Les matériaux n’échappent pas à cette spirale, confrontés à des hausses de coûts d’un côté et, de l’autre, à des difficultés pour répondre à des carnets, gonflés par les anciennes commandes mais dont les nouvelles entrées tendent à se raréfier au fil du temps. Le deuxième semestre s’ouvre ainsi sur des tendances en repli pour les granulats et le BPE (-3,3 % et -2,4 % en volume respectivement, à fin juillet sur un an) tandis que les indicateurs de demande, bien que donnant des premiers signes d’essoufflement, se maintiennent encore à des niveaux corrects, notamment dans le bâtiment.
Repli des productions en juillet, plus modérée dans les granulats
Selon les premiers résultats encore provisoires, les volumes de granulats produits en juillet auraient baissé de -1,6% par rapport à juin, déjà en repli de -3,2% par rapport à mai (données CVS-CJO) ; comparée à juillet 2021, l’activité cède -6,8% et, sur les trois derniers mois connus, affiche un recul de -8,3% par rapport au trimestre précédent et -6,6% par rapport au même trimestre d’il y a un an. En cumul sur les sept premiers mois de l’année, et en dépit d’un bon début d’année, les volumes de granulats ont perdu -3,3% sur un an, ce qui laisse la tendance sur douze mois glissants à -2,8%.
Côté BPE, les cubages auraient connu une quasi-stabilisation en juin (+0,4% par rapport à mai) mais se seraient repliés de -1% en juillet par rapport à juin, ce qui laisse l’activité de juillet en retrait de -2,4% par rapport à l’an passé (CVS-CJO). Au cours du dernier trimestre, les volumes de BPE produits cèdent -2,6% au regard des trois mois précédents et -3,1% sur un an. De janvier à juillet, l’activité du béton perd ainsi -2,4% sur un an et, en cumul glissant sur douze mois, le repli atteint -2,9%.
L’évolution de notre indicateur Matériaux traduit aussi la rupture à mi-semestre avec une progression de l’activité de +1,4% sur un an au premier trimestre suivie d’un recul de -5,2% au deuxième trimestre, laissant le glissement sur un an à -2,3% pour les sept premiers mois de 2022 (données CJO, provisoires). Quasiment tous les matériaux termineraient le semestre en repli, hormis les tuiles et briques dont la vigueur du premier trimestre, portée par la bonne conjoncture de la maison individuelle, parviendrait à compenser le repli des mois suivants.
BTP : les signaux de fragilisation de la demande se multiplient
Les derniers indicateurs disponibles pour le bâtiment soufflent le chaud et le froid sur une conjoncture très perturbée par les chocs exogènes. Selon la dernière enquête INSEE menée en août auprès des professionnels du gros œuvre, le climat des affaires demeure bien orienté à haut niveau. Si l’opinion sur leur activité passée s’est légèrement dégradée, en revanche, leurs perspectives pour les mois futurs se redressent de même que leur jugement sur les carnets de commandes. Ces derniers atteignent désormais 10,3 mois soit un point haut jamais atteint par le passé. Les contraintes qui pèsent sur l’outil de production demeurent importantes mais elles ont amorcé un repli depuis le début de l’été, notamment s’agissant des difficultés d’approvisionnement et des obstacles matériels. En revanche, les entreprises restent confrontées à des insuffisances de personnel ainsi qu’à des difficultés de recrutement et les entrepreneurs envisagent toujours d’accroître leurs effectifs dans les prochains mois. Côté construction, les mises en chantier de logements marquent le pas ces derniers mois, sans doute en raison des contraintes d’offre que connaît le secteur. Avec 385.000 logements commencés ces douze derniers mois à fin juillet (+0,4% sur un an), les chantiers ont connu un repli de -3,8% ces trois derniers mois, comparé à la même période de l’an passé. Surtout marqué dans le segment du collectif, ce recul contraste avec le dynamisme des autorisations.
En effet, bien qu’en repli par rapport à leur niveau exceptionnel de fin 2021-début 2022 (lié à l’effet d’anticipation de l’entrée en vigueur de la règlementation environnementale RE2020 au 1er janvier), le niveau des permis reste élevé en juillet. Compte tenu des délais d’instruction plus ou moins longs selon la nature du logement (2-3 mois dans l’individuel pur, davantage pour l’individuel groupé et le collectif), on estime que cet effet d’anticipation est désormais quasiment absorbé dans le segment de l’individuel. Cependant, côté logements collectifs et résidences, le nombre de permis a atteint un niveau très élevé en juillet, de plus de 31% au-dessus de sa moyenne de 2021, dont 69 % auraient été déposés en 2021 selon le ministère. A fin juillet et sur douze mois, on dénombrait ainsi 507 000 autorisations (+11,8% sur un an) dont 135.900 ces trois derniers mois (+5,7%), un stock important de chantiers à réaliser dont 57% concernent le logement collectif et en résidence. Mais du côté du marché de la maison individuelle, les dernières données de Markemetron confirment que la demande s’essouffle. Sur les sept premiers mois de 2022, les ventes ont reculé de 27,3% sur un an, certes après une année 2021 assez exceptionnelle. Et la dégradation de l’environnement économique (remontée des taux d’intérêt, inflation qui rogne le pouvoir d’achat et l’épargne des ménages, hausse des prix immobiliers...), ne laisse guère entrevoir d’amélioration à court terme. D’ailleurs, côté promoteurs, les ventes du deuxième trimestre ont également reculé, de -13% par rapport à la même période de l’an passé (-12,2% pour les appartements et -23,4% pour les maisons selon le ministère). Globalement, les stocks de logements poursuivent leur décrue, l’offre des promoteurs s’étant elle-même sensiblement ajustée à la baisse, et les prix continuent de progresser au cours de ce deuxième trimestre : +4,9% sur un an (à 4.621 € le m2 pour un appartement) et +5,2% (à 349.572 € en moyenne pour une maison). Si le tableau apparaît donc mitigé côté résidentiel, côté non résidentiel, l’horizon semble un peu s’éclaircir. Les surfaces de locaux commencés ont gagné +7,8% sur un an au cours des trois derniers mois de mai à juillet, laissant le cumul sur douze mois en hausse de +12,1% sur un an. Quant aux permis, ils restent orientés à la hausse sur le dernier trimestre, (+8,6% sur douze mois), les locaux commerciaux ou industriels affichant les plus fortes progressions.
TP : très léger « mieux » côté carnets
L’activité des travaux publics reste pénalisée par l’atonie des prises de commandes et les hausses de coûts. En cumul, de janvier à juillet, les travaux réalisés affichent une stagnation en valeur par rapport à la même période de l’an passé (+0,3%) mais l’estimation en volume, déflatée par l’indice TP01, laisse la tendance fortement négative (-9%). Interrogés cet été par l’INSEE, les chefs d’entreprise n’anticipaient pas d’amélioration dans les prochains mois, leurs carnets peinant encore à s’étoffer. En juillet, les marchés conclus se sont, il est vrai, redressés (+13,7% en valeur, +2,1% en volume, par rapport à juillet 2021) mais l’évolution des heures travaillées (-0,9% sur un an de janvier à juillet) traduit une activité qui manque véritablement de ressort.