"Les chiffres sont encore au beau fixe", a commenté en conférence de presse Thierry Delesalle, le président de la commission statistiques des Notaires du Grand Paris. "À plusieurs trimestres exceptionnels devraient succéder des trimestres peut-être pas exceptionnels mais toujours dynamiques", a-t-il pronostiqué.
Selon l'indice Notaires-Insee, qui fait référence du fait de son exhaustivité, les prix sur l'ensemble de la France (hors Mayotte) à fin juin ont augmenté de 6,8% sur un an, soit un demi-point de moins qu'à fin mars.
Et les volumes de ventes suivent la même tendance : avec 1.157.000 transactions sur douze mois, ils restent à un niveau très élevé mais commencent à marquer le pas après une année 2021 record.
Les grandes tendances observées depuis la crise sanitaire sont toujours là : l'appétence pour les maisons plutôt que pour les appartements, et le dynamisme de la province par rapport à l'Île-de-France.
Le prix des maisons, porté par l'envie de vert et d'espace depuis les confinements de 2020, a augmenté de 8,4%, soit près du double de celui des appartements (+4,5%).
L'ancien s'est renchéri de 8,6% en province, contre 2,2% en région parisienne. Les prix des appartements sont même en baisse de 0,8% dans la capitale.
Et ce malgré un retour des acheteurs étrangers sur le marché du luxe, qui s'observe nettement dans les arrondissements les plus chers (VIe, VIIe, VIIIe) de la capitale, où les prix continuent de grimper.
"L'euro n'est pas en bonne forme (...) pour ceux qui paient en dollars ou en livres sterling, c'est un vrai bonheur !", a commenté Me Delesalle.
Lyon a rejoint la tendance parisienne, avec des prix parfaitement stables sur un an.
"Nuages bien sombres"
Les chocs sur l'économie mondiale risquent néanmoins d'accentuer ce ralentissement dans les prochains mois, préviennent les professionnels.
"Nous, on voit que ce phénomène continue, il s'amplifie", commente pour l'AFP Éric Allouche, président du réseau d'agences ERA Immobilier France. "On va assister à une stagnation des prix d'ici à la fin de l'année, dans des volumes qui restent toutefois assez importants puisque l'immobilier reste une valeur refuge".
Les chiffres des notaires, qui s'appuient sur les ventes définitivement conclues, ont en effet quelques mois de retard sur les tendances du marché. Les effets de la flambée des prix de l'énergie, de l'inflation galopante et de la restriction de l'accès au crédit ne s'y reflètent donc pas encore pleinement.
"On a beaucoup de nuages bien sombres", a pronostiqué Me Delesalle. "Avec l'inflation totalement décorrélée des salaires, c'est vrai que le pouvoir d'achat en prend un coup ; l'argent est plus cher et surtout de plus en plus difficile à obtenir...".
Malgré la volonté des banques de contenir la hausse des taux des crédits immobiliers, la hausse rapide des taux d'intérêt, conjuguée au taux d'usure en vigueur en France qui empêche celles-ci de prêter au-delà d'un certain taux, grippe l'octroi de crédits immobiliers.
"Il y a des déménagements qui ne se font pas à cause de ça", a affirmé Me Delesalle.
Deuxième obstacle majeur : la règlementation sur les passoires thermiques. Pour inciter les propriétaires à rénover leurs biens, un levier essentiel de la transition écologique, les logements les plus énergivores vont progressivement, à partir du 1er janvier prochain, être interdits à la location.
"Certains vont peut-être faire les travaux dans les temps, mais certains vont aussi être tentés de vendre leur logement", prévient Éric Allouche, craignant que les prix de vente baissent... mais que ceux des loyers s'envolent.
Le seul élément pouvant entretenir une progression des prix vient de la construction neuve, grippée du fait des règles plus strictes sur l'artificialisation des sols, du recul des permis de construire et de la hausse des prix des matériaux de construction.