Dans le même temps, les conditions bancaires se durcissent avec des taux d’intérêt haussiers et des critères d’octroi de crédit resserrés. Pour les ménages, cette pression sur le pouvoir d’achat et la solvabilité leur impose des choix (quand ils ne sont pas subis) et dont l’arbitrage ne peut être que défavorable à l’investissement immobilier.
Pour l’heure, l’activité du bâtiment « résiste » grâce au niveau élevé des commandes passées mais les carnets, dont une partie pourrait s’annuler faute de financement, se vident graduellement et la chute des ventes de logements suggère qu’ils ne se rempliront pas dans les prochains mois.
Côté travaux publics, l’activité tourne au ralenti en ce début d’année et le secteur reste en attente d’un réveil de la commande publique qui pourrait alimenter plus durablement et solidement l’activité. Dans ce contexte, la production de matériaux sur douze mois glissants continue de se dégrader : le repli passe de - 4,6% à - 6,8% entre fin décembre et fin février pour les granulats et de - 4% à - 5,1% pour le BPE.
Février, un peu « meilleur » que janvier
D’après les premiers résultats de l'enquête mensuelle d'UNICEM portant sur février, l’activité du BPE et des granulats se serait très légèrement raffermie par rapport à janvier mais resterait bien en deçà de son niveau d’il y a un an. La production de granulats gagne ainsi +0,7% entre janvier et février (données CVS-CJO) mais s’inscrit -12,5% en dessous de son niveau de février 2022.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce gap, à commencer par un effet de base défavorable, le début 2022 ayant connu un rebond d’activité. Les traditionnelles opérations de maintenance technique des sites en cette période de l’année, couplées à une surproduction de précaution fin 2022 (en lien avec le climat d’incertitude énergétique) peuvent aussi expliquer ce mauvais début d’année qui s’inscrit toutefois dans une tendance de fond assez morose.
Ainsi, sur le trimestre décembre-février, la production perd -1,4% au regard des trois mois précédents et se situe -9,5% en dessous de son niveau d’il y a un an.
En cumul sur douze mois glissants, la tendance de l’activité granulats affiche désormais un repli de -6,8%.
Du côté du BPE, les livraisons de février ont progressé de +1% par rapport à janvier mais sont en retrait de - 4,9 % par rapport à février 2022 (données CVS-CJO). La tendance semble toutefois moins négative que pour les granulats puisque, sur les trois derniers mois connus, la production a cessé de baisser par rapport aux trois mois précédents (+0,4%) même si elle reste inférieure à celle constatée sur la même période en 2022 (-5,3%). Sur les deux premiers mois de l’année, les livraisons de BPE cèdent - 5,9 % sur un an et perdent -5,1% en cumul sur douze mois glissants. En deux mois, le rythme annuel d’activité du BPE a ainsi perdu 1 point contre plus de 2 points pour les granulats.
L'indicateur matériaux de l'UNICEM, encore provisoire pour janvier-février, traduit lui aussi un début d’année difficile. Après un quatrième trimestre en repli de -3,6% sur un an (et une année 2022 en baisse de -3,1%, données CJO), l’indicateur affiche une contraction de -9% sur les deux premiers mois de l’année.
Logement neuf : le scénario se durcit
Selon les dernières informations publiées par la FFB lors de sa conférence de presse du 12 avril, la crise du logement neuf est désormais amorcée. Tous les indicateurs virent en effet progressivement à l’orange voire au rouge, augurant une fin d’année difficile.
L’enquête INSEE menée auprès des industriels du bâtiment le confirme en mars : très résilient jusque début 2023, le climat des affaires se dégrade pour le deuxième mois consécutif tout comme l’opinion des entrepreneurs sur leurs perspectives d’activité. Bien qu’encore très supérieurs à leur moyenne de long terme, les niveaux de ces indicateurs actent un retournement de tendance appelé à se poursuivre.
