Au troisième trimestre, les volumes produits dépassaient de +4% ceux de l'an passé pour les granulats et de +6% pour le BPE (données CVS-CJO), preuve qu'un rattrapage est bien à l'œuvre compte tenu de la décélération de l'activité qui était “normalement” attendue au second semestre 2020. Mais l'assèchement graduel des nouvelles prises de commandes, dans le gros œuvre comme dans les travaux publics, devrait modérer ce mouvement dans les prochains mois. Et la décision du re-confinement à fin octobre, même si cette fois le secteur du BTP n'est pas directement concerné, éloigne un peu plus encore la perspective d'un retour aux niveaux d'activité d'avant crise, d'ores et déjà hors de portée avant 2022.
Un mois de septembre meilleur qu'en 2019
Après trois mois d'été particulièrement vigoureux, le mois de septembre tempère la tendance. En repli par rapport au mois précédent, l'activité demeure néanmoins plus soutenue que celle de septembre 2019. Ainsi, selon les résultats provisoires de l'enquête mensuelle menée dans l'industrie des granulats, la production aurait baissé de -2,9% par rapport à août mais serait supérieure de +2,5% par rapport à celle de l'an passé (données CVS-CJO). Ainsi, au troisième trimestre,l'activité des granulats bondit de près de +35% par rapport au deuxième trimestre et de +4,3% au regard du troisième trimestre de 2019. En glissement sur les douze derniers mois,la chute d'activité se chiffre à -7,5% tandis que,en cumul sur les neuf premiers mois de l'année, la contraction atteint -9,5%. Du côté du BPE, les livraisons du mois de septembre, bien qu'en retrait de -2,9% sur août, sont 3% plus élevées que celles de septembre 2019. Sur les trois mois de juillet à septembre, la production de BPE a grimpé de +45,8% par rapport aux trois mois précédents et s'inscrit en hausse de +6% par rapport à la même période de l'an passé. De janvier à septembre, l'activité du béton prêt à l'emploi recule encore de -13,4% sur un an, tandis que, en glissement sur douze mois, le repli atteint -11,5% (CVS-CJO), des évolutions qui s'inscrivent pour le moment dans la trajectoire de nos estimations pour 2020.
Notre indicateur matériaux, encore provisoire pour le mois de septembre, enregistre également un rebond au cours du troisième trimestre (+7,1% sur un an, données CJO) après le plongeon du premier et deuxième trimestre d'environ -15% et -19% respectivement. Ce redressement, bien que plus marqué pour certains produits, est généralisé. Sur les neuf premiers mois de l'année, l'activité du panier de matériaux suivie par l'indicateur ressort à -9,4% en glissement annuel.
Des enquêtes aux tonalités diverses
La dernière enquête menée par l'INSEE auprès des professionnels du bâtiment en octobre traduit à la fois un rebond de l'activité passée mais aussi une certaine stabilisation de l'activité prévue. Cette stabilité recouvre en fait deux configurations distinctes avec d'un côté le logement neuf pour lequel les perspectives sont bien orientées et, de l'autre,le non-résidentiel où la tendance est plutôt baissière même si les soldes d'opinion demeurent encore largement au-dessus des moyennes de long terme. En tout état de cause, les carnets de commandes culminent à leur point haut historique, dépassant 9 mois dans le segment du gros œuvre. Il faut sans doute y voir le résultat des retards accumulés pendant le confinement dans un contexte où l'activité des entreprises reste actuellement bridée par les contraintes sanitaires, d'une part, et les tensions sur les capacités de production, d'autre part.
En effet, en octobre, près de 42% des entreprises du bâtiment ne pouvaient accroître leur production, pour des raisons liées principalement au manque de personnel (19% d'entre elles), le manque de matériel ou de matériaux ne concernant que 1% du total.Pour autant,le jugement des chefs d'entreprise sur leurs carnets de commandes continue de se dégrader, preuve que,au-delà du stock de travaux à finaliser,ils perçoivent la raréfaction des flux de nouveaux chantiers. Pour le moment, l'activité est toujours alimentée par la purge des commandes qui devraient assurer encore plus d'un semestre de travail. Pendant ce temps, du côté des promoteurs, l'opinion sur la demande de logements neufs se dégrade et les taux de désistement progressent. De fait, en octobre, leurs perspectives de mises en chantier pour les trois prochains mois accusent un nouveau repli, le solde d'opinion correspondant repassant sous sa moyenne de longue période.Dans un contexte de hausse du prix moyen des logements neufs,les promoteurs sont plus nombreux qu'en juillet à anticiper une baisse à venir des moyens de financement consacrés aux achats de logements neufs. Il faut sans doute y voir l'illustration d'une tendance au resserrement des conditions d'octroi de crédit qui se confirme, notamment auprès des primo-accédants les plus modestes, en liaison avec les recommandations du HCSF* de fin 2019.
Bâtiment / TP : rebond et perspectives contrastés
Pour l'heure, la construction de logements a repris de la vigueur, affichant une hausse de +42% (CVS-CJO) entre le deuxième et le troisième trimestre et un rebond de +6,3% par rapport à la même période de l'an passé (soit 386 500 unités sur un an à fin septembre).S'agissant des permis,si le redressement est très net aussi sur le trimestre (+43,6%), le niveau reste en deçà de celui de l'an dernier (-11,5%) à 393 300 autorisations. Quant aux locaux, le redémarrage est plus poussif. Les surfaces commencées restaient près de -13% en deçà du niveau du troisième trimestre de 2019 et les surfaces autorisées à -2,6%. Tous les secteurs accusent des replis marqués, notamment l'hébergement hôtelier,les bureaux,le commerce, les services publics. Seuls les entrepôts semblent tirer leur épingle du jeu, portés il est vrai par la récupération tardive de gros permis et l'ouverture, fin 2019, des chantiers du parc logistique e-valley, destiné à devenir le plus grand parc logistique d'Europe. Enfin, du côté des travaux publics, après une récupération estivale moins marquée que prévue, les perspectives pour les prochains mois s'assombrissent. En octobre, les professionnels des TP pointaient certes un net redémarrage des chantiers, notamment sous maitrise d'ouvrage privée, mais l'absence de rebond de la commande publique pèse sur leurs carnets de commandes jugés peu garnis. La chute des marchés conclus se poursuit (-16,2% en cumul sur les huit premiers mois de l'année et -9% sur un an au cours des trois mois d'été),laissant craindre un véritable trou d'air pour la fin 2020.
* Haut Conseil de stabilité financière (HCSF)