture par les banques
Les investisseurs ont un niveau de revenus et d’apport inférieur à ceux de 2023 (respectivement -10% et -24%) et réalisent des opérations dont le montant global est en chute libre (-27%). Le signe d’une dégradation du marché de l’investissement locatif, de la capacité d’emprunt fortement limitée par le HCSF... Et des conditions de taux ! Les investisseurs sont les emprunteurs qui ont subi la plus forte hausse de taux des 3 segments observés : +10 points par rapport aux primo et +8 par rapport aux secundos malgré des niveaux de revenus plus élevés et des durées d’emprunt plus faibles. Le malus risque dans un marché baissier est ici bien visible.
Le changement de profil est également à interpréter au regard de l’âge des investisseurs : - 3 ans en moyenne, avec une catégorie des moins de 30 ans en forte progression (de 14% à 22%). La preuve si cela était encore nécessaire que l’immobilier est au cœur des préoccupations des ménages, quel que soit leur âge !
Le manque de biens dans le neuf se matérialise par la part des achats réalisés : 2 fois plus faible qu’en 2023 (10% vs 20% des achats).
Les porteurs de projet s’engagent mais pourront-ils aller jusqu’au bout de leur rêve ?
Plus jeunes ou plus aisés, ils se lancent dans l'achat immobilier
- L’attrait de l’immobilier est confirmé chez les plus jeunes dont la part progresse le plus : + 3 points.
- La tranche des 30/39 est celle qui se contracte le plus. Ils sont cependant ceux qui ont certainement le plus profité de l’accès à la propriété ces dernières années avec de bien meilleures conditions.
Les nouvelles conditions de financement, le prix élevé de l’immobilier malgré les baisses depuis un an, et la réduction des aides rebattent les cartes des porteurs de projet :
- - 14 points pour emprunteurs ayant des revenus inférieurs à 3 K€
- - 10 points pour les revenus compris entre 3 et 5 K€
- + 7 points pour les revenus entre 5 et 10 K€
- +17 points pour les revenus supérieurs à 10 K€
La résidence principale au cœur des préoccupations, les investisseurs plus frileux ?
L’achat de sa résidence principale est plus que jamais d’actualité. Les tensions sur le marché locatif sont sans aucun doute un accélérateur.
Les secundo-accédants sont là, attendant probablement les bonnes conditions pour se lancer.
Malgré la réouverture des conditions aux investisseurs, ces derniers semblent encore dans l’expectative.
Le budget moyen envisagé a baissé de 5% en moyenne, un peu moins pour les secundo-accédants.
L'ancien continue d'agréger les projets, mais le neuf attire toujours !
L’ancien est toujours en première place, mais il faut noter que le neuf progresse légèrement, alors que la maison individuelle régresse. La part des primo-accédants et la fin du PTZ jouent certainement dans cette baisse.
Côté travaux, les porteurs de projets sont toujours 1⁄4 à envisager des travaux mais avec une progression de leur quote-part dans la valeur du logement (+3 points).
Quelles perspectives ?
2024 une année de stabilisation... mais des incertitudes :
Impacts de la dissolution de l’Assemblée Nationale sur :
- L’OAT : alors que sa stabilité est clé pour la politique de taux de crédit immobilier, les annonces ont mis sous pression la dette souveraine française. Il faudra attendre les résultats des élections pour savoir si cette tension va s’accroître. Si c’est le cas, les taux de crédit qui étaient à la baisse depuis 6 mois pourraient au mieux stopper leur mouvement, au pire augmenter à nouveau. Il est d’usage d’avoir en moyenne 100 points de base d’écart entre l’OAT 10 ans et les taux moyens de crédit sur 20 ans.
- La politique du logement : une nouvelle Assemblée Nationale pourrait rebattre les cartes de la politique du logement. Des textes étaient à l’étude et sont donc "suspendus". Ces élections pourraient-elles remettre au premier plan le logement ?
Politique de la BCE :
Après une première baisse attendue, les prochains mouvements sont encore incertains : quelles baisses de taux seront possibles avant la fin de l’année après la légère reprise de l’inflation, les impacts des élections européennes et surtout les incertitudes sur la politique de la FED ?
Des éléments favorables
Des politiques des banques toujours accommodantes :
- Une rentrée sous haute tension grâce à un été peu propice au crédit immobilier : entre élections et JO, congés et télétravail, il y a fort à parier que la période sera un peu plus molle qu’à l’accoutumée. Cela va concentrer les efforts des banques sur la rentrée. En effet, il restera septembre et octobre pour finir l’année 2024 (décaissement des crédits) et nul doute que les banques auront à cœur de bien « démarrer » 2025. Les politiques devraient donc rester ouvertes, avec un soutien au pouvoir d’achat grâce aux prêts boostés (si toutefois le coût de l’argent ne progresse pas).
- Le marché restant sous contrainte, les banques sont à l’affut des dossiers et sont prêtes à consentir des efforts ciblés en cas de mise en concurrence. Si la pratique des négociations au-delà des barèmes est déjà présente, elle pourrait s’amplifier au détriment de baisse de taux généralisée en cas de hausse du coût de l’argent.
Des acheteurs de retour ?
La stabilité ou faible baisse des prix dans de nombreux secteurs et la possible stabilité des taux pourraient engager de potentiels acheteurs attentistes. En effet, le pouvoir de négociation sur le prix reste présent grâce à un nombre d’acheteurs toujours en repli et à la présence de vendeurs contraints. Le pouvoir est donc aux acheteurs qui en ont les moyens.
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