Côté carnets de commandes, le jugement porté par les professionnels du gros œuvre continue aussi à se détériorer même si, dans l’absolu, ils totalisent encore 9,3 mois de stocks de travaux (soit 3 mois de plus qu’en moyenne). Mais la comparaison avec le même type d’indicateur produit par la Banque de France, dont le solde d’opinion vient de passer en territoire négatif en février-mars, suggère une certaine fragilité de ces carnets, sans doute constitués pour partie de travaux « en file d’attente » et dont la garantie de réalisation n’est pas assurée.
Corollaire (et/ou conséquence) de ce freinage de l’activité, les tensions sur l’appareil productif continuent de s’atténuer et les obstacles limitant la production, bien que toujours prégnants, se modèrent depuis trois mois. Il faut dire que l’appareil productif est moins sollicité : à fin février, et en glissement annuel sur trois mois, les mises en chantier de logements reculaient de -1,3% sous l’effet d’un net repli dans l’individuel (-8,6%) et d’une hausse (provisoire, en raison d’un délai de réalisation plus long des permis) dans le collectif (+4,4%).
Cette situation devrait s’aggraver à en juger la tendance des autorisations qui plongent de -26,6% sur la même période, la chute étant plus marquée encore pour l’individuel (-37,8%) que pour le collectif (-14,9%) et le risque d’un accroissement des annulations de permis n’est pas exclu compte tenu des difficultés de bouclage des financements.
Les ventes de logements des promoteurs aux particuliers ont en effet beaucoup reculé, notamment au quatrième trimestre (-30,9% sur un an contre -14,6% sur l’ensemble de l’année 2022) et le taux d’annulation a fortement progressé (21,6% fin 2022 contre 16% en moyenne sur l’année).
Les ventes des constructeurs de maisons individuelles ne se portent pas mieux : selon Markemétron, sur le premier bimestre 2023, elles plongent de -40,3% par rapport à leur moyenne de longue période.
Quant au secteur du logement social, il suit les mêmes tendances avec des ventes en bloc en repli de -15% en 2022. Seul le segment du non résidentiel semble résister avec des permis qui continuent de s’accélérer (+7,9% en glissement annuel sur le trimestre décembre-février) même si les mises en chantier, quant à elles, poursuivent leur contraction (-14,5%).
TP : du mieux mais...
Du côté des travaux publics, le début de l’année est marqué par une activité en quasi-stagnation par rapport à son niveau de l’an passé lui-même peu dynamique. Certes, selon la FNTP, les facturations ont gagné +4,9% en glissement annuel sur les deux premiers mois de l’année, mais compte tenu de l’évolution des coûts (qui se sont à nouveau tendus en début d’année), l’évolution en euros constants revient à -1,2%.
Quelques projets de grandes métropoles et l’attribution de lots de marchés d’envergure (Tunnel Lyon-Turin, Métro toulousain) permettent de booster les carnets (+29,9% en volume et en glissement annuel sur le bimestre janvier-février) mais ce rebond masque des disparités territoriales importantes et les grands opérateurs ne représentent qu’un quart du marché.
Le secteur reste en attente d’une prise de relais par les collectivités locales (40% de la clientèle des TP) dont la progression récente de l’épargne brute (+5,9% sur un an) et l’état des trésoreries (76 milliards d’euros à fin janvier 2023) permettraient d’engager sereinement un redémarrage des investissements.
Matériaux 2023
Dans ce contexte peu porteur du début d’année, les perspectives des matériaux pour 2023 ont été revues à la baisse. En recul de -4% en 2022, les livraisons de BPE devraient à nouveau se replier, de - 5 %. Quant au marché du granulat, après une contraction de -4,6% en 2022, la production pourrait se contracter de -6% cette année.
Chiffres clé
Sur les deux premiers mois de 2023, l'activité accuse un net recul comparé à la même période de 2022.
- Granulats : -12,2%
- BPE : -5,9%