Avec la loi "Avenir professionnel" votée en septembre, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a voulu mettre en oeuvre "une révolution copernicienne" de cette formation en alternance sur laquelle elle mise pour faire baisser le chômage des jeunes avec son taux d'insertion dans l'emploi de sept diplômés sur dix.
Après avoir levé "les freins réglementaires" (relèvement de l'âge maximum, possibilité de recrutement toute l'année, hausse du temps de travail possible, etc.) le gouvernement remet à plat le coeur du système: le millier de centres de formation (CFA) qui accueillaient 437.000 apprentis fin 2018.
Ceux-ci peuvent désormais ouvrir plus simplement, sans autorisation des régions. Ils ne seront plus financés à partir du 1er janvier 2020 par les régions, mais par l'intermédiaire des branches professionnelles et surtout en fonction du nombre de jeunes sous contrat.
"Cela devrait inciter les CFA à proposer des formations au plus près des besoins des entreprises", assure Christian Leperlier, en charge du développement de l'apprentissage agricole en Bourgogne-Franche-Comté.
"Mais la concurrence va être plus grande. Une entreprise ou un organisme de formation pourra ouvrir plus facilement un centre et cela peut fragiliser des CFA historiques ou des lycées professionnels", prévient-il. Une certification sera cependant requise au bout de deux ans.
"Equilibre territorial"
Au coeur de ce nouveau modèle économique, le montant de chaque formation qui sera pris en charge.
La nouvelle agence de régulation, France Compétences, vient de valider 70% des 22.000 coûts de formation proposés par les branches (5.000 euros pour un CAP maçon, 8.000 euros pour un ingénieur de l'école des Mines de Saint-Etienne, etc.) et émis des "recommandations" pour les autres auxquelles les branches devront se conformer.
Alors qu'un CFA, suivant sa région, recevait entre 2.600 et 14.500 euros par an pour un CAP cuisine, la fourchette sera réduite de 4.687 à 8.564 euros.
Selon le ministère du Travail, sans augmentation de la taxe d'apprentissage prélevée auprès des entreprises, "entre 80 et 90% des diplômes" seront désormais mieux financés.
"Plusieurs centaines de millions d'euros de la taxe d'apprentissage se perdaient en route et n'étaient pas dépensés par les régions", assure-t-on.
"Pour l'agro-alimentaire, on devrait y gagner", pense M. Leperlier. "Mais la région finançait aussi des CFA un peu en difficulté au nom de l'équilibre territorial", rappelle-t-il. Une enveloppe de 250 millions d'euros est prévue dans ce but, répartie entre les régions. Autre inconnue, le financement de l'apprentissage dans le secteur public.
Couplée à la simplification administrative, cette visibilité du coût, sans limite de volumes, devrait être, selon le ministère, une "incitation puissante" à ouvrir des CFA pour atteindre les objectifs annoncés ici et là: +25.000 apprentis pour la métallurgie ou +60.000 pour les artisans d'ici 2022.
Selon la rue de Grenelle, qui a publié "un kit pour créer son CFA", "une cinquantaine d'entreprises ont des projets".
Jugeant l'offre actuelle "trop fragmentée" pour "leurs besoins massifs de recrutement", Accor, Adecco, Korian et Sodexo ont ainsi annoncé un projet de CFA dans la cuisine et de la restauration pour 1.000 apprentis.
Beaucoup plus modestement, le groupe Nicollin va ouvrir un BTS pour une douzaine d'élèves sur les métiers de services à l'environnement à son siège à Montpellier.
"Pour ce BTS, il fallait aller à Toulouse et on veut aussi apporter une culture d'entreprise à nos élèves", souligne la responsable de la formation Patricia Jarlot.
Mme Pénicaud voit dans cette "dynamique" "un début de changement culturel" en France, où seuls 7% des 16-25 ans sont en apprentissage contre 15% en Allemagne. Avant même l'entrée en vigueur de la réforme, le nombre d'entrées en apprentissage a augmenté de 7,7% en 2018 à 317.556, sous l'effet principalement de son succès dans le supérieur, mais il n'a fait que revenir à son niveau de 2012